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Quand l'Amérique rogne sur les libertés individuelles

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vous avez dit modèle démocratique ?
Quelle légitimité de s'ériger en modèle de société pour le monde ?
ne nous croyons pas à l'abri en France et en Europe, la telesurveillance généralisée est la première étape de big brother.

Quand l'Amérique rogne sur les libertés individuelles

http://www.lesechos.fr/journal20070910/lec1_idees/4619699.htm

D'ici peu, le ministère américain de la Sécurité intérieure proposera aux autorités policières locales un service inédit : l'accès aux images de pointe prises par les satellites espions du gouvernement. Depuis la guerre froide, ces satellites filment le globe pour l'armée américaine. Avec les attentats du 11 Septembre, leur mission a été élargie à la surveillance des réseaux terroristes internationaux, en particulier ceux liés à Al-Qaida. Ils sont capables de suivre avec précision les déplacements humains, même à l'intérieur de bâtiments épais. Jusqu'à aujourd'hui, ces images secrètes étaient réservées aux militaires et aux agences de sécurité fédérales. Mais l'administration Bush a convaincu le Congrès, pourtant à majorité démocrate, d'ouvrir l'accès de ces images à toutes les forces de police du pays. Dès le mois d'octobre, n'importe quel commissariat de quartier pourra utiliser ces images pour surveiller un lieu où opèrent des trafiquants de drogue, pour filmer la finale du SuperBowl ou une avenue bondée de touristes... Aucune législation nouvelle n'encadre l'usage de cette nouvelle ressource, particulièrement inquisitrice - contrairement aux écoutes téléphoniques ou celles pratiquées sur Internet par la National Security Agency (NSA).

La Maison-Blanche a aussi obtenu du Congrès qu'il légalise (après coup, murmurent les spécialistes) les pratiques de la plus puissante agence de sécurité américaine lorsqu'elle intercepte sans mandat d'un juge les communications entre l'étranger et le sol américain. Jusqu'à présent, la loi prévoyait que la NSA avait le champ libre pour le faire lorsque les communications étaient échangées entre deux points situés à l'extérieur du territoire américain. Lorsque celles-ci impliquent un expéditeur ou un destinataire local, et plus encore si la communication est intra-américaine, la NSA était censée avoir besoin d'un mandat délivré par une cour anti-terroriste spéciale et secrète. Mais c'était encore trop pour l'agence, qui peut désormais agir à sa guise, quitte à en référer après coup à cette cour.

La nouvelle loi, votée en catastrophe avant la fin de la session parlementaire début août, va même plus loin. En donnant à la NSA un pouvoir de surveillance accru sur les citoyens américains, elle lui donne aussi de nouvelles armes pour obliger les compagnies américaines de télécommunications et les grands opérateurs Internet comme Google ou Microsoft à lui fournir des enregistrements suspects. En retour, cette loi protège ces mêmes compagnies contre d'éventuelles plaintes d'abonnés mécontents du peu de cas fait à leur vie privée. Donnant-donnant.

Ces possibilités nouvelles accordées aux forces de police et aux agences de sécurité vont dans le sens d'une société qui surveille de plus en plus ses citoyens. Un mouvement dont on voit mal où il pourrait s'arrêter, dans la mesure où peu de voix s'y opposent. Certes, quelques associations protestent pour la forme, mais sans trouver de relais dans l'opinion ou les médias. Tout se passe comme si la société américaine était prête à accepter cette surveillance toujours plus étroite, si l'on continue de la protéger des attentats.

Le deal est d'autant plus facile à accepter que cette surveillance s'opère de façon « soft », sans contrôles d'identité systématiques ni présence de forces armées agressives dans les villes. Elle privilégie les technologies sécuritaires comme cette frontière virtuelle entre les Etats-Unis et le Mexique. Le programme SBInet, piloté par IBM, coûtera plusieurs milliards de dollars pour déployer, sur une bande de plusieurs milliers de kilomètres des avions espions sans pilote, des batteries de caméras à infrarouges reliées à de puissants ordinateurs et autres nanocapteurs enfouis dans le sol. Afin de tout savoir sur chaque mouvement humain, légal ou non.

Cette surveillance devient de plus en plus globale. Depuis 2003, le ministère de la Sécurité intérieure a fourni 23 milliards de dollars de subventions aux administrations locales pour mieux lutter contre le terrorisme. Beaucoup de villes en ont profité pour installer des caméras de surveillance partout où c'était possible, désormais à la disposition de la police pour la délinquance de droit commun. Dans certains cas, comme à Chicago, où une expérience pilote a déjà eu lieu, ces caméras peuvent être complétées par des micros ultrasensibles capables d'enregistrer plusieurs conversations simultanément dans un rayon de plusieurs centaines de mètres. Sur la route, les feux de signalisation aux carrefours, même dans les plus petites agglomérations, sont hérissés de caméras. Leur installation a dans certains cas été financée par le fabricant en échange d'un pourcentage sur le montant des amendes qu'elles permettent au passage de récolter.

Parfois, le gouvernement semble reculer. Mais la reculade relève du trompe-l'oeil. Il y a quatre ans, le Sénat, alors républicain, avait mis brutalement fin à un programme de recherche lancé par le laboratoire de recherche du Pentagone. Le Total Information Awaress (TIA), à l'initiative de l'administration Bush, prévoyait de relier toutes les bases de données existantes comportant des informations personnelles, de source policière ou commerciale. Avec le TIA, il aurait été possible de suivre à la trace n'importe qui, aussi bien dans ses déplacements physiques qu'à travers ses achats et son mode de vie. Si le TIA a fait peur aux parlementaires qui l'ont rendu illégal, l'administration n'a pas renoncé. La plupart des technologies informatiques qui le composaient ont été dispersées auprès des différentes agences de sécurité et fonctionnent sous d'autres noms.

Mais finalement, c'est encore dans les plus petits actes de la vie quotidienne que l'on mesure combien la population américaine accepte sans barguigner ces empiètements successifs sur sa vie privée. Même le baigneur californien obtempère sans difficulté lorsque l'employé de la piscine municipale lui demande, avant de payer, d'indiquer sur un registre son nom, son adresse, son numéro de téléphone et l'heure de son arrivée. Intel n'en demande pas tant aux visiteurs de son siège dans la Silicon Valley !

MICHEL KTITAREFF est correspondant des « Echos » à Palo Alto.



10/09/2007
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