Revue de presse - Savoie

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EDF et l'affaire du "droit de retour",

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"Le droit au retour" à des prix régulés est très interessant pour montrer plusieurs choses:
- le prix libre de l'energie est partout dans le monde plus cher que le prix régulé, de beaucoup et bien avant la montée du prix du pétrole (exception en Australie et au Canada)
- les tenants de l'ouverture du marché ont voulu faire croire que le prix baisserait - ce qui s'est avéré faux, non pas à cause d'un manque de concurrence, mais parce que le marché MONDIAL a toujours augmenté les prix après liberalisation du marché de l'energie
- le gouvernement trouve qu'il n'est pas bon de laisser trop VISIBLE que le dogme de la liberalisation toujours benefique est faux, propose de revenir aux marché régulés quand les clients credules se sont fait avoir.

La solution n'est pas là, la liberalisation du marché est une herésie economique. Il est bon que ceux qui ont spéculé sur une baisse des prix constatent la réalité - et s'en souviennent. Servons nous de la réalité du marché pour revenir sur des mesures dogmatiques et inefficaces

A noter que la gauche a une partie de responsabilité en signant l'ouverture du marché en novembre 2001 à Barcelone.

Il faut etre ferme et revenir sur la liberalisation du marché et les privatisations partielles en cours et faire face à la commission européenne quand l'interêt des citoyens est en jeu.
Thatcher avait obtenu en son temps son chèque contre toutes les regles communautaires ; Blair a défendu ce chèque malgré le redressement de son économie. Pourquoi ne pas défendre ce en quoi nous croyons, et qui est bien un instrument de justice sociale et un modèle bien plus efficace pour toute l'Europe.

Quelle EUROPE voulons nous ?

EDF et l'affaire du "droit de retour"

Philippe Chalmin est professeur d'histoire économique à l'université Paris-Dauphine
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-816949,0.html

a France a bien du mal à assimiler les règles les plus simples de l'économie de marché. Chaque fois que cela est possible, elle lui préfère la relative opacité de l'économie administrée. Les entreprises, qui pestent en général contre les contraintes et les pesanteurs publiques, ne sont pas les dernières à vouloir à la fois "le beurre du marché et l'argent du beurre de l'Etat". C'est ce qui se passe avec l'affaire du "droit de retour" des consommateurs d'électricité.

Un bref rappel. Dans le cadre de la libéralisation des marchés européens de l'énergie, la France a été amenée à remettre en cause le monopole de distribution de l'électricité dont bénéficiait EDF. Dans un premier temps, seules les entreprises et les clients industriels ont pu bénéficier de cette opportunité. Un certain nombre de prestataires se sont développés, sociétés indépendantes ou filiales d'autres électriciens européens.

N'ayant pas en général leur propre production, ils s'approvisionnaient sur le marché libre européen qui était à l'époque en pleine restructuration avec l'apparition des premiers marchés dérivés comme le Nord Pool ou Powernext.

Sur ces marchés souvent résiduels, le prix qui se forme est celui du dernier kilowattheure (kwh) disponible, et les fluctuations peuvent être importantes. Le prix est en général celui des centrales thermiques mixtes gaz/fioul et par ce biais il y a une corrélation entre le prix du kwh et celui du pétrole.

A l'époque de l'ouverture du marché français, les prix européens étaient inférieurs au tarif que pratiquait EDF. Un certain nombre d'entreprises firent alors le choix du marché. Avaient-elles bien compris les nouvelles règles du jeu ? En fait elles abandonnaient la stabilité du prix géré par un quasi-monopole et préféraient l'instabilité du marché en "spéculant" sur une baisse des prix à moyen terme. Le mot de spéculation est utilisé ici à dessein, car il s'est agi alors d'un choix spéculatif même si, dans nombre de cas, il fut inconscient.

Chaque fois qu'un consommateur fait le choix de l'instabilité, il rentre dans la logique du risque et donc de la spéculation. Voilà donc nos entreprises soucieuses de se libérer du "monopole EDF" et en fait spéculant à la baisse du prix de l'électricité, au moins en tout cas en dessous du tarif régulé.

Tout fonctionna très bien au début, mais le troisième choc pétrolier passa par là. Les prix de l'électricité grimpèrent en Europe. Les entreprises, qui avaient spéculé à la baisse, virent au contraire leur facture énergétique augmenter souvent de manière spectaculaire. Tant pis pour elles, dirait un libéral...

Heureusement, nous sommes en France ! Ces entreprises trouvèrent quelques appuis politiques, quelques oreilles compatissantes et prêtes à ramener ces brebis égarées dans le droit chemin des tarifs administrés. C'est ce qui va être fait dans le cadre d'un amendement rajouté à la loi sur l'énergie en discussion cette semaine au Parlement : les malheureux pourront retrouver les joies de la stabilité de leur électricité, à un prix seulement un peu supérieur à celui d'EDF.

Mais comment faire ? Leurs fournisseurs actuels ne peuvent vendre à perte et si EDF se substituait à eux, ce serait là reconstituer un monopole honni par Bruxelles. En effet EDF a un avantage en matière de prix de revient (basé sur le nucléaire) dont ne disposent pas ses concurrents. La solution trouvée est admirable dans la grande tradition "taxatrice" française. EDF, et indirectement Suez par le biais de la Compagnie nationale du Rhône qui dispose d'un parc hydroélectrique, vont subventionner leurs concurrents à hauteur de la différence entre le prix de marché et le nouveau tarif.

Cela, selon de premières estimations faites sur la base des prix de 2005, pourrait représenter un montant annuel de 700 millions d'euros, à 95 % pour EDF, une entreprise publique et donc un coût à partager entre tous les Français ! Sans compter ce paradoxe que cela revient à taxer de l'énergie "propre" (nucléaire, hydroélectricité) en subventionnant les centrales les plus marginales... et les plus polluantes.

Mais soyons bien clairs. Ce qui est critiquable dans cette manipulation, c'est le double langage tenu par les entreprises et c'est la faiblesse des politiques. Le "droit de retour" est une véritable escroquerie et pas seulement intellectuelle. Cela ne préjuge en rien du débat qui sera nécessaire en Europe, à propos du statut exact de l'électricité - bien public ou commodité de marché -, à la lumière de quelques libéralisations peu réussies comme aux Etats-Unis.

Le monde est plus complexe que ne l'imaginent certains des ayatollahs libéraux qui règnent à Bruxelles. Mais la capacité du génie français à transcender ces complexités est confondante. Cet admirable "droit de retour" nous en offre une nouvelle preuve.




26/09/2006
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