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L'Europe et la France I. Un clash est-il possible ?

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Depuis le temps que des voix s'élèvent pour parler des effets pervers du libre echange débridé  - que l'Europe encourage sans nuance - voici un article qui sera pris comme serieux qui commence à parler des graves effets pervers et des pseudo bienfaits constatés ailleurs.

c'est un journal liberal (Les Echos) qui fait ainsi un article sur les dangers de la mondialisation en reprenant une phrase de Sarkozy.

Paradoxal non ?
on jugera aux actes

L'Europe et la France I. Un clash est-il possible ?

http://www.lesechos.fr/journal20070511/lec1_idees/4574240.htm

Dans un appel aux accents dramatiques lancé à « nos partenaires européens » au soir de son élection, Nicolas Sarkozy les a conjurés « de ne pas rester sourds à la colère des peuples qui perçoivent l'Union européenne, non comme une protection, mais comme le cheval de Troie de toutes les menaces que portent en elles les transformations du monde ». Cette phrase a depuis lors souvent été reprise, et pour cause, dans nos médias nationaux. Le nouveau président de la République avait tout au long de sa campagne insisté sur l'importance qu'il accorde à la notion de « préférence communautaire ». Clairement, son intention est de s'en inspirer pour conduire la politique européenne de la France. Sur ce point, ses vues rejoignent celles de Laurent Fabius.

Ces fortes prises de position ont certainement trouvé une grande résonance auprès du public français, et peut-être aussi dans l'opinion d'autres pays membres de l'Union. Elles posent toutefois un énorme problème. S'il ne s'agissait que de propos dictés par un protectionnisme primaire - et Dieu sait si cette tentation reste vivace en France ! -, ils mériteraient certes d'être relevés, mais pour les fustiger et plaider pour une extrême vigilance quant à l'utilisation démagogique et populiste que celui qui les a prononcés pourrait en faire. Mais, de toute évidence, tel n'est pas le message porté par l'heureux candidat de la droite. On peut penser ce que l'on veut de son programme, l'idée centrale qui s'en dégage est bien de mettre la France en état de prendre les risques d'une économie raisonnablement ouverte.

Raisonnablement ouverte ? Dans l'économie dite « mondialisée », seulement trois espaces économiques d'importance pratiquent un libre-échange à peu près sans entraves, accompagné d'une libre circulation, elle totale, des mouvements de capitaux (et, donc, des investissements étrangers) : l'Union européenne, les Etats-Unis, ainsi que le Japon. La cas de ce dernier est un peu différent, parce que le patriotisme économique y est de règle ! Mais, pour les deux entités d'abord citées, rien ne prouve, théoriquement, que leur politique d'ouverture systématique leur garantisse des conditions économiques optimales, au contraire.

La doctrine complète du libre-échange à laquelle on se réfère toujours après deux siècles (il n'y a pas d'autre base théorique pour la mondialisation) établit que la liberté des transactions commerciales est par elle-même bénéfique pour tous les pays à la fois : disons à la fois pour les pays émergents, d'un côté, et, de l'autre, pour l'Europe ou l'Amérique du Nord. Mais Ricardo y mettait une condition de taille, dictée par la pure logique du système alors par lui imaginé : que les capitalistes ne déplacent pas leurs moyens de production. Et pour qu'il en soit ainsi, le théoricien accompli du libre-échange comptait sur rien de moins (ni rien de plus) que « le manque d'inclination que l'on a naturellement de quitter le pays où l'on est né » ! (1). L'idéologie néolibérale de notre temps a passé cette restriction sous silence. Elle raisonne dans l'absolu sur l'hypothèse d'un monde sans Etats nationaux (ni supranationaux). Aucun économiste ou philosophe politique moderne conscient de l'héritage classique n'a jamais construit un modèle de société fondé sur une telle absurdité.

En résumé, l'entreprise d'Europe ou d'Amérique du Nord qui délocalise y trouve normalement son profit, mais est-ce forcément le cas pour l'économie de son pays d'origine ? Autre question redoutable : globalement, les multinationales jouent-elles un rôle positif ou négatif ?

On objectera que le retour à la croissance de l'Allemagne et ses performances à l'export démentent ces doutes. Mais les classes moyennes s'y sont appauvries entre-temps (sans parler de celles qui sont au-dessous), les salaires réels y ont été orientés à la baisse. Inimaginable il y a encore une quinzaine d'années ! Les statisticiens savent que les taux de croissance ne sont pas cumulatifs. D'une décennie à l'autre, les structures de l'économie ont changé et le niveau de vie a pu s'infléchir sans crier gare... On citera encore en contre-exemple la prospérité de l'économie américaine. Mais là-bas aussi, on a des doutes, débattus sur la place publique, sur l'évolution des revenus des classes moyennes. Et où en seraient les Etats-Unis si le système dollar ne leur assurait pas un afflux permanent de pouvoir d'achat en provenance des pays qui, accumulant les excédents sur l'Oncle Sam, achètent massivement ses titres d'emprunt ? A ce système pervers, la BCE, jusqu'à ce jour, a réussi à échapper...

Le problème considérable posé par les déclarations de Sarkozy, le voilà : il se pourrait bien que la colère des peuples, si colère il y a, soit finalement justifiée sur le fond, et que ce soit la Commission européenne et la passivité (ou complaisance) des gouvernements des pays membres qui se trompent radicalement de politique. Outre que les traités européens fondateurs n'ont jamais fait expressément référence à la notion de « préférence communautaire », le tarif extérieur commun qui en était le symbole implicite est devenu insignifiant (entre 2 % et 4 %, moins fréquemment entre 4 % et 6 %) à l'exception de l'agriculture et de quelques secteurs. Là encore, le libéralisme classique recommandait qu'en cas de changements soudains - nous y sommes en permanence ! - dans les courants d'échanges, les pays importateurs prennent des mesures de protection (contingentement, etc.) pour une période limitée d'adaptation. L'OMC n'en a cure, Bruxelles encore moins. Peter Mendelson veut « moderniser » - en l'occurrence dévitaliser - la réglementation antidumping. Un des premiers soucis de Nicolas Sarkozy sera de veiller de près à cette nouvelle « sortie » du zélé commissaire.

Ce ne sera pas la première fois que la France prendra ses distances avec l'orthodoxie ambiante. Mais sa réputation de sérieux s'y est, dans le passé, sérieusement émoussée à cause de l'inconsistance de maintes propositions avancées par Paris. Quelles formes pourrait prendre un sursaut dans ce vaste domaine ? On y reviendra dans la prochaine chronique.




11/05/2007
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