Bien qu'affaiblie, Al-Qaida essaime
COMMENTAIRES
dans cet article : Al Qaida et les ultra conservateurs américains se nourissent mutuellementEn conclusion de l'article, Al Qaida n'est pas une menace aussi grave qu'on pouvait le craindre. Le vrai enjeu stratégique n'est pas le terrorisme, mais plutot l'émergence des puissances chinoises et indiennes .
Bref, à part pour les vendeurs d'armes, l'occident a tout faux de consacrer autant de ressources à la guerre contre le terrorisme sans s'occuper pacifiquement de son futur face à l'emergence légitime de la chine et de l'Inde qui remet en cause 400 ans de domination occidentale sans partage.
On a l'impression que le terrorisme obnubile tellement les dirigeants politiques (pour garder le pouvoir via la peur et la sécurité ?), qu'ils en oublient le basculement général du pouvoir vers l'est, et en tire les mauvaises conséquences en terme de focalisation de l'énergie et des ressources de nos pays (l'occident dépense 75% du budget militaire mondial).
Vis à vis de la menace Al Qaida, le nucléaire pakistanais géré par une dictature pro-occidentale puis une démocratie de clan fragile est largement aussi inquiétant que le nucléaire potentiel de l'Iran. Mais chut, il ne faut rien dire, "ils" sont de notre coté (pour le moment).
Bien qu'affaiblie, Al-Qaida essaime
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/09/10/bien-qu-affaiblie-al-qaida-essaime-par-gerard-chaliand_1093646_3232.html#xtor=EPR-32280156Les déclarations du noyau initial d'Al-Qaida, qui prétendait ébranler le statu quo mondial et renverser les régimes musulmans impies, n'ont pu atteindre leurs objectifs. Toutes proportions gardées, comme le Japon à Pearl Harbour, Al-Qaida a signé, le 11-Septembre, son arrêt de mort différé dans un combat inégal.
Cependant, l'intense choc psychologique éprouvé par une nation habituée à l'invulnérabilité permettait aux néoconservateurs d'imposer une politique jusque-là demeurée à l'état de projet : elle avait pour but de remodeler le "Grand Moyen-Orient", au nom de la démocratie, conformément aux intérêts des Etats-Unis. Paul Wolfowitz (secrétaire adjoint à la défense) désignait, dès le 12 septembre, l'Irak comme objectif. Très vite, l'Irak fut considéré comme le théâtre principal, quitte à en justifier l'investissement par tous les moyens. La "guerre contre le terrorisme" recouvrait une politique tous azimuts dont l'Irak était le centre de gravité. Son contrôle devait permettre de s'en prendre aux positions de la Syrie dans la région, puis d'encourager un changement de régime en Iran. L'insurrection sunnite en Irak, capitalisant sur les erreurs politiques américaines, rendait ce projet caduc.
Cependant, George W. Bush, jouant sur la peur, se faisait réélire, malgré son échec, tandis qu'Al-Qaida, affaiblie, parvenait à survivre. Le vide créé en Afghanistan par les nécessités de la guerre d'Irak profitait aux talibans, qui s'imposaient, dès 2006, comme des adversaires sérieux. Si les conditions militaires en Irak se sont améliorées, rien ne laisse espérer un règlement politique entre les parties en présence, dont les intérêts sont divergents.
Al-Qaida proprement dit n'exerce une influence directe qu'au Pakistan et, dans une mesure moindre, en Afghanistan. L'Occident, qui était une des cibles majeures, n'a été touché, en sept ans, qu'à Madrid et à Londres, bien que d'autres attentats projetés aient été déjoués.
Mais l'al-qaidisme, comme modèle idéologique et comme symbole, dépasse le caractère virtuel pour être une source d'inspiration concrète pour des groupes autonomes, à l'échelle mondiale : ainsi d'Al-Qaida au pays des Deux-Fleuves, animée jusqu'à sa mort par Abou Moussab Al- Zarkaoui, qui a cherché à bénéficier du prestige conféré par ce sigle. Plus récemment, Al-Qaida au Maghreb islamique, constitué par les rescapés du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), a relancé un mouvement affaibli, grâce à une série d'attentats, non seulement au Maghreb, mais dans les régions sahéliennes. Il va de soi que la France constitue, pour cette organisation, un objectif symbolique majeur.
L'écrasante majorité des attentats des djihadistes a été réalisée dans des pays musulmans : Arabie saoudite, Egypte, Maroc, Jordanie, Yémen, Indonésie. Quelques-uns ont frappé des régions ou pays non musulmans : Bali, Philippines, Inde. Si l'on excepte, depuis 2001, les guerres qui font partie d'une catégorie particulière : Irak, Afghanistan, Tchétchénie, Cachemire, les djihadistes plus ou moins affiliés ou inspirés d'Al-Qaida et de l'al-qaidisme ont réussi un total de moins d'une soixantaine d'attentats à l'échelle mondiale en sept ans. Résultat modeste pour une organisation qui, initialement, menaçait de provoquer l'apocalypse. L'observateur ne peut qu'être frappé par la complémentarité des politiques menées par Al-Qaida et l'administration Bush : l'une et l'autre tablant sur la peur et toutes deux relayées par des médias qui ont souvent vendu de l'angoisse.
La lutte contre le terrorisme, à l'échelle internationale, se révèle économiquement très coûteuse. Militairement, elle est négligeable dans ses effets, en dehors des conflits insurrectionnels, mais psychologiquement, son impact est considérable dans un combat qui se livre surtout dans les esprits et les volontés. Le fait que l'Occident ne puisse être attaqué que par le truchement du terrorisme est le signe de sa force, non de sa vulnérabilité.
L'humiliation et la frustration qui déterminent celles ou ceux qui s'engagent dans ce type d'action ont, entre autres, pour origine le "deux poids deux mesures" que l'Occident applique, par exemple, aux Palestiniens ou à l'Arabie saoudite, qui est loin de répondre aux critères de démocratie dont on reproche l'absence chez les adversaires. On voit mal, à cet égard, un changement se dessiner. Le Pakistan représente l'épicentre où se regroupent et dont repartent, non seulement les talibans, mais une partie des djihadistes qui y reçoivent une formation. Sans doute peut-on ajouter que, sur la durée, le terrorisme djihadiste ne contribue pas à résoudre la crise que traversent la plupart des sociétés musulmanes. Les voies empruntées pour répondre au défi occidental paraissent mieux assurées par les choix économiques de l'Inde et de la Chine.
Gérard Chaliand est écrivain et spécialiste en géostratégie.A découvrir aussi
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