Revue de presse - Savoie

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Entre Médiator et insuline, réflexions d’un diabétique

COMMENTAIRES

 

La santé dans l'economie de marché, c'est du business à rentabiliser - et l'interet des grands groupes n'est pas du tout celui de la santé publique et de l'equilibre des comptes de la sécurité sociale.

 

Il y a une difference entre être profitable et maximiser les profits. Etre profitable peut etre maitrisé en s'accordant sur des objectifs, maximiser les profits ne tolère pas de limite. Et dans la santé, (comme dans l'éducation), c'est le conflit evident entre le capitalisme financier débridé actuel et les comptes de l'état

 

Alors soit l'etat (y compris les partenaires sociaux) fait face à la contradiction, soit le systeme de santé explosera

Entre Médiator et insuline, réflexions d’un diabétique

http://www.liberation.fr/societe/01012352367-entre-mediator-et-insuline-reflexions-d-un-diabetique

 

 

On parle beaucoup de diabète, moins de ses dysfonctionnements et de ce qu’ils révèlent. Le mot désigne plusieurs pathologies qui n’ont ni les mêmes causes ni les mêmes conséquences : de type 1, insulinodépendant, c’est une maladie auto-immune qui touche 150 000 personnes en France (1). Les cellules du pancréas s’autodétruisent et ne produisent plus d’insuline. Le sucre n’est plus absorbé par l’organisme et s’accumule dans le sang. Il faut injecter de l’insuline pour tenter de réguler l’afflux de glucose en l’ajustant selon les besoins du métabolisme, de l’alimentation et de l’activité.

 

Dans le diabète de type 2, le pancréas fonctionne mais peine à répondre à tous les besoins en insuline. Souvent associé à d’autres maux (cholestérol, hypertension ou obésité), très lié au mode de vie, il est en forte augmentation, particulièrement dans les régions les plus touchées par la crise économique. En 2009 en France, 2,9 millions de personnes étaient traitées pour cette variante (1,6 million en 2000) et on estime à près de 300 millions la population mondiale concernée. Le Mediator visait ce marché avant son badigeonnage en coupe-faim, mais l’existence de tous les antidiabétiques oraux pose problème. Quand ils ne tuent pas, ils trompent en donnant l’illusion de pouvoir se passer de la seule pharmacopée efficace contre le diabète léger : alimentation équilibrée, consommation de sucres réduite, activité physique.

Quelle que soit sa gravité, le diabète est mal traité. Ainsi, dans son édition du 27 juin 2009, le Monde évoque en une la possible recrudescence de cancers dus à l’insuline Lantus. La suite de l’article n’apparaît pas en rubrique médicale mais dans le cahier… économie. L’inquiétude du quotidien ne concerne pas l’éventuelle nocivité de cette molécule, seule dans cette catégorie à être autorisée en France, mais les conséquences boursières sur le cours de l’action de son fabricant, Sanofi, dont elle représente, avec 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2009, la plus importante source de profits. Cette façon d’aborder les choses correspond bien au diabète : il a son salon, sa journée au cours de laquelle les JT annoncent invariablement «d’importantes avancées qui vont bientôt changer la vie des diabétiques» (de nouveaux produits), et ses revues financées par les publicités de stylos à insuline.

Mais si le diabète rapporte beaucoup aux laboratoires, il coûte très cher à la collectivité : 12,5 milliards d’euros en France en 2007 soit plus de 9% des dépenses de l’assurance maladie et une hausse de 80% par rapport à 2001. Aux diabétiques il coûte plus cher encore : comas, cécité, amputations, maladies cardio-vasculaires et rénales d’autant plus fréquents pour les patients de type 1 que leur pathologie se déclare généralement tôt, à l’enfance ou à l’adolescence. Le diabète fatigue, ronge et tue à petit feu. Il y a peu de diabétiques insulinodépendants heureux mais des quantités de malades qui oscillent entre le déni de leur affection et un traitement obsédant, confrontés à l’incompréhension des tiers, à la condescendance et à l’autosuggestion instillée par les praticiens («ça se soigne très bien maintenant»), aux tracasseries des employeurs et des assureurs. Contrairement aux idées reçues, se piquer jusqu’à huit fois par jour pour s’injecter de l’insuline et autant au bout des doigts pour procéder à des analyses est un problème dérisoire face à la difficulté à adapter en permanence les doses, à l’alternance entre excès de sucre et excès d’insuline, entre épuisement et irascibilité, et aux complications graves dont on ne peut que retarder l’apparition.

Depuis la découverte de l’insuline en 1921, la recherche n’a progressé qu’en deux domaines : une plus grande sophistication de cette hormone, de son mode d’administration et une précision accrue des instruments d’analyse, avec un coût démultiplié. L’industrie concentre ses efforts sur des pistes souvent vaines mais à fort potentiel commercial (insuline nasale, voire en suppositoires, pompes, vaccin, greffes assorties de traitements antirejet à vie). Les perspectives de rémission complète (suppression du glucagon, génétique) ne l’intéressent pas. Ces firmes, qui réalisent leurs bénéfices les plus spectaculaires grâce au diabète, peuvent le soigner, améliorer le confort des malades ; on ne peut exiger qu’elles s’emploient à le guérir.

Des associations de patients dirigées par des médecins, des revues et des praticiens conditionnés par les laboratoires, des industriels invoquant le patriotisme économique pour défendre leurs prébendes, des autorités sanitaires qui retardent la mise sur le marché des produits d’importation, des médicaments vendus et remboursés à des prix vertigineux déterminés par les fabricants, des actes médicaux «de confort» aux conséquences mortelles, des experts et des chroniqueurs liés aux laboratoires qu’ils sont censés évaluer, des traitements inaccessibles aux pays pauvres : les similitudes avec la transfusion sanguine sont grandes. Du sang contaminé au Mediator, du combat solitaire d’Anne-Marie Casteret à celui d’Irène Frachon, plus de vingt-cinq ans ont passé et rien n’a changé. Le sacrifice de milliers d’hémophiles n’aura servi qu’à une chose : permettre à Roselyne Bachelot de justifier ses acquisitions compulsives de vaccins contre la grippe par une nécessité de précaution prétendument héritée des procès du sang contaminé, alors qu’elles procèdent des mêmes mécanismes de décision.

 

Mediator et diabète sont les symptômes d’une société qui invoque les principes justes de l’assurance maladie tout en les dévoyant. Derrière la catéchèse («la santé, c’est sacré»), on découvre un monde biaisé où les libéraux captent l’argent public et où les dirigistes concèdent au privé. Ce n’est pas l’attitude des laboratoires qui est blâmable, c’est l’absence de contre-pouvoirs et l’illusion que les préoccupations des professionnels de la santé, des patients et de l’Etat coïncident nécessairement. Ces questions ne doivent pas être abordées sous l’angle de la vertu ou du complot, mais par une plus grande étanchéité entre fonctions publiques et privées, l’émancipation des associations de malades, un contrôle du prix de vente des traitements et une recherche exonérée d’arrière-pensées.



04/08/2011
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