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Les Français travaillent-ils trop peu ?

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c'est curieux, on n'entend pas souvent ce son de cloche chez les experts economiques. les groupes mediatiques seraitent-ils partiaux ? ou moutonniers ? ou les 2 ?
En tout cas, revenez à la base: faites vous votre idée vous-même et validez les sources d'information - mêmes les plus reconnues.

pour des comparaisons concrètes et surprenantes, voir sur ce site un article analysant les statistiques du travail en angleterre et au danemark, comparativement à la France.

http://www.alternatives-economiques.fr/site/hs72_003_35heures.html

Les Français travaillent-ils trop peu ?

Pour augmenter la durée du travail, mieux vaudrait s’attaquer au chômage et aux temps partiels contraints, plutôt qu’aux 35 heures.

Cela fait partie du discours ambiant : les Français travailleraient trop peu, notamment à cause des 35 heures. Ce qui expliquerait la faiblesse de leur pouvoir d’achat, la perte de compétitivité du pays et les dérives d’une protection sociale trop sollicitée, faute de revenus d’activité suffisants. Mais quand on examine la situation française de plus près, les évidences deviennent moins évidentes... Et d’ailleurs, que veut dire exactement « travailler trop peu » ? S’agit-il d’un nombre d’heures travaillées jugé trop faible ou du nombre de personnes au travail ? Cela n’a pas les mêmes conséquences sur les politiques publiques à mettre en oeuvre.

1 456 heures annuelles
Première manière d’aborder la question : le nombre d’heures travaillées chaque année. La durée légale hebdomadaire du travail salarié est de 35 heures, ce qui, compte tenu des semaines de congés et des jours fériés, correspond à 1 607 heures de travail chaque année. Mais ce chiffre est largement théorique. Certains, en effet, travaillent davantage : heures supplémentaires (rémunérées ou non), régime d’équivalence (dans les transports, les restaurants, les salons de coiffure, etc., le temps de présence des salariés est supérieur au temps rémunéré, pour tenir compte des moments d’attente sans travail), cadres ou représentants astreints au forfait jours (la durée quotidienne n’est pas fixée, seul le nombre de jours de travail l’est)... D’autres travaillent moins : arrêts maladie, maternité, accidents de travail, congé parental, horaires particuliers dans certaines branches ou entreprises... La durée effective du travail à temps plein est de ce fait plus élevée que la durée légale : 1 650 heures annuelles en 2004, moyenne variant selon les professions et le sexe.

Toutefois, une partie des salariés (17 %) travaille à temps partiel, soit en moyenne 23 heures par semaine. De ce fait, si l’on s’intéresse à l’ensemble des salariés, la durée moyenne du travail est diminuée d’autant, et passe à 1 550 heures par an. En outre, temps payé et temps effectif ne coïncident pas forcément : il faut exclure les pauses, la formation, les temps d’habillage, voire l’absentéisme. Le temps travaillé en moyenne par les salariés ayant un emploi passe alors à 1 456 heures annuelles pour 2004 (1). Ce n’est pas beaucoup moins que dans la plupart des pays européens de niveau comparable, la différence venant du fait que les durées relativement faibles ailleurs sont liées au poids du temps partiel, alors qu’en France, l’influence principale résulte des 35 heures.

350 000 emplois créés avec les 35 heures
Du fait des embauches qui l’ont accompagnée (350 000 au total en quatre ans, de début 1998 à fin 2001, selon l’Insee et la Dares du ministère de l’Emploi), la réduction du temps de travail a accentué la tendance à l’augmentation du volume total d’heures travaillées dans les entreprises (+ 6,8 %) observée durant cette période. Et sur un plan macroéconomique, c’est bien ce volume total qui compte et non le volume de travail individuel de chacun de ceux qui ont un emploi. Au contraire, depuis 2002, ce même volume est en légère baisse, de l’ordre de 1 % à 1,5 %. L’augmentation du nombre d’emplois entre 1997 et 2001 a donc plus que compensé l’effet de la réduction du temps de travail. En revanche, les 35 heures ont incontestablement freiné la croissance des rémunérations… pour ceux qui étaient déjà en emploi.
Entre 1998 et 2004, le pouvoir d’achat du salaire annuel net moyen pour les salariés à temps plein a stagné dans l’ensemble, progressant légèrement pour les cadres (+ 0,5 % par an) et les ouvriers (+ 0,6 %), diminuant un peu pour les autres catégories socioprofessionnelles salariées (– 0,2 %). Tout s’est passé comme si la société française avait choisi – sans forcément l’avoir voulu ou en avoir conscience – de privilégier la création d’emplois plutôt que les gains de pouvoir d’achat. Ce choix implicite a certes été souvent mal vécu par ceux qui avaient déjà un emploi, mais il a notablement contribué à réhabiliter la « valeur travail », contrairement à ce qu’on entend souvent : il a en effet permis à la fois de ramener un nombre important de chômeurs vers l’emploi et d’augmenter le volume global de travail réalisé dans l’économie française.

