Revue de presse - Savoie

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Les journalistes politiques s'interrogent sur leur discrédit

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il serait temps en effet.
mais l'interrogation est encore parcelaire et sous-entend que les journalistes, contrairement aux citoyens - sont capables de confronter les contradictions des politiques. En théorie, oui, mais en pratique non.

Dans l'excellente emission "arrêt sur image" de France 5 le dimanche à 12h30, une comparaison des questions des journalistes experts et des citoyens pas assez compétents (c'est le sous-entendu de l'article) a demontré que ni les citoyens, ni les journalistes ne relevaient les erreurs flagrantes des candidats comme "50% des salariés sont au SMIC de Sarkozy" ou "14 millions de pauvres pour Le Pen".

Soit nos journalistes sont donc incompétents contrairement à ce qu'ils prétendent, soit ils sont serviles (ou d'accord avec les candidats).
Je penche pour la deuxième interprétation, critiquer un candidat est l'assurance  de ne plus avoir accès aux conférences de presse ou aux "confidences" du candidat - le nerf de leur travail croient-ils.

Nous avons des journalistes faustiens: ils ont echangé leur esprit critique contre la servilité pour avoir accès aux confidences. Ils le payent dans le discrédit justifié - nous le payons dans le manque d'information.

Les journalistes politiques s'interrogent sur leur discrédit

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-868585@51-853571,0.html

est une expérience que les journalistes politiques font presque tous les jours, en reportage, au café, dans les dîners privés où l'on parle de l'élection présidentielle. La question vient en général très vite : "Alors, qui va gagner ?" Quelques minutes plus tard, arrive la critique : "Vous, les médias parisiens, vous vous trompez toujours !" Entre ce statut de supposé devin et la réputation de mauvais expert, le piège est toujours inextricable.


"Nous avons un véritable problème de crédibilité depuis le 21 avril 2002, évidemment accentué depuis la campagne référendaire de 2005, reconnaît Renaud Dély, directeur adjoint de la rédaction de Libération. On nous reproche notre arrogance, on nous soupçonne de vouloir orienter les votes et parfois, dans le même temps, de ne pas assez le faire." Il se souvient ainsi qu'au lendemain de l'élimination de Lionel Jospin par Jean-Marie Le Pen, au premier tour de la présidentielle de 2002, les lecteurs de Libération faisaient ce type de reproche à leur journal : "Vous ne nous aviez pas dit que Le Pen pouvait l'emporter. Si vous l'aviez fait, nous n'aurions pas voté pour Besancenot, Laguiller, Chevènement, Taubira, etc."

"MIS EN BOUCLE"

Lors du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen, ce fut pire encore. Les journalistes politiques, et les médias plus globalement, furent accusés d'arrogance, de méconnaissance des réalités quotidiennes, de militantisme en faveur du traité. De connivence, en somme, avec ce que Jean-François Kahn a appelé "la bullocratie", version moderne de l'establishment.

Le discrédit qui touchait les responsables politiques a donc atteint les médias eux-mêmes et l'irruption d'Internet a fait le reste. Les journalistes ne sont pas insensibles à cette critique qui les touche désormais de plein fouet. "Il faut bien reconnaître que nous nous trompons régulièrement, souligne Laurent Bazin, ancien de LCI et d'Europe 1, aujourd'hui journaliste à i-Télé. Mais la critique qui nous est portée est plus profonde encore : les citoyens ont le sentiment que les journalistes et les politiques se sont mis en boucle pour ne parler que de choses qui les intéressent, eux."

Le phénomène était déjà perceptible depuis une bonne dizaine d'années. En 1995, la critique sur la "balladurisation des esprits" fut d'abord adressée aux médias et aux sondeurs, coupables d'avoir prédit la victoire du premier ministre sur Jacques Chirac. Elle s'est depuis largement amplifiée. Désormais, une part des électeurs votent aussi contre le candidat qu'ils perçoivent comme étant celui des médias. La création de ce forum constant qu'est Internet a rendu cette contestation bien plus percutante et directe en offrant à tous la possibilité d'être un éditorialiste en puissance. "Du coup, constate Laurent Bazin, les citoyens voudraient pouvoir nous juger comme ils jugent les politiques."

LES POLITIQUES CRITIQUENT DES MÉDIAS

Chacun constate ainsi l'agressivité des courriels et des discussions d'internautes sur la politique. "La suspicion est aujourd'hui devenue très violente, souligne Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L'Express et éditorialiste à LCI. "Ce qui me frappe souvent, c'est que les gens ne se contentent pas de critiquer, de vous soupçonner d'être pour Sarkozy ou pour Royal. Ils veulent aussi affaiblir les journalistes, réclament des sanctions, votre démission ou votre licenciement." Quitte à s'adoucir ensuite lorsque le journaliste débat personnellement avec eux ou... est effectivement sanctionné.

