Revue de presse - Savoie

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ESTOCADE - Sarkozy, ce grand malade

Courrier international - n° 903 - 21 févr. 2008
France

ESTOCADE - Sarkozy, ce grand malade
Pour le directeur adjoint d'El País, le président français "se vautre
dans l'exhibitionnisme" et "rabaisse la République au niveau de Monaco".
Une charge violente contre un Sarkozy atteint d'une "incurable
hypertrophie de l'ego".
Les Français ont un problème. Ils croyaient avoir un superprésident, un
hyper­dirigeant capable de les sortir de la dépression et de la
décadence, et voilà qu'ils ont écopé d'un président comme ils en ont
déjà connu beaucoup d'autres : à savoir malade, limité, qu'il faut
dorloter et protéger tout en s'organisant pour que la France tourne et
que le gouvernement et les institutions fassent leur devoir. La
situation n'a rien d'inédit : Pompidou et Mitterrand étaient déjà des
présidents malades et diminués. Le premier est même mort avant la fin de
son mandat. Quant à Chirac, il fut un obstacle paralysant pendant une
bonne partie de sa présidence. La maladie dont souffre Sarkozy n'a pas
la gravité du cancer de la prostate de Mitterrand, mais elle touche un
organe vital s'il en est : l'ego. Celui du président est d'évidence
atteint d'une hypertrophie probablement incurable.
Plus on s'approche du 9 mars, date du premier tour des élections
municipales, plus la nervosité des candidats du parti présidentiel
augmente et plus on redoute les interventions de Sarkozy, susceptibles
de faire perdre des voix à l'UMP. Le parti du chef de l'Etat est divisé
à cause de tensions qu'il a lui-même créées. Le traitement qu'il a
infligé en public aux uns et aux autres, y compris à certains de ses
collaborateurs les plus proches, est digne du comportement d'un monarque
bilieux et capricieux avec ses laquais. Même son actuelle impopularité
est extravagante : elle ne s'explique pas par un train de réformes
puisque ces dernières sont encore largement inappliquées. Elle
s'explique uniquement par son comportement public.

Un triomphe de sultan, seigneur en son sérail

Le trône qu'occupe Nicolas Sarkozy a été imaginé par de Gaulle pour lui
permettre d'être le troisième larron d'un monde bipolaire. Le président
français voulait être un fier contrepoids occidental dans l'affrontement
entre Washington et Moscou. Or Sarkozy, arrière-petit-fils libéral et
proaméricain de De Gaulle (après le petit-fils, Chirac, et le fils,
Pompidou), s'est installé sur le trône élyséen porté par son ambition
personnelle et sa conception égotique de la présidence : il a par le
fait encore accru les pouvoirs de la présidence. Et, une fois parvenu à
ses fins, il s'est consacré à lui-même, comme un ado narcissique
obnubilé par ses sentiments et ses plaisirs. Certes, le pouvoir peut en
apporter beaucoup, mais la prudence conseille de ne pas trop en faire
étalage. Sarkozy le téméraire fait tout le contraire et se vautre dans
l'exhibitionnisme.
C'est sur trois points précis qu'est venu se briser le personnage :
l'économie, qui n'a pas enregistré la moindre amélioration depuis son
arrivée ; son idéologie plus néocons, voire "théocons", que gaulliste –
en témoignent des prises de position sur la laïcité contraires à la
culture de la République ; et sa vie privée, étalée dans les médias. En
monarque thaumaturge qui par une simple imposition des mains devait
augmenter le pouvoir d'achat, il a échoué au point de prononcer la
formule maudite qui rompt les sortilèges : "Qu'est-ce que vous attendez
de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ?" En monarque
philosophe, il a manifesté les plus fortes réserves vis-à-vis des
traditions républicaines, en exprimant avec désinvolture son affinité
intellectuelle avec le pape. Il n'a pleinement triomphé que dans le rôle
de sultan, seigneur en son sérail, paré des atours qui passionnent un
certain public – et manifestement aussi ses pairs. Le voilà fasciné par
son propre pouvoir de séduction, son goût exquis et sa désinvolture.
Mais ce triomphe-là a le don de déprimer beaucoup de Français car il
rabaisse la République au niveau de la principauté de Monaco.
Lluís Bassets


25/02/2008
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