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Comment l'Allemagne a sabordé sa meilleure enquêtrice financière

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Exemple TRES intéressant sur ce que le pouvoir peut faire pour cacher les affaires.
Ici, un juge fait trainer pour jouer sur la presciption et le fraudeur échappe à la prison

Avec la reforme "Sarko / Dati" sur la justice, on peut s'attendre à la disparition de toutes les affaires sauf celles qui ne concernent pas les amis du pouvoir.
Les magistrats instructeurs du parquet seront sous l'autorité du ministère de la justice et pourront camoufler ou dégonfler toutes les affaires qui gênent le pouvoir.

Comment l'Allemagne a sabordé sa meilleure enquêtrice financière

http://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/comment-l-allemagne-a-saborde-sa-meilleure-enquetrice-financiere_172644.html?XTOR=EPR-175

Margrit Lichtinghagen aurait dû plaider contre Klaus Zumwinkel, ex-patron de la Deutsche Post, dont le procès s'ouvre jeudi. Mais, à la surprise générale, la spécialiste de la fraude fiscale au Lichtenstein a été placée sur une voie de garage.

Le procès du fraudeur fiscal le plus célèbre d'Allemagne, Klaus Zumwinkel, ex-PDG de la Deutsche Post, aurait dû être l'heure de gloire de la procureure* Margrit Lichtinghagen. Mais ce n'est pas elle qui mènera l'accusation lors de ce procès à grand spectacle qui s'ouvre jeudi. Elle a été dessaisie du dossier et va poursuivre sa carrière comme simple juge dans un obscur tribunal administratif. A se demander si, comme la France, l'Allemagne se méfie des magistrats trop indépendants.

Le talent et la ténacité de Mme Lichtinghagen l'ont conduite au poste de procureur de la section 35 du parquet de Bochum qui réunit la fine fleur des enquêteurs financiers allemands. Quand les services secrets mettent la main sur les numéros de comptes bancaires que des milliers de citoyens européens possèdent au Lichtenstein, c'est tout naturellement à la section 35 et à Margrit Lichtinghagen qu'ils s'adressent. Son enquête débouchera sur des centaines de perquisitions et rapportera plus de 150 millions euros de paiements d'arriérés et d'amendes. Un franc succès.

Une perquisition trop médiatique?

Mais Mme Lichtinghagen est visiblement allée trop loin. Le 14 février 2008, c'est elle qui mène en personne la perquisition au domicile de M. Zumwinkel en lui promettant la prison si il ne coopère pas. Prévenues par une indiscrétion dont la procureure dément catégoriquement être la source, les télévisions allemandes sont à la fête et retransmettent la razzia en direct. Cette véritable « exécution médiatique » déclenche le repentir de plus d'un fraudeur.

Mme Lichtinghagen a-t-elle touché à un homme trop puissant ? Ses méthodes de bulldozer ont-elles effrayé l'autorité judiciaire et le pouvoir politique ?  C'est en tout cas à partir de ce jour que le démontage de Mme Lichtinghagen commence. Ses supérieurs l'accusent alors d'être incontrôlable et d'abuser de ses pouvoirs, notamment du droit de contrôle du procureur sur la redistribution d'une partie des amendes à des associations caritatives. Puis ils lancent une enquête administrative, la dessaisissent du dossier et veulent la transférer au parquet des mineurs. Un affront. Jusqu'à ce jour, aucune preuve n'est venue corroborer ces accusations. Mais personne ne s'est levé pour retenir l'une des meilleures enquêtrices financières d'Allemagne qui a finalement jeté l'éponge.  

Une catastrophe pour le parquet de Bochum

« L'affaire Lichtinghagen est une catastrophe pour le parquet de Bochum», analyse cet avocat berlinois qui préfère garder l'anonymat : « Je ne pense cependant pas que cela soit représentatif d'une tendance générale, d'un renforcement de l'influence de la politique sur la justice. L'affaire Lichtinghagen est complexe. Cela peut être un règlement de compte purement interne autant qu'une affaire politique. On ne saura jamais ».

Dans son rapport « Global Corruption report 2007 », l'organisation Transparency International ne relève pas de faille majeure dans la pratique et l'intégrité de la justice en Allemagne même si elle note que la structure du système judiciaire allemand laisse toujours planer la menace que « le procureur soit influencé par l'exécutif ». Pour l'ONG, le risque pour l'Allemagne, comme pour d'autres pays, est de ne pas avoir augmenter les moyens en matériel et en personnel des cellules d'enquêtes spécialisées dans le domaine de la criminalité économique. Alors même que la mondialisation génère toujours plus d'enquêtes internationales longues, complexes et coûteuses, il est donc d'autant plus étonnant que l'Allemagne se prive de la sorte d'une de ses meilleures spécialistes.

En terme d'image, les cafouillages de la double affaire Lichtinghagen / Zumwinkel sont d'autant plus gênants pour la justice allemande qu'ils renforcent l'impression qu'il existe une justice à deux vitesses, où les petits poissons finissent en prison, pendant que les puissants, qui peuvent se payer les meilleurs avocats, restent en liberté.

Zumwinkel profite d'une panne troublante de la justice

Ainsi, malgré une réputation ruinée et l'obligation de se retirer de tous les conseils d'administration dans lesquels il siégeait, Klaus Zumwinkel a tout de même eu beaucoup de chance. Car en dissimulant près de 12 millions d'euros au Lichtenstein, il a fraudé le fisc pour un montant d'environ 1,2 million euros entre 2001 et 2006. Or, au-delà d'un million d'euros, la justice allemande prévoit depuis peu des peines de prison ferme.

Cependant, M. Zuwinkel a bénéficié d'une panne incroyable et troublante de la justice. Le juge chargé de signer le mandat de perquisition a en effet mis deux semaines à signer ce mandat. Et quand il l'a fait, les délits constatés pour 2001 étaient prescrits depuis un jour ! Les chefs d'accusation qui pèsent désormais contre M. Zumwinkel ne portent donc plus que sur les années 2002 à 2006, et sur une somme de ... 966 000 euros !

Comme, par ailleurs, M. Zuwimkel s'est rapidement acquitté de ses arriérés et de ses amendes et que la justice allemande, dans les cas de criminalité économique, préfère les arbitrages aux jugements, les experts pensent que l'ancien patron de la poste sortira libre du tribunal dès lundi prochain, date de la deuxième séance du procès. 

* L'Allemagne n'a pas de juge d'instruction à la française. C'est le procureur, dépendant du parquet et du ministère de la justice du Land, qui mène l'enquête et l'accusation.



22/01/2009
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