Du développement durable et de quelques paradoxes…
Du développement durable et de quelques paradoxes…
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Published by AnneSo | Filed under Ecologie, Général
Un excellent article est à signaler dans le Monde Eco du jour. Ecrit par Pierre Jacquet, actuel président de l'Agence Française de Développement, il souligne les paradoxes que rencontrent actuellement en France les politiques de développement durable: nous n'en avons jamais autant parlé, les médias et le gouvernement en font leur pain blanc, mais plusieurs éléments doivent être soulignés…
"Le premier (des paradoxes) concerne le décalage entre les messages d'urgence qui se multiplient et la timidité des actions engagées. Nos sociétés, attachées à leurs modes de vie, privilégient le changement dans la continuité. Chaque individu (mais aussi chaque pays) n'a intérêt à modifier ses comportements que si les autres le font aussi, et chacun attend donc que les autres bougent avec, comme conséquence, l'inaction. Le résultat est que nous devons souvent gérer des crises qui étaient pourtant annoncées. Ce qui est vrai pour la finance internationale s'applique aussi à l'environnement : la rationalité individuelle ne conduit pas à la rationalité collective."
Soulignant que "les comportements économiques et sociaux répondent à un cadre d'incitations spécifique", il insiste sur la nécessaire évolution de ce cadre d'incitation pour que les comportements changent. Mais il ne faut pas oublier que la morale, "étant en partie le reflet d'un ordre social" doit aussi changer: "ll ne suffit (donc) pas d'invoquer des considérations éthiques pour provoquer ces changements". C'est le système de valeurs dans son ensemble, ainsi que le régime réglementaire et fiscal qui doivent évoluer donc!
"Le deuxième paradoxe relève de l'opposition encore souvent faite entre 'développement' et 'développement durable'". Ce dernier peut en effet être perçu comme un "luxe de riches". Mais, comme le suggère Pierre Jacquet, "posons-nous deux questions très simples: tout d'abord, entre le capital naturel et le capital physique, quelle forme est relativement plus importante pour les pauvres ? Ensuite, entre les pauvres et les riches, qui sont les mieux à même de gérer des crises et des catastrophes ?
Dans les deux cas, la réponse est évidente. Le capital naturel (le sol, les bassins versants, le climat, le bon fonctionnement des écosystèmes…) est le principal facteur de production des pauvres. Pour s'en affranchir, toujours partiellement, il faut pouvoir lui substituer du capital physique et technique, ce qui ne vient qu'avec l'enrichissement et le développement, eux-mêmes nécessairement fondés sur le capital naturel. Les pauvres disposent de peu de substituts immédiats. Si leur capital naturel est endommagé, ils se retrouvent d'autant plus démunis et vulnérables. Le développement durable ne consiste pas à les empêcher d'utiliser ce capital naturel, mais au contraire, à les amener à ne pas le "consommer" inutilement : en préservant son renouvellement, lorsqu'il est renouvelable ; en construisant, avec le produit de son exploitation, d'autres formes alternatives de capital (humain, physique) pour s'y substituer peu à peu, lorsqu'il ne l'est pas."
Cette réflexion me fait penser à une discussion récente avec une amie… Nous nous demandions justement ce que "être capitaliste" signifie actuellement… La notion de capital, de richesse, quand on prend en compte la dimension environnementale, la limitation des ressources, a un sens bien différent… Et donc que signifie "faire fructifier un capital" si la matière derrière cette fructification n'est plus… la notion ne risque-t-elle pas de devenir vide de sens…? Il est aussi utile de souligner que les pays en développement ont surtout besoin qu'on leur apprenne à pêcher… pas qu'on leur donne le poisson… Inutile de dire qu'il est encore moins bien de leur "piller" mais malheureusement, cela est le cas de bien des ressources naturelles exploitées dans ces pays actuellement…
"Troisième paradoxe, celui de la responsabilité de la production de biens publics mondiaux (protection de la biodiversité, lutte contre le réchauffement climatique). Clairement, la responsabilité des détériorations passées incombe essentiellement aux pays riches. Mais, tout aussi clairement, la croissance rapide des grands pays émergents les fait apparaître comme des acteurs incontournables de la production de ces biens publics mondiaux: le voudraient-ils, les pays riches seuls n'ont pas la possibilité de corriger les excès du passé. Mais, au regard de cette responsabilité, n'est-il pas étonnant que nous continuions à appeler "développement" l'adoption par les pays pauvres de modes de vie qui se rapprochent des nôtres sous le prétexte faussement moral qu'ils y ont droit!"
Enfin, Pierre Jacquet conclut en soulignant que "ces paradoxes sèment les graines de situations conflictuelles à venir, dès lors que chacun va se sentir davantage concerné par les détériorations liées aux comportements des autres". Et que cela concerne l'amélioration de l'efficacité énergétique en Chine, l'avenir du bassin du Congo, celui de la forêt amazonienne ou celui des barrières de corail. Tous des aspects sont des sujets d'intérêt commun.
"Une double urgence s'impose: celle de trouver les moyens de l'action au niveau de chaque pays, mais aussi celle de mettre en place un régime international fait de droits, de devoirs et de reconnaissance mutuelle."
La route est longue, notamment en des temps où les dirigeants sont plus prolixes sur les amendements ADN pour contenir l'immigration que sur une vraie réflexion sur les problématique de développement qui pourraient permettre, justement, de mieux juguler les flux migratoires…
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