Fret en Europe: la route déclasse le rail
COMMENTAIRES
Cet article ne conclut pas que l'ecologie est incompatible avec l'economie libérale, pourtant on n'en est pas loin. Le transport à très bas prix est une des conditions necessaires à l'economie liberale.Les concentrations dans l'industrie donnent des unités de productions "optimisées", c'est à dire délocalisées et de grande capacité, induisant des circuits de transport long et un traffic routier en croissance ininterrompue - et comme le dit l'article en flux tendu pour minimiser les stocks couteux financierement.
Le camion qui a brulé dans le tunnel du Mont Blanc faisait parti du circuit entre une usine en hollande et une en italie pour faire des chips. Les yaourths font des milliers de kilometres, l'electronique vient de chine, tout cela n'est possible que si le transport est bon marché.
Remettre en cause le transport bon marché, c'est remettre en cause le fonctionnement et les principaux acteurs de l'economie de marché actuelle.
Il faudrait tellement de courage politique pour le faire, qu'on a du mal à y croire à court et même moyen terme. En attendant, on investit encore et toujours dans les infrastructures routières que les camions ne payent pas à la hauteur de leur utilisation - et par exemple le conseil general de Savoie planifie une augmentation du traffic routier de 40% dans les 15 prochaines années.
Fret en Europe: la route déclasse le rail
http://www.letemps.ch/template/tempsFort.asp?page=3&contenuPage=&article=228002&quickbar=Plus souple que le train, mieux adapté aux flux tendus de l'industrie, le camion fait la course en tête en Europe. Rien ne semble pouvoir freiner une explosion au coût écologique désastreux.
Le scénario du pire est en train de se réaliser sur les routes d'Europe. Malgré les systèmes de taxation introduits ici ou là en Allemagne, en Espagne, en Autriche et en Suisse et malgré les volontés politiques affichées très haut de favoriser le transfert du trafic de marchandises de la route vers le rail, le transport de fret par camion explose dans toute l'Union. A tel point que, depuis dix ans, la progression du trafic routier de marchandises dépasse désormais le rythme de croissance de l'économie.
C'est ce que démontre un rapport alarmant publié par l'Agence européenne pour l'environnement (EEA) qui rassemble les données récoltées par les 27 pays membres de l'Union européenne, plus la Turquie, la Norvège et la Suisse. Dans cette zone, le transport de marchandises par la route a bondi de 38% entre 1995 et 2005. Au regard, le transport par rail n'a progressé que de 8% sur la même période.
Croissance et camions
Les conclusions que les auteurs du rapport tirent de ces chiffres font froid dans le dos. D'abord, la croissance du trafic routier semble désormais définitivement découplée de la croissance du PIB. Autrement dit, pour créer la même richesse qu'il y a dix ans, l'économie européenne a besoin de toujours plus de plus de camions. En l'occurrence, 20% de plus. Et cette proportion ne fait qu'augmenter.
Sur le plan écologique, l'ardoise se paie comptant. Selon les auteurs du rapport, le transport routier est en effet le secteur de l'économie avec le transport aérien qui a réalisé le moins de progrès dans la réduction de ses émissions de CO2. Avec pour conséquence d'annuler les effets des efforts consentis par ailleurs.
Conséquences dévastatrices
«Si le transport routier avait suivi la même tendance que l'ensemble de la société, les émissions de gaz à effet de serre dans les 27 pays de l'Union auraient été réduites de 14% au lieu de 7,9% sur la période 1990-2005», estime l'EEA. A lui seul donc, l'essor du trafic routier rend déjà obsolète l'objectif que s'est fixé l'Union européenne de réduire de 20% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020. La quantité de CO2 émise sur les routes a augmenté de 26% de 1990 à 2004 et devrait croître trois fois plus que les autres sources de pollution d'ici à 2020.
Le commissaire européen aux Transports Jacques Barrot a beau marteler que «l'heure de la mobilisation générale a sonné», rien - ou pas grand-chose - n'est envisagé concrètement pour inverser cette tendance historique. Les initiatives nationales de taxation des camions au profit du rail donnent des résultats tangibles ici ou là - et notamment en Suisse où la redevance au kilomètre (RPLP) a permis de réduire le trafic de 6,5% de 2000 à 2005 -, mais rien n'y fait en l'absence de mesures globales à l'échelle de l'UE.