Alain Duhamel, le plus célèbre des journalistes politiques de par sa longévité sur les écrans, les ondes et dans les journaux, était ainsi régulièrement vilipendé sur le Web. On lui reprochait son conformisme, ses réseaux, son rejet de Ségolène Royal. On le soupçonnait de sarkozysme, aussi. Jusqu'à ce qu'une vidéo circule sur le Web le montrant, en novembre 2006, devant des étudiants de Sciences Po à qui il glissait qu'il voterait pour François Bayrou, candidat UDF à la présidentielle. Mis à l'écart de France 2 et RTL pour cette raison, jeudi 15 février, le même Duhamel voit aujourd'hui une partie de ses anciens contempteurs prendre sa défense...

Une nouveauté, cependant : la classe politique elle-même a intégré cette critique générale des médias. "Après avoir asservi la télévision, note Nicolas Domenach, directeur adjoint de la rédaction de Marianne et éditorialiste à la télévision, les politiques ont été asservis par elle. Ils ont accepté n'importe quoi pour passer deux minutes sur les écrans et se sont retrouvés les victimes de journalistes de l'audiovisuel parfois sans culture politique." Il assure ainsi : "Ma plus grande honte reste d'avoir vu Michel Rocard accepter de répondre à la question de l'animateur Thierry Ardisson : 'Est-ce que sucer, c'est tromper ?'" Mais la société du spectacle ayant achevé de discréditer la politique, elle s'est retrouvée elle-même soumise à l'exaspération des citoyens.

"JE NE VOUS COMPRENDS PAS"

Les conseillers en marketing politique et les élus ayant pris conscience de ce grand mouvement antimédias, arrive maintenant une nouvelle phase. Désormais, les candidats peuvent se tailler un succès facile dans les meetings en moquant les journalistes. M. Bayrou en a fait l'un de ses arguments les plus constants. Le 8 février, Ségolène Royal a évoqué violemment ses adversaires "et leurs relais dans les médias". Le 15 février, interrogée par la presse sur la démission de son conseiller économique Eric Besson, elle a pris à témoin les salariés d'une usine près d'Amiens qu'elle visitait : "Vous connaissez M. Besson ? Personne ne connaît M. Besson ! Moi, je m'occupe des vrais problèmes..." Et l'on a même vu Nicolas Sarkozy, pourtant omniprésent dans la presse, se plaindre d'y être maltraité...

Dans ce contexte de défiance généralisée, l'initiative de TF1 de remplacer les journalistes politiques par un panel d'électeurs pour ses grandes émissions de campagne n'est donc apparue que comme un signal supplémentaire du discrédit qui touche la profession. Rares pourtant sont les journalistes qui contestent l'intérêt de faire intervenir auditeurs ou téléspectateurs. "Les critiques qui nous sont faites ne sont pas toujours injustifiées, reconnaît Catherine Nay, éditorialiste à Europe 1, et la certitude que le peuple ne ment pas est bien ancrée." Tous citent aussi l'émission de Jacques Chirac devant un panel de jeunes, sur TF1, lors du débat référendaire de 2005, comme un exemple révélateur du désarroi présidentiel - "Je ne vous comprends pas", avait avoué le président à ses jeunes interlocuteurs - qu'aucun journaliste n'aurait sans doute pu révéler.

Mais beaucoup craignent que la méthode ne soit qu'une façon d'éviter le questionnement. En somme, assure Christophe Barbier, que " la démocratie participative appliquée aux médias ne soit qu'une manière efficace d'échapper à la confrontation." Les responsables politiques, aguerris aux mécanismes de la télévision, faisant face à des citoyens qui restent des novices devant l'instrument. "Partout en Europe, souligne ainsi Michaël Darmon, journaliste à France 2, les responsables politiques se soumettent aux interrogations précises des journalistes. En France, les politiques n'ont que le débat à la bouche. Mais ils délégitiment ce questionnement dès qu'il devient gênant."

Les journalistes ont enfin noté que la critique à laquelle ils sont désormais soumis les a rendus plus frileux. "Nous avons intégré le fait que nous pouvions nous tromper, constate Renaud Dély, et nous envisageons désormais avec application toutes les hypothèses. On voit ainsi des journaux titrer - je caricature à peine - "Ségolène décolle" et trois jours après "Ségolène s'écroule". Est-ce un progrès ou une confusion supplémentaire ?"

Raphaëlle Bacqué



18/02/2007
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