Revue de presse - Savoie

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Mourir pour Hamid Karzaï ?

COMMENTAIRES

en plus du constat de l'ineptie du devoir d'ingérence et de son inefficacité patente, on peut aussi constater que la professionnalisation de l'armée la coupe du peuple et en fait un jouet aux mains des présidents qui en jouent sans vraiment faire broncher l'opinion.
Serait-on allé en Afghanistan avec les appelés en prétendant faire la paix (ce qu'on ne fait pas), évidemment non.
Les USA ne seraient pas allé en Irak, et on aurait une vraie défense nationale et pas un attaque internationale

Sans remettre le service militaire, on doit vraiment revenir à l'objectif et à l'étymologie du mot "défense" et en finir définitivement avec le devoir d'ingérence qui n'est qu'un cache sexe devant l'interventionnisme du fort vers le faible - car on n'imagine pas une ingérence du faible vers le fort, même si le fort est en tort.

On a déjà beaucoup déséquilibré ces pays, plus on reste, plus on augmente le déséquilibre - par exemple en favorisant l'ethnie de Karzai contre les autres. La formule au sujet du vietnam "bonbon le matin, napalm le soir" reste d'actualité

Mourir pour Hamid Karzaï ?

http://www.monde-diplomatique.fr/2009/11/HALIMI/18370

Après avoir présenté les combats en Afghanistan comme une «guerre nécessaire», le président Barack Obama est pressé par le général Stanley McChrystal, qu'il a lui-même nommé à la tête des forces américaines dans ce pays, d'y déployer quarante mille soldats supplémentaires. La guerre dure depuis huit ans.

En Indochine, les Etats-Unis appuyèrent une pléiade de gouvernements corrompus, illégitimes, perçus comme fantoches par la population. Sans succès. En Afghanistan, ni les Britanniques ni les Soviétiques ne purent s'imposer en dépit des moyens qu'ils engagèrent. Aujourd'hui, bien que les pertes militaires américaines demeurent relativement modestes (huit cent quatre-vingts morts depuis 2001, contre mille deux cents par mois au Vietnam en 1968), et le mouvement antiguerre atone, quelles perspectives de «victoire» peuvent escompter des armées occidentales perdues dans les montagnes afghanes, les trafics de drogue (1), et suspectées de guerroyer contre l'islam ?

Ministre français des affaires étrangères, M. Bernard Kouchner espère toutefois «gagner les cœurs avec un gilet pare-balles». De son côté, le général McChrystal prétend : «Notre affaire, ce n'est pas de tuer le maximum de talibans, mais de protéger la population» (2). Une idée commune sous-tend de telles proclamations, au-delà du cynisme : celle que le développement social et les opérations de guerre peuvent être menés de front dans un territoire où, pourtant, il est impossible de distinguer les insurgés des civils. Au Vietnam, le journaliste américain Andrew Kopkind avait résumé d'une formule assassine ce genre de «contre-insurrection» : «Bonbons le matin, napalm l'après-midi.»

A défaut d'espérer vaincre un jour des combattants nationalistes dont Washington a pu apprécier la pugnacité quand, avec son concours, ils s'employaient à saigner à blanc l'Union soviétique, les Etats-Unis aimeraient que se distendent les liens, déjà fragiles, entre les talibans et les militants d'Al-Qaida (3). Car, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, c'est pour anéantir les seconds que Washington a déployé en Asie centrale ses soldats et ses drones, pas par souci de scolariser les petites Afghanes.

S'il refuse l'escalade militaire que réclament les néoconservateurs, le nouveau Prix Nobel de la paix va donc devoir bientôt expliquer à son opinion publique qu'on réalise rarement le bonheur des peuples en les soumettant à une occupation armée ; que les disciples de M. Oussama Ben Laden ne comptent plus qu'une poignée de rescapés en Afghanistan ; enfin, qu'un éventuel compromis avec une fraction des talibans, moins hallucinée (lire «Surprenante souplesse tactique des talibans en Afghanistan»), ne menace pas la sécurité nationale des Etats-Unis. La Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan, qui ont plutôt intérêt à ce que ce foyer de tension régional s'apaise, pourraient œuvrer dans le sens d'un règlement négocié. Engager sa vie pour la «démocratie» en terre étrangère constitue déjà un pari singulier ; faut-il vraiment mourir pour M. Hamid Karzaï ? Et s'y résoudre alors que, de l'aveu même du général McChrystal, le «maire de Kaboul», maintenu en place par la fraude électorale, a réalisé la prouesse incroyable de rendre une partie du peuple afghan «nostalgique de la sécurité et de la justice du régime taliban»...

Bien que près de trente et un mille soldats britanniques, allemands, français, italiens, etc., affrontent les insurgés aux côtés des militaires américains, toutes ces questions paraissent ne pas concerner les dirigeants européens. Les choix de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) sont plus que jamais arrêtés à Washington. A Paris, le président Nicolas Sarkozy vient d'annoncer qu'il n'enverrait «pas un soldat de plus» combattre les talibans. Mais il a ajouté : «Faut-il rester en Afghanistan ? Je réponds "oui". Et rester pour gagner  (4). » Noyée dans un entretien de deux pages, cette déclaration n'a suscité aucune réaction. C'était également la manière la plus généreuse de la commenter.

Serge Halimi





29/10/2009
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