Deux pistes en discussion
Les deux pistes évoquées sont encore dans les limbes. La première serait le durcissement du système européen de péage Eurovignette, dont des amendements devront être proposés par la Commission le 10 juin prochain. Le deuxième outil évoqué par Jacques Barrot devra attendre l'introduction du système de localisation par satellite Galileo, à partir de 2013, qui permettra d'affiner la taxation des transports en fonction des trajets effectués, comme c'est le cas en Suisse.
Dans ces conditions, le lobby routier a beau jeu d'appeler de ses vœux une taxe européenne unique sur le transport de marchandises qui équilibrerait son coût écologique. «C'est notre souhait, confirme Peter Krausz, expert à l'Union internationale des transports routiers (IRU). Mais nous ne nous faisons pas d'illusions: nous en sommes encore très éloignés.»
Une évolution inéluctable?
Entre-temps, les investissements dans des infrastructures de ferroutage ne limiteront que peu les dégâts. Les transversales alpines perdront graduellement de leur importance alors que le trafic se déplace déjà sur l'axe est-ouest, tandis qu'en France le projet le plus ambitieux de ferroutage actuellement financé sur la ligne Perpignan-Luxembourg ne soulagera au mieux que 10% du trafic dans cinq ans.
Les statistiques de l'EEA semblent démontrer que la dépendance au transport routier est intrinsèquement liée au développement de l'économie de marché, comme le montre l'exemple des dix nouveaux membres de l'Union. En 1990, le rail assurait alors 60% du volume transporté, contre moins de 40% par la route. Cette proportion s'est inexorablement inversée, dès 1996, alors que ces pays abandonnaient le modèle d'économie planifiée. Un changement de paradigme économique qui a aussi durement touché les sociétés de transport par rail, à l'image de CFF Cargo ou de la SNCF en France, toutes deux au bord du gouffre après une transition malheureuse du service public à une situation de libre concurrence.
Un modèle dépassé
La SNCF, même ouvertement perfusée par une subvention européenne de 1,4 milliard d'euros, ne parvient pas à enrayer sa chute. Lors de la publication de résultats calamiteux l'an dernier, c'est l'Association française des utilisateurs de transport de fret qui résumait le plus clairement le problème: «Le modèle de train de fret, constitué de plusieurs dizaines de wagons réalisant des trajets réguliers et transportant des volumes identiques, ne correspond plus à l'attente des industriels.»
A la trappe donc les convois ferroviaires d'antan, et vive le flux tendu routier.
La souplesse du camion
Un chiffre cité par l'IRU suffit à illustrer ce changement extrême des habitudes de consommation: «Aujourd'hui, 90% des transports effectués par nos membres se font sur des distances de 100 kilomètres», explique Peter Krausz. Selon lui, jamais la demande pour des transports de porte à porte n'a été aussi forte. «On peut parler longtemps de la répartition idéale entre le rail et la route, poursuit Peter Krausz, mais on ne peut pas ignorer cette sophistication permanente de la demande qui exige, par exemple, la livraison ponctuelle de 100 kilos de marchandises en quelques heures dans tel point de vente d'un grand réseau de distribution.»
Une évolution qui va là encore à l'encontre de l'efficacité énergétique, comme le dénonce le rapport de l'EEA. Si tous les segments du parc automobile étaient en forte augmentation cette dernière décennie, le créneau des camionnettes et des petits camions a crû bien plus vite que celui des poids lourds. Or les émissions de CO2 causées par ces véhicules légers n'ont été réduites que de 4% en dix ans, contre 10% pour les poids lourds.
A découvrir aussi
- OGM - 4 videos
- Fronde écologiste contre une réglementation de l'UE sur l'appellation bio
- Les armées se préparent à la guerre sans pétrole
Retour aux articles de la catégorie ECOLOGIE - DEVT DURABLE - AGRICULTURE -
⨯
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 81 autres membres