Candide au pays des "subprimes"
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non seulement les banques (et la bourse) créent des bulles appuyées sur des risques inconsidérés qiu mettent en danger l'équilibre econmique - et surtout celui des plus pauvresMais en plus, elles ne jouent plus leur role: au lieu de financer des projets industriels, l'innovation dans les entreprises, les institutions financières ne servent plus qu'à rapporter de l'argent à des actionnaires sans avoir aucun plan long terme - en jouant sur des instruments financiers décorellés de la réalité économique.
les subprimes ne sont qu'un des aspects de la perte totale d'horizon et de stratégie de l'occident (Europe / amerique du nord).
Faudra-t-il que la chine, l'inde et le japon prenne le pouvoir économique mondial pour qu'on revienne à la raison ?
Candide au pays des "subprimes", par Jacques-Henri Eyraud
audouin, René et Daniel ont un sacré métier : ils sont les patrons des plus grandes banques françaises et ils gèrent des risques. Beaucoup de risques. Et notamment celui de ne jamais être remboursés du prêt qu'ils octroient à leurs clients. Prêter a longtemps été le coeur de métier de leurs ancêtres avant que les fusions et acquisitions d'entreprises, la gestion de fortunes ou la création de produits boursiers toujours plus sophistiqués deviennent des activités bien plus "tendance" et rémunératrices ! Richesse et prestige vont aujourd'hui au responsable des produits dérivés de la salle des marchés du Crédit agricole plutôt qu'au responsable de l'agence bancaire de Mortagne-au-Perche. Il y a encore vingt-cinq ans, notre banquier de Mortagne avait quasi rang de sous-préfet. Autre époque, autres moeurs.
La mondialisation, bien sûr ! Pas si simple. La crise dite du subprime met en effet en lumière quelques-uns des paradoxes de notre économie.
Premier paradoxe : nous passons en quelques semaines d'une économie ne sachant que faire de ses liquidités à une économie menacée par une crise de liquidités. Il y a peu de temps encore, Blackstone, le plus gros fonds d'investissement au monde, non content de lever déjà des sommes records auprès d'investisseurs privés, décidait d'une introduction en Bourse. Un succès. Le marché des fusions-acquisitions connaît une année record, poussé par des trésoreries d'entreprise pléthoriques. Et le marché Alternext de la Bourse de Paris, dédié aux jeunes entreprises, se développe fortement. Mais alors, où est passé l'argent ? S'est-il évaporé en quelques semaines ? Etait-il virtuel ?
Second paradoxe : cette crise intervient à un moment où la gestion des risques des banques n'a jamais été aussi encadrée. Avec Bâle II et les autres procédures de contrôle mises en place depuis quelques faillites retentissantes, jamais le contrôle interne n'a été aussi poussé. Les banquiers sont obligés d'être de plus en plus transparents. Les 5,7 milliards de dollars (4,2 milliards d'euros) investis dans des hedge funds par Bear Stearns ? L'information figurait dans les récentes présentations de la banque américaine. Les 150 millions d'euros d'exposition au risque subprime de Banc West, filiale de la BNP Paribas aux Etats-Unis ? Idem.
Troisième paradoxe : la communication devient plus importante que les fondamentaux. Baudouin, René, Daniel et les autres se seraient-ils laissé endormir par le soleil de Saint-Tropez, l'agréable brise du Cap-Ferret ou la douceur de vivre de Porto-Vecchio ? Ils ont un peu tergiversé. La crise aurait mérité mieux que la prise de parole du responsable de communication de permanence. Les marchés financiers ne connaissent pas le 15 août. Et, pourtant, quelques semaines avant le début de la crise, chacune de nos banques avait communiqué des chiffres semestriels montrant une gestion des risques sous contrôle. Mais, pour les marchés financiers, celui qui a parlé en dernier a souvent raison.
Enfin, quatrième paradoxe : "A risque élevé, profit élevé", comme disent les Anglo-Saxons. Comment dès lors feindre la surprise quand les actionnaires des banques, et le marché avec eux, arbitrent en faveur des plus extrêmes rentabilités du secteur ? Chez certaines banques, des rentabilités de plus de 40 % ou 50 % sont fréquentes. Comment soutenir une telle performance sans prendre des risques inconsidérés ? C'est bien d'applaudir quand la Deutsche Bank multiplie ses profits par 15 en cinq ans ou quand Bear Stearns affiche un retour pour ses actionnaires près de 4 fois supérieur à la moyenne du secteur. Ou encore quand les banques représentent moins de 10 % du chiffre d'affaires des sociétés du CAC 40, mais 20 % de leurs profits. C'est mieux de se demander si ces performances reposent vraiment sur des fondamentaux solides ou une gestion du risque maîtrisée. C'est en tout cas très facile de se réveiller un beau matin en disant : "Je ne savais pas."
Et notre banquier de Mortagne, dans tout ça ? Bien sûr, la responsabilité d'un patron de banque est de diversifier son risque et d'investir là où les marchés dégagent des rentabilités significatives. Partout. Pas seulement en France. Et il est tout à fait normal qu'une partie, minime, de ses investissements soit concentrée sur des instruments à haut risque.
Mais on aimerait que nos banques montrent davantage l'exemple et prennent d'autres types de risques. La BNP a récemment organisé des journées "Portes ouvertes aux entrepreneurs". Bravo. Mais, sur les 530 millions d'euros demandés, quelle proportion a-t-elle accepté de financer ? Chers Baudouin, René et Daniel, un agriculteur voulant investir dans un projet de développement durable, un jeune diplômé désirant créer son entreprise, des entrepreneurs des quartiers défavorisés présentant un projet de reprise, un manager souhaitant acquérir un concurrent... valent bien quelques centaines de milliers de foyers américains surendettés, non ?
Jacques-Henri Eyraud, chef d'entreprise et maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris. Il est diplômé de la Harvard Business School
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