Revue de presse - Savoie

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Aux Etats-Unis, la vie privée recule devant la publicité

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Voilà un excellent article qui montre jusqu'où notre monde faustien est prêt à aller pour gagner de l'argent.
La publicité fait déjà croire au gratuit, alors que les consommateurs payent la pub de toute façon. Et maintenant, la pub evince la vie privée. Ajoutez un zeste de paranoia anti-terroriste et notre société devient "parfaitement" controlable.

Aux Etats-Unis, la vie privée recule devant la publicité

http://www.lesechos.fr/info/hightec/4719967.htm?xtor=EPR-1094

L'histoire de Loopt est exemplaire de la façon dont la Silicon Valley sait transformer en un éclair les idées les plus innovantes en produits commerciaux fabriqués d'emblée pour le grand public. Au printemps 2005, une idée toute simple germe dans le cerveau de Sam Altman et Nick Sivo, deux étudiants de Stanford. Ils concrétisent cette idée, comme l'avaient fait avant eux au même endroit les fondateurs de Yahoo! puis ceux de Google. Un classique, donc.

L'été permet de concevoir un premier prototype. Au moment de la rentrée universitaire, l'accueil réservé à celui-ci est si enthousiaste qu'ils décident de ne pas reprendre le chemin des amphis. Le fond Sequoia Capital leur propose d'emblée 5 millions de dollars. Sequoia, qui, après avoir financé Apple, Oracle ou Cisco il y a longtemps, a entretenu sa légende avec des investissements précoces chez Yahoo!, Google, PayPal ou TiVo. La firme de capital-risque incube elle-même le projet pendant quelques mois. Mais surtout, elle ouvre son carnet d'adresses pour doter Loopt de managers expérimentés et d'informaticiens de premier plan, le tout dans le plus grand secret.

Un an plus tard, la première véritable version commerciale du logiciel est prête. Elle trouvera rapidement, toujours grâce à l'entregent des investisseurs, un premier client significatif avec Boost Mobile, une filiale de Sprint Nextel. La start-up consacre l'année 2007 à continuer d'améliorer son dispositif. Et aboutit à la consécration, à travers l'accord conclu avec Verizon. L'enthousiasme des investisseurs et des opérateurs de téléphonie mobile se comprend aisément. Le service de Loopt est en effet à l'intersection du commerce électronique, des réseaux sociaux et des applications de type Web 2.0. Il fonctionne grâce à la géolocalisation, considérée comme le Graal pour la publicité en ligne sur mobile. Le service de Loopt permet à un utilisateur de téléphone portable de faire savoir, en permanence, où il se trouve exactement à quelques personnes (amis, famille, relations professionnelles, etc.), dont il maintient la liste à jour.

Le système repose sur la triangulation (le positionnement de l'utilisateur est obtenu via les antennes de réception du réseau de téléphonie mobile et non par une puce GPS installée dans le téléphone), peu coûteuse : Verizon la propose pour 4 dollars par mois à ses abonnés. Avec Loopt, chaque utilisateur peut être en permanence localisé par les personnes de son choix. Mais pas seulement : l'opérateur a lui aussi cette information. Cette application n'est donc pas anodine du point de vue du respect de la vie privée.

Le problème est d'autant plus sérieux que les autres grands opérateurs de téléphonie mobile américains testent des solutions équivalentes et se préparent à concurrencer Verizon sur ce terrain. On comprend leur intérêt. La possibilité de savoir à tout moment où se trouve tel utilisateur, dûment identifié grâce à son profil personnel, construit sur un site de réseau social par exemple, est une aubaine pour les annonceurs. Telle marque de sport pourrait ainsi, par exemple, envoyer un message à un amateur de golf pour lui proposer une promotion s'il passe dans l'heure qui suit dans le magasin dont il est physiquement proche. Pareil à l'heure du déjeuner pour un restaurant. Etc.

Les opérateurs de téléphonie mobile n'ignorent pas les risques pour leur image de marque - ou tout simplement la levée éventuelle de boucliers de la part de leurs abonnés - s'ils se mettaient à valoriser impunément les données personnelles de leurs clients. Les fournisseurs de services de géolocalisation non plus. Les responsables de Loopt ont beaucoup fréquenté les parlementaires et les instances de réglementation à Washington pour éviter un rejet d'emblée de leur système. Ils se sont appliqués à négocier avec eux des dispositions acceptables par tous. Chaque utilisateur du service peut ainsi, en permanence, désactiver la fonction de localisation. Et la réactiver que lorsqu'il est prêt à être localisé et d'accord pour être contacté.

Le risque de publicité négative qui aurait pu être générée par une opinion publique américaine déjà agacée par les intrusions dans la vie privée consécutives aux lois antiterroristes votées ces dernières années avait jusqu'à présent empêché le déploiement de telles applications. Mais la pression croissante des annonceurs du Web - et la nécessité de rentabiliser les investissements considérables en infrastructures de réseaux et en achat de fréquences - pousse les opérateurs à assouplir leur position vis-à-vis des risques à l'égard de la vie privée. En protestant de leur bonne foi : ils s'engagent par exemple à ne pas diffuser aux publicitaires le numéro de téléphone et les données personnelles d'un utilisateur « géolocalisé ».

Mais en l'absence de toute législation dans ce domaine, toutes les inquiétudes sont permises. La première est liée au piratage des réseaux informatiques des opérateurs. La vulnérabilité de tels réseaux, y compris ceux du gouvernement fédéral, a encore été démontrée récemment lors d'une grande conférence sur la sécurité informatique, à San Francisco. Les conditions dans lesquelles les agences de sécurité fédérales pourraient exiger ces données personnelles dans le cas d'enquêtes antiterroristes inquiètent aussi les associations de protection de la vie privée.

Le risque peut également venir de l'intérieur, c'est-à-dire des utilisateurs eux-mêmes. A priori, les premiers clients seront d'abord des jeunes, grands adeptes de la communication en ligne et des réseaux sociaux. Les études montrent qu'ils sont prêts, plus que leurs aînés, à fournir des informations personnelles s'ils peuvent échanger davantage. Et qu'ils sont prêts à accepter la publicité si elle fait baisser le montant de leur abonnement ou du téléchargement de leurs vidéos et sonneries préférées.

La géolocalisation permettrait donc aux annonceurs de cibler encore mieux une clientèle a priori très captive et... de plus en plus consommatrice. Jusqu'au jour où un scandale, un abus ou un détournement de données provoquera enfin l'intérêt du législateur américain.




28/04/2008
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