rnLe chauvinisme vu d'outre-Rhin
Le chauvinisme vu d'outre-Rhin
http://www.letemps.ch/template/transmettre.asp?page=22&contenuPage=&article=204287&quickbar=Ségolène Royal au catéchisme, Jean-Marie Le Pen en agréable compagnon de table, François Bayrou en Astérix le Gaulois et toujours «Speedy Sarkozy» le diviseur: la presse allemande, cette semaine s'est régalée en reportages, à suivre les candidats à la présidentielle française jusqu'au fin fond de la province. Et il est vrai que le grand public d'outre-Rhin, toujours attentif à la vie politique française, suit d'assez près la campagne. L'Allemagne, où le patriotisme a été longtemps tenu pour suspect, s'étonne pourtant de la montée des accents cocardiers des candidats.
«Chanter l'hymne deux fois, s'il vous plaît», titre ainsi la Süddeutsche Zeitung, qui constate que désormais «les candidats rivalisent d'ardeur pour aimer leur pays». Et c'est la candidate socialiste qui fait chanter la Marseillaise lors de ses meetings, s'étonne le quotidien de Munich, pas seulement une fois, mais deux fois. Et elle reproche même aux sportifs de manquer de ferveur lorsqu'ils entonnent l'hymne national.
Mais le quotidien de la gauche libérale s'en prend surtout à Nicolas Sarkