Fraise d'espagne - developpement durable - agriculture libérale
COMMENTAIRES
voici un bel exemple du libéralisme appliqué à l'agriculture. Et pourtant, l'OMS pousse avec le cycle de Doha à la liberalisation encore plus forte de l'agriculture.L'agriculture libéralisée, c'est plus d'exportation et de concentration des acteurs, moins de culture locale au détriment des populations des pays pauvres (voir l'afrique qui exporte du afé, du cacao - et importe ses aliments), plus de pollution par insecticides, pesticides, transport, la porte ouverte à plus d'OGM, l'exploitation des mexicains aux USA, des marocains en Europe ..
Un désastre en construction, auxquels NOUS CONTRIBUONS
Car pour une fois - nous pouvons agir: acheter le plus possible les produits de saison, les produits locaux. Vous ne devriez jamais acheter des poires ou des haricots verts d'amerique latine - et pourquoi pas se passer tout simplement des fruits exotiques ?
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D'ici à la mi-juin, la France aura importé d'Espagne plus de 83 000
tonnes de fraises. Enfin, si on peut appeler «fraises» ces gros trucs
rouges, encore verts près de la queue car cueillis avant d'être mûrs,
et ressemblant à des tomates. Avec d'ailleurs à peu près le goût des
tomates...
Si le seul problème posé par ces fruits était leur fadeur, après tout,
seuls les consommateurs piégés pourraient se plaindre d'avoir acheté
un produit qui se brade actuellement entre deux et trois euros le kilo
sur les marchés et dans les grandes surfaces, après avoir parcouru 1
500 km en camion. À dix tonnes en moyenne par véhicule, ils sont 16
000 par an à faire un parcours valant son pesant de fraises en CO2 et
autres gaz d'échappement. Car la quasi-totalité de ces fruits poussent
dans le sud de l'Andalousie, sur les limites du parc national de
Doñana, près du delta du Guadalquivir, l'une des plus fabuleuses
réserves d'oiseaux migrateurs et nicheurs d'Europe.
Il aura fallu qu'une équipe d'enquêteurs du WWF-France s'intéresse à
la marée montante de cette fraise hors saison pour que soit révélée
l'aberration écologique de cette production qui étouffe la fraise
française (dont une partie, d'ailleurs, ne pousse pas dans de
meilleures conditions écologiques). Ce qu'ont découvert les envoyés
spéciaux du WWF, et que confirment les écologistes espagnols, illustre
la mondialisation bon marché.
Cette agriculture couvre près de six mille hectares, dont une bonne
centaine empiètent déjà en toute illégalité (tolérée) sur le parc
national. Officiellement, 60% de ces cultures seulement sont
autorisées; les autres sont des extensions «sauvages» sur lesquelles
le pouvoir régional ferme les yeux en dépit des protestations des
écologistes.
Les fraisiers destinés à cette production, bien qu'il s'agisse d'une
plante vivace productive plusieurs années, sont détruits chaque année.
Pour donner des fraises hors saison, les plants produits in vitro
sont placés en plein été dans des frigos qui simulent l'hiver, pour
avancer leur production. À l'automne, la terre sableuse est nettoyée
et stérilisée, et la microfaune détruite avec du bromure de méthyl et
de la chloropicrine. Le premier est un poison violent interdit par le
protocole de Montréal sur les gaz attaquant la couche d'ozone, signé
en 1987 (dernier délai en 2005); le second, composé de chlore et
d'ammoniaque, est aussi un poison dangereux: il bloque les alvéoles
pulmonaires.
Qui s'en soucie? La plupart des producteurs de fraises andalouses
emploient une main-d'oeuvre marocaine, des saisonniers ou des
sans-papiers sous-payés et logés dans des conditions précaires, qui se
réchauffent le soir en brûlant les résidus des serres en plastique
recouvrant les fraisiers au coeur de l'hiver.
... Un écologiste de la région raconte l'explosion de maladies
pulmonaires et d'affections de la peau.
Les plants poussent sur un plastique noir et reçoivent une irrigation
qui transporte des engrais, des pesticides et des fongicides. Les
cultures sont alimentées en eau par des forages dont la moitié ont été
installés de façon illégale. Ce qui transforme en savane sèche une
partie de cette région d'Andalousie, entraîne l'exode des oiseaux
migrateurs et la disparition des derniers lynx pardel, petits
carnivores dont il ne reste plus qu'une trentaine dans la région, leur
seule nourriture, les lapins, étant en voie de disparition. Comme la
forêt, dont 2 000 hectares ont été rasés pour faire place aux
fraisiers.
La saison est terminée au début du mois de juin. Les cinq mille tonnes
de plastique sont soit emportées par le vent, soit enfouies n'importe
où, soit brûlées sur place.
... Et les ouvriers agricoles sont priés de retourner chez eux ou de
s'exiler ailleurs en Espagne. Remarquez: ils ont le droit de se faire
soigner à leurs frais au cas ou les produits nocifs qu'ils ont respiré
...
La production et l'exportation de la fraise espagnole, l'essentiel
étant vendu dès avant la fin de l'hiver et jusqu'en avril, représente
ce qu'il y a de moins durable comme agriculture, et bouleverse ce qui
demeure dans l'esprit du public comme notion de saison. Quand la
région sera ravagée et la production trop onéreuse, elle sera
transférée au Maroc, où les industriels espagnols de la fraise
commencent à s'installer. Avant de venir de Chine, d'où sont déjà
importées des pommes encore plus traitées que les pommes
françaises...
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