Eaux usées : les collectivités responsables d’une possible condamnation de la France par la Cour européenne ?
Eaux usées : les collectivités responsables d’une possible condamnation de la France par la Cour européenne ?
Quatrième
plus mauvais élève de l’UE en 2007 en matière de respect de la
législation sur l’environnement, la France semble se diriger vers une
nouvelle condamnation de la Cour européenne. Malgré des avertissements
répétés de la Commission, la directive de 1991 sur le traitement des
eaux usées n’est toujours pas respectée par de nombreuses collectivités.
L’avis
motivé envoyé par Bruxelles à la France, le 31 janvier, constitue la
dernière étape avant une nouvelle saisine de la Cour européenne par la
Commission, à l’encontre de la France, pour sa mauvaise application de
la directive sur les eaux résiduaires urbaines.
Cette directive qui
date de 1991 impose aux villes de plus de 10 000 habitants qui
rejettent leurs eaux usées dans des « zones sensibles » d’être équipées
d’un système de collecte et de traitement particulier, pour protéger
les rivières et éviter les atteintes à la qualité de l’eau. L’enjeu
paraît ainsi important.
Si la directive a été correctement
transposée en France en juin 1994, de nombreuses communes ont continué
à ne pas respecter les nouvelles procédures, et à ne pas installer les
infrastructures nécessaires, après le délai fixé au 31 janvier 1998.
Après
des avertissements, une mise en demeure et un avis motivé, la
Commission a donc fini par saisir la CJCE. S’en est suivie une première
condamnation de la France en 2004.
En effet, 11 zones «
sensibles », c’est à dire où la concentration des nutriments dans l’eau
est trop élevée, n’avaient pas été classées comme tel. En Ile de
France, par exemple, les communes qui rejettent leurs eaux usées dans
ces zones ne sont toujours pas équipées des infrastructures
nécessaires. De plus, dans les zones qui ont été classées « sensibles
», 121 communes continuent à déverser leurs eaux sans le traitement
adéquat.
Malgré sa condamnation, la France ne s’est pas pour
autant conformée aux exigences européennes, mais a, semble-t-il, essayé
de « passer entre les mailles du filet ». Ainsi, en 2006, le
gouvernement a déclaré les zones sensibles, mais les eaux qui y sont
rejetées ne sont toujours pas traitées par 140 villes (notamment Paris).
S’agissant
des 121 localités qui ne respectaient pas les exigences, la France a
mis en place un astucieux stratagème pour restreindre le nombre de
communes en infraction. En effet, elle a réorganisé ces localités, pour
en créer, non plus 121, mais 164. De plus petite taille, un certain
nombre d’entre elles ne dépassent donc plus le seuil des 10 000
habitants, et ne tombent donc plus sous le joug de la législation
communautaire.
Qualifiant cette réorganisation d’ « inacceptable
», la Commission a réitéré la demande de conformité formulée par la
CJCE, qui visait donc toutes les communes précédemment identifiées.
Signe
de « bonne volonté », la France notifie à Bruxelles, en mai 2007, ses
plans pour se mettre en conformité avec la directive, mais prévient que
la décision de la CJCE ne sera respectée… qu’en 2011.
La
Commission a donc engagé une nouvelle procédure d’infraction, cette
fois-ci pour sanctionner le non respect de la décision de justice
rendue par la Cour en 2004. Après deux lettres de mise en demeure, elle
a adressé à la France un avis motivé, le 31 janvier dernier, en
indiquant que les efforts de la France étaient insuffisants, et le
retard pris dans ce domaine « déplorable ».
La France devra donc
prouver sa motivation, sa volonté de se conformer aux exigences
environnementales communautaires, au risque d’être à nouveau condamnée
par la CJCE et de se voir cette fois imposer une amende ainsi qu’une
astreinte forfaitaire qui pourraient s’élever à 300 ou 400 millions
d’euros, selon le rapport de juin dernier fait par Fabienne Keller, sénateur du Bas-Rhin.
Face
à cette menace le gouvernement français, qui n’a pas respecté son
engagement de publier, en septembre, sur Internet, la liste des
communes en infraction, cherche maintenant à exercer une pression sur
les collectivités. Il menace ainsi de réduire les subventions des
agences de l’eau, et a annoncé la mise en place d’un prêt bonifié à la
Caisse des dépôts pour encourager la mise en œuvre tant attendue de la
directive. La suite au prochain épisode.
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