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Emplois contestés du RPR : Jacques Chirac entendu comme témoin assisté

Emplois contestés du RPR : Jacques Chirac entendu comme témoin assisté

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-937125@51-924172,0.html

L'ancien président de la République (1995-2007), Jacques Chirac, a été entendu comme témoin assisté – statut intermédiaire entre simple témoin et mis en examen, qui implique l'existence d'indices à son encontre –, jeudi 19 juillet, dès 9 heures du matin, par le juge Alain Philibeaux, dans le cadre de l'enquête sur les emplois de complaisance au RPR. Le magistrat s'est déplacé au 119, rue de Lille, à Paris, où M. Chirac a installé ses bureaux, mis à sa disposition par la République, comme pour tout ancien président. Il devait interroger M. Chirac dans une pièce aménagée à cet effet, et non dans le bureau présidentiel. "La considération due tant à l'institution judiciaire qu'à la fonction présidentielle a été une préoccupation constante, a indiqué, jeudi, Me Jean Veil, conseil de M. Chirac. Un équilibre a sur ce point été trouvé." 



Le rendez-vous judiciaire avait été tenu soigneusement secret, la date étant définitivement calée depuis les premiers jours du mois de juillet. C'est la première fois, dans l'histoire de la Ve République, qu'un ancien président est poursuivi et entendu par un magistrat. Il n'est pas inhabituel, en revanche, qu'un juge se déplace pour entendre une personnalité. Ainsi, en 2001, le juge Thierry Pons s'était déplacé au domicile du premier ministre d'alors, Lionel Jospin, entendu comme témoin dans le cadre de l'affaire Destrade.

Décrit comme "serein"  par son entourage, l'ancien président devait être interrogé sur l'affaire des emplois contestés du RPR. Il devait, notamment, pour se défendre, se référer aux mécanismes de financement des partis politiques alors en place, avant la loi de 1995, pour expliciter sa position. M. Chirac avait fait savoir au juge Philibeaux, via son avocat, qu'il se tenait [sa] disposition pour répondre aux questions qui lui seraient utilement posées" concernant les dossiers antérieurs à sa prise de fonctions en 1995. Il avait en revanche écarté toute convocation éventuelle dans le cadre du dossier Clearstream, où sa responsabilité a à nouveau été évoquée, mercredi 18 juillet, par Jean-Louis Gergorin, lors de son audition-fleuve. L'ancien chef de l'Etat se retranche derrière l'article 67-1 de la Constitution, qui dispose que "le président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité". M. Chirac invoquait également l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme, selon lequel "toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution".

"SYSTÈME DÉLICTUEUX"

0234545521, 1/02/74. C'est sous ces deux numéros d'enregistrement qu'était ouvert, au parquet et à l'instruction du tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), depuis le 12 décembre 2002, un dossier visant expressément l'ex-président. Officiellement diligentées contre X… en raison de l'immunité – reconnue par le Conseil constitutionnel en 1999 et confirmée en 2001 par un arrêt de la Cour de cassation – dévolue au chef de l'Etat en exercice par la Constitution, les poursuites visaient M. Chirac en ses anciennes qualités de maire de Paris (1977-1995) et de président du RPR (1976-1994), sous les qualifications pénales de "prise illégale d'intérêts" et "recel de prise illégale d'intérêts". Dernier avatar de l'instruction relative au financement du RPR, jadis confiée au juge Patrick Desmure et désormais conduite par le juge Philibeaux, l'ouverture de cette procédure particulière scellait le rendez-vous de l'ancien chef de l'Etat avec la justice, à l'instant où il quitterait l'Elysée. Par une "ordonnance de disjonction", le magistrat de Nanterre avait écarté de l'enquête ouverte en 1996 – qui avait abouti en 2004 à la condamnation en appel d'Alain Juppé, à quatorze mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité – les éléments qui étaient "susceptibles d'être reprochés à M. Chirac" afin que ceux-ci puissent constituer, l'heure venue, les charges retenues à son encontre. Redevenu simple justiciable depuis le 16 juin, M. Chirac a donc été interrogé sur l'organisation du système par lequel la Mairie de Paris – ainsi qu'une série d'entreprises privées – avait pris en charge, des années durant, les rémunérations de cadres du RPR.

La mise en cause personnelle de M. Chirac dans cette affaire avait été provoquée par la découverte, dans les archives de l'Hôtel de Ville, au début de l'année 1999, d'une lettre qu'il avait adressée au secrétaire général de la Ville et signée de sa main. Dans ce courrier, daté du 16 mars 1993, il demandait la promotion d'une secrétaire au sein des services municipaux, en soulignant le "dévouement exemplaire" dont elle avait fait preuve dans les "fonctions délicates" qu'elle exerçait… au RPR. Ce document synthétisait de manière saisissante le système de vases communicants instauré entre la Mairie de Paris et le parti gaulliste, tous deux dirigés à l'époque par M. Chirac.

Dans un rapport daté du 25 mars 1999, la direction centrale de la police judiciaire avait dénoncé l'existence d'un "système délictueux opéré avec l'aval de ses instances dirigeantes". Constat qu'Alain Juppé, interrogé lors de son procès en appel le 13 octobre 2004, allait confirmer, à sa manière : "Je savais que le RPR avait recours à des pratiques qui pouvaient être discutables et qui devaient cesser."


19/07/2007
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