Un faible taux d’emploi global
« Travailler trop peu » peut signifier également qu’une trop faible part de la population en âge de travailler occupe un emploi. On appelle cette proportion le taux d’emploi. L’OCDE considère qu’on est en âge d’occuper un emploi quand on a entre 15 et 65 ans. Cette approche permet en particulier de mettre en évidence les pays qui s’efforcent de réduire leur taux de chômage en poussant telle ou telle partie de leur population à sortir du marché du travail ou à ne pas y entrer. Certes, l’indicateur n’est pas imparfait : est-il vraiment positif de pousser les moins de 20 ans vers l’emploi plutôt que vers les études ? Et de faire travailler les seniors le plus longtemps possible ? En outre, temps partiel ou temps plein comptent de la même manière, puisque seul l’emploi est pris en compte. Reste que sa hausse indique que davantage de personnes gagnent leur vie grâce à leur propre activité économique, ce qui contribue à leur donner une place généralement mieux valorisée dans la société et une plus grande indépendance à l’égard de l’Etat et des mécanismes de transfert.
Au sein de l’ex-Union européenne à quinze, la France ne brille pas par son taux d’emploi global : 63,1 % en 2005. Seules la Grèce (60,1 %) et l’Italie (57,6 %) sont en dessous. Mais, contrairement à ces deux pays, cela ne provient pas du faible taux d’emploi des femmes de 25 à 54 ans. Avec 72,9 %, il est plus proche en France de celui des pays scandinaves (de l’ordre de 80 %) que de celui des pays méditerranéens (de l’ordre de 60 %).
Autre cause : la faiblesse conjuguée de l’emploi des seniors (38 % des 55-64 ans sont en emploi, contre 44 % dans l’ensemble de l’Union à quinze) et de l’emploi des jeunes (30 % des 15-24 ans sont en emploi, contre 40 %). Les jeunes sont nombreux en effet à être touchés par le chômage et, lorsqu’ils poursuivent leurs études, la formation en alternance demeure peu répandue, contrairement à ce qui se passe par exemple au Danemark où, à 22 ans, deux tiers des étudiants sont dans ce cas. A 22 ans, en France, un quart des étudiants ont un emploi, mais généralement de type alimentaire et non lié à leur formation.
Quant au faible taux d’emploi des seniors, il résulte moins de l’âge légal de la retraite (60 ans) que des sorties précoces du marché du travail : en France, l’âge moyen de sortie du marché du travail est de 58,5 ans pour les hommes, soit le plus faible de tous les pays de l’ex-Union à quinze. Dans tous les autres pays, il varie entre 61 et 63 ans, avec une pointe en Suède à 64,3 ans. Si l’âge effectif de sortie du marché du travail en France s’alignait sur l’âge légal, le taux d’emploi des seniors dépasserait alors la moyenne européenne. Certes, ces sorties précoces proviennent pour une (petite) part de régimes particuliers de retraite souvent montrés du doigt. Mais l’essentiel s’explique par les politiques d’emploi des entreprises elles-mêmes ; elles gèrent ainsi en douceur la fonte de leurs effectifs en poussant vers la sortie les seniors, souvent avec leur accord.

Agir sur le chômage et les temps partiels
Faut-il travailler davantage ? Il vaudrait mieux en effet être plus nombreux en emploi. Cela augmenterait l’autonomie des personnes et le revenu des ménages concernés, même si la qualité des emplois en question mérite aussi d’entrer en considération, compte tenu des problèmes que posent le développement des emplois précaires et le phénomène des travailleurs pauvres (working poors). En outre, pour les jeunes, dès lors que l’emploi est lié à la formation, cela améliore la qualité de leur insertion professionnelle.
Travailler jusqu’à un âge plus élevé sera sans doute aussi nécessaire du fait du retournement démographique, mais cela devrait se faire moins par le recul de l’âge légal de départ en retraite que par la diminution des sorties précoces. Quant aux heures annuelles travaillées, la priorité devrait être à la réduction du nombre de chômeurs et de salariés à temps partiel subi. Certes, rien ne dit que la productivité de ces travailleurs serait au niveau de ceux qui sont aujourd’hui en emploi à temps plein. Il n’empêche : s’il faut travailler plus, mieux vaudrait explorer ces pistes avant de remettre en cause des symboles sociaux comme les 35 heures et la retraite à 60 ans. Elles sont moins porteuses d’inégalités et de conflits.



19/02/2007
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