Revue de presse - Savoie

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Illusion d'un monde unique

COMMENTAIRES

en partie d'accord avec des élements de l'article - mais pas sur tout et surtout sur un point fondamental de vocabulaire de Huntington : la guerre des civilisations

d'abord, un recul plus long sur l'histoire. La transition geopolitique actuelle marque la fin de la période de mondialisation de 2 siècles entre 1800 et 2000 - qui est en gros liée à une très forte agressivité des occidentaux européens puis américains sur le monde en général.
dans 100 ans, la période 1800 / 2000 sera une période historique révolue un peu comme l'empire romain, avec le nouveau podium mondial : 1 chine, 2 inde, 3 USA - en place depuis 2040

Plusieurs illusions faisaient croire à un monde "unique", des valeurs "universelles", une certaine harmonie dans le respect - tout ça c'est du bidon. Les valeurs qu'on appelle universelles sont les valeurs occidentales d'inspiration judeo chretienne - on est d'ailleurs pleine de contradiction dans leur application tous les jours.

Le monde du respect mutuel est un monde de bisounours - en fait, la vraie vie géopolitique, c'est le rapport de force: on montre ses muscles pour ne pas s'en servir,  et défendre ses plattes-bandes.
C'est ici que la formule Huntington est à la fois juste et fausse : ce n'est pas un conflit de civilisation, c'est un re-équilibrage des forces entre civilisations concurrentes - et l'islam est presque secondaire la dedans (presque pas complètement)

L'occident perd énormément d'énergie dans cette transition à rester dans des plattes bandes perdues à terme comme l'afghanistan, l'afrique ou le pétrole arabe - ce n'est pas parce que beaucoup de ces conflits sont en terre "islamique" que le conflit est entre l'occident et l'islam - ça tombe comme ça. L'afghanistan est en partie perse, en partie pachtoune, en partie turque (turkmenes) rien à avoir avec les arabes.

Le long terme met taiwan en chine, l'afrique aux africains (avec au moins une frontière entre le nord arabe et le sud noir - qui passe au milieu du soudan d'ailleurs - d'où une guerre)

Avec la montée de nouveaux blocs on assiste tout simplement au réveil des opprimés, plus ou moins spectaculaire : chine, brésil, turquie, inde - et la soit-disante unité de l'islam explose avec ce qui est bien plus profond au niveau identitaire : les ottomans, les perses, les arabes (ce que dit huntington), les indonésiens, les indiens (pakistanais)

l'islamisme radical est un accident de l'histoire - un détail en nombre de mort, (pas dans la vie opprimée des peuples dans certains cas). C'est un instrument de nationalisme : les talibans sont d'abord des pachtounes et ne sont pas des islamistes "al qaida" qui est arabe. De même le communisme vietnamien était un instrument de libération du vietnam contre les américains et méfiant vis à vis des chinois avec qui ils ont fait une guerre.
L'article (et Huntington) s'égare à assimiler le fondamentalisme musulman comme un bloc homogène englobant les arabes, les indonesiens, les malais, les philippin - ce n'est pas parce que les saoudiens perdent du fric en pure perte en dehors de la zone arabe pour étendre le waabisme en indonesie qu'ils vont gagner à long terme.

A long terme, les traditionalistes gagnent contre les fondamentalistes - la tradition et l'education (pas seulement les traditionnalistes) porte la culture, le fondamentalisme porte le fanatisme et la négation de la culture. La tradition indonésienne n'est pas du tout arabe.
A long terme, c'est la demographie et la culture. les traditionnalistes transmettent une culture, les fondamentalistes rien de cosntructif, seulement le rejet - efficace pour la "libération" contre l'oppresseur" - inefficace après.
L'islam non fondamentaliste portant une culture compte, mais il n'est pas homogène.

Dans les convergences / divergences, j'ai quelques interrogations complémentaires et l'article a tendance à franchement simplifier:
- l'Europe est-elle si proche des USA, ou n'y-a-t-il pas une frontière entre les anglo saxons et les européens continentaux ?
- quelle est la frontiere entre la russie et l'europe continentale ? une fois digéré la dictature communiste, culturellement qui est plus proche de l'europe : la russie ou les USA ?
- comment la turquie va-t-elle trouver son équilibre en dehors de l'europe (c'est certain - ça sera hors de l'europe), avec ses voisins turkmenes par exemple et surtout kurdes ? il n'y a aucun probleme à ne pas avoir la turquie en europe, il faut juste qu'elle trouve un bon equilibre et des bonnes relations avec ses voisins - dont nous

Illusion d'un monde unique

http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/08/24/illusion-d-un-monde-unique-par-ayaan-hirsi-ali_1402147_3232.html

Qu'ont en commun les controverses entourant le projet de construction d'une mosquée à deux pâtés de maisons de Ground Zero, l'expulsion du Maroc de missionnaires américains en début d'année, l'interdiction des minarets en Suisse l'année dernière et la récente interdiction du port de la burqa en France ?

Ces quatre événements sont présentés par les médias occidentaux comme des problèmes de tolérance religieuse. Or ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Ce sont en réalité des symptômes de ce que Samuel Huntington (1927-2008), professeur à Harvard, appelait le "choc des civilisations", et notamment celui entre islam et Occident.

Pour ceux qui ne se souviennent que du côté frappant de la formule, il est utile de rappeler brièvement l'argumentation d'Huntington. Le monde de l'après-guerre froide était composé, expliquait-il, de grands blocs représentant sept ou huit civilisations historiques, parmi lesquelles les cultures occidentale, musulmane et confucéenne étaient prédominantes.

L'équilibre des forces entre ces blocs, écrivait-il, est en train de changer. L'Occident décline en termes de pouvoir relatif, l'islam explose démographiquement et les civilisations asiatiques - notamment la Chine - sont en pleine ascension économique. Huntington expliquait aussi que l'on assiste actuellement à l'émergence d'un ordre mondial fondé sur les civilisations dans lequel les Etats qui partagent des affinités culturelles coopéreront entre eux et se regrouperont autour des Etats les plus puissants de leur civilisation.

Les prétentions universalistes de l'Occident l'amènent de plus en plus à entrer en conflit avec d'autres civilisations, les plus graves désaccords étant ceux l'opposant à l'islam et à la Chine. Aussi la survie de l'Occident dépend-elle de la volonté des Américains, des Européens et des autres Occidentaux de réaffirmer le caractère unique de leur civilisation occidentale - et de s'unir pour la défendre contre sa remise en cause par des cultures non occidentales.

Le modèle d'Huntington, notamment après la chute du communisme, n'était guère populaire. L'idée en vogue était celle du titre de l'essai écrit en 1989 par Francis Fukuyama, The End of History and the Last Man (La Fin de l'histoire et le dernier homme, Flammarion, 1992), selon lequel l'ensemble des Etats finiraient par converger autour de la norme institutionnelle unique de la démocratie capitaliste libérale et ne se feraient plus jamais la guerre. Le pendant conservateur de ce scénario optimiste était le monde "unipolaire" où régnerait l'hégémonie incontestée des Etats-Unis. Ces deux visions nous promettaient un Monde unique.

Le président Obama, à sa façon, croit en un Monde unique. Dans le discours qu'il a prononcé au Caire en 2009, il appelait à une nouvelle ère de compréhension entre l'Amérique et le monde musulman. Il évoquait un monde fondé sur "le respect mutuel et (...) sur la vérité selon laquelle l'Amérique et l'islam ne sont pas contradictoires et ne doivent pas rivaliser. Au contraire, ils partagent des principes communs". Le président américain espérait que les musulmans modérés s'empresseraient d'accepter cette main tendue. Il ne resterait plus alors qu'à éliminer la minorité extrémiste, telle qu'Al-Qaida.

Bien entendu, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Et le comportement récent de la Turquie constitue une illustration parfaite de la futilité de cette approche et de la supériorité du modèle d'Huntington. Selon la vision du Monde unique, la Turquie est un îlot de modération musulmane dans un océan d'extrémisme. C'est sur la base de cette analyse que plusieurs présidents américains successifs ont pressé l'Union européenne d'accepter d'intégrer la Turquie dans ses rangs.

Cette illusion vient de voler en éclats. Il y a un an, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan félicitait pour sa réélection l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui n'avait conservé la présidence que grâce à une fraude manifeste. Puis la Turquie se rangea aux côtés du Brésil pour entraver les efforts américains visant à renforcer les sanctions imposées par l'ONU pour stopper le programme nucléaire iranien. Tout récemment enfin, la Turquie a sponsorisé la "flottille humanitaire" destinée à briser le blocus israélien de Gaza et à offrir au Hamas une victoire sur le plan des relations publiques.

Certes, il reste à Istanbul des laïques qui continuent de révérer l'héritage d'Atatürk. Mais ils ne contrôlent aucun des ministères clés et l'emprise qu'ils exerçaient sur l'armée est en train de s'effriter. Aujourd'hui à Istanbul, on évoque ouvertement une "alternative ottomane" qui renvoie à l'époque où le sultan régnait sur un empire s'étendant de l'Afrique du Nord au Caucase.

Si l'on ne peut plus compter sur la Turquie pour se rapprocher de l'Occident, vers quel autre pays du monde musulman peut-on se tourner ? Tous les pays arabes sauf l'Irak - une démocratie précaire créée par les Etats-Unis - sont dirigés par des despotes de tout acabit. Et les groupes d'opposition qui bénéficient d'un soutien significatif parmi les populations locales sont tous dirigés par des organisations islamistes, telles que les Frères musulmans égyptiens.

En Indonésie et en Malaisie, les mouvements islamistes réclament la généralisation de la charia. En Egypte, le temps d'Hosni Moubarak est compté. Et si les Etats-Unis soutiennent l'installation de son fils à la présidence, le reste du monde musulman aura tôt fait d'accuser l'administration Obama d'adopter deux poids, deux mesures - si l'on procède à des élections en Irak, pourquoi ne pas en organiser en Egypte ? Or en cas d'élections libres et transparentes, une victoire des Frères musulmans n'est pas à exclure. Algérie, Somalie, Soudan ? Il est difficile de citer un seul Etat à majorité musulmane qui se comporte en accord avec le scénario du Monde unique.

Le plus grand avantage du modèle huntingtonien des relations internationales est qu'il reflète le monde tel qu'il est, et non tel que nous aimerions qu'il fût. Il nous permet de distinguer nos amis de nos ennemis. Et il nous aide à identifier les conflits internes aux différentes civilisations, en particulier la rivalité historique entre Arabes, Turcs et Perses pour la domination du monde islamique.

Diviser pour régner ne peut pourtant pas constituer notre seule politique. Nous devons prendre conscience que la progression de l'islam radical résulte pour une bonne part d'une puissante campagne de propagande. D'après un rapport de la CIA rédigé en 2003, les Saoudiens ont investi durant trois décennies au moins 2 milliards de dollars par an pour propager leur version fondamentaliste de l'islam. La réaction de l'Occident pour promouvoir sa propre civilisation a été négligeable.

Notre civilisation n'est pas indestructible : elle doit être activement défendue. C'est la principale leçon d'Huntington. Le premier pas pour remporter la victoire dans ce choc des civilisations est de comprendre la façon dont la partie adverse mène son combat - et de nous débarrasser de l'illusion du Monde unique.


Traduit de l'anglais par Gilles Berton, © Global Viewpoint Network / Tribune Media Services


25/08/2010
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