CPE vu de l'etranger
COMMENTAIRES
- Ne pas partager cette analyse de l'etranger ne veut pas dire qu'on puisse ignorer la vision que l'etranger a ou formate pour manipuler dans son sens,
- Cette communication à sens quasiment unique illustre-t-elle la pensée unique dans les grands groupes de presse internationaux (et français) ?
- le theme de l'ignorance des masses est encore utilisé, on l'a déjà entendu en France en 2005. Par contre, l'etranger n'hesite pas à pointer l'incompetence de nos élites et la priorité de leur maintien au pouvoir. Sur ce point, on peut les rejoindre.
=======================================================
La France marche à reculons
La même police anti-émeute, les mêmes gaz lacrymogènes, les mêmes jeunes "déchaînés"... Pour l'éditorialiste du New York Times, on pourrait s'y tromper : qu'il est tentant de dresser un parallèle entre les émeutes de l'automne et les manifestations du printemps ! Mais les différences sont là : en novembre, ceux qui se révoltaient étaient "les fils des immigrés d'Afrique du Nord", sans emploi ni avenir, et "il était difficile de ne pas éprouver de sympathie pour leur cause". En mars, ce sont "les étudiants privilégiés" qui descendent dans la rue, pour dénoncer un projet de loi "nécessaire", et qui se voulait "une réponse partielle aux mouvements des banlieues". Le quotidien américain l'affirme : les manifestants en France sont "bien mal avisés", "les étudiants devraient cesser de ne penser qu'à leurs privilèges et tenir compte de l'appel lancé par Jacques Chirac, pour un dialogue créatif afin de résoudre les vrais problèmes auxquels sont confrontés leur génération".
"UNE HAINE CARICATURALE DE L'ENTREPRISE"
Les quotidiens étrangers peinent à comprendre pourquoi la France tarde tant à mener des réformes qui s'imposent. "Le pays marche à reculons vers l'avenir", ironise le Boston Globe. "Les Français refusent de se rendre à l'évidence", et d'affronter les défis qui sont les leurs, renchérit Robert J. Samuelson, chroniqueur au Washington Post.
Le Temps de Genève, lui, dénonce "le divorce" grandissant "entre une rue qui condamne sans savoir et des milieux économiques qui expliquent sans convaincre". Comme beaucoup d'autres titres, il juge que la création du contrat de première embauche (CPE), certes mal expliquée, constituait un pas dans le bon sens. "Le CPE était une tentative, peut-être maladroite mais sincère", de faciliter l'entrée des jeunes sur le marché du travail, commente son éditorialiste. "Le voici rejeté, vomi de toutes parts. On n'a pas assez souligné ce que révèle ce rejet : une haine viscérale, caricaturale de l'entreprise, symbole de toutes les exploitations (...) Que la grande majorité des chefs d'entreprise aient simplement besoin d'un petit peu d'air pour équilibrer leurs comptes à la fin de l'année, voilà qui n'effleure pas l'esprit des opposants" au CPE.
LA TENTATION DU NON
Dans ces conditions, quoi qu'on dise, avec une France réfractaire au changement, "la révolution" n'est pas pour demain, estime le magazine américain Newsweek, dans son édition internationale. Mais à qui la faute ? L'hebdomadaire ne montre aucune complaisance pour la classe politique française. Le Parti socialiste, quelques mois après les émeutes des banlieues, se déchire pour savoir combien de femmes seront candidates aux prochaines élections. Et Dominique de Villepin ? Il est "un pur représentant de l'élite technocrate et statique du pays (...) Au lieu d'une réforme qui s'inspirerait de ce qui marche en Espagne, en Suède ou en Grande-Bretagne, pour ne pas parler des Etats-Unis ou de l'Australie, il a imposé une mini-mesure, une réformette." Newsweek résume ainsi la situation : "Des étudiants qui protestent contre le changement, des leaders syndicaux qui refusent la modernité, et des politiques qui ne savent que dire non." Le problème est "qu'à force de dire non, ils ne savent plus dire oui"...
George Melloan, chroniqueur au Wall Street Journal (accès payant) a une autre explication, face au blocage actuel : "La jeunesse, naïve, est exploitée par les syndicats qui savent exactement ce qu'ils font – défendre un système qui protège les salariés syndicalisés au détriment des chômeurs. Les manifestations sont le moyen utilisé par les syndicats pour montrer au gouvernement qui est le patron."
Peggy Hollinger, dans le Financial Times de Londres (accès payant), affine un peu le trait. Le problème des syndicats français est qu'ils ne peuvent que rester unis contre le CPE. S'ils cèdent, "cela encouragera le gouvernement à revenir sur le code du travail", et amoindrira "leur chance de séduire une nouvelle génération de travailleurs", alors que beaucoup des syndiqués actuels approchent de la retraite. Le quotidien financier n'oublie pas non plus que Bernard Thibault, à la tête de la CGT, et François Chérèque, à la tête de la CFDT, déjà chahutés par leurs troupes, briguent tous deux un nouveau mandat dans les semaines qui viennent : céder au gouvernement serait pour eux suicidaire. Inversement, leur victoire "risque de renforcer la valeur de la confrontation par rapport à la négociation", regrette-t-il par avance.
"UN PAYS PRÉCAIRE... POUR LES INVESTISSEURS"
L'image de la France à l'étranger en prend un coup. Nombreux sont les journaux à disserter sur "le malaise" ou "la crise" que traverse la France, à l'instar d'ABC de Madrid. Quoi de plus normal, dans un pays qui vient de faire un triomphe à une exposition du Grand Palais, à Paris, consacrée à la mélancolie, remarque le Washington Post : "La psyché française souffre de la peur."
Le milieu des affaires ne reste pas insensible à la situation. La France est déjà "précaire... pour l'investisseur", titre Le Temps. Et de détailler : "Le pays des Lumières se referme sur lui-même, multiplie les barrières au commerce. A l'indice de la liberté économique, il est 44e. Un rang derrière l'Italie. Préoccupée, plus par les présidentielles que par sa jeunesse sous-occupée, la France n'a pas fini de souffrir de sous-investissement." Le Financial Times nourrit le même constat en "une" : la crise actuelle fait peser une menace sur l'économie. Pour L'Agefi, quotidien financier suisse, ce problème est européen. Grève des fonctionnaires britanniques contre l'élévation de l'âge de la retraite, médecins qui manifestent outre-Rhin, appel à la grève lancé par le syndicat allemand IG Metall, grève des médias italiens... "Un peu partout en Europe, le climat est déliquescent et les tensions sociales particulièrement lourdes." Aucune réforme ne peut être mise en œuvre ? "Les marchés financiers vont bien finir par s'en apercevoir"...
A découvrir aussi
- Très hauts revenus : la part du lion
- Salaires : les dirigeants pour l'autorégulation
- Démagogie fiscale
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 81 autres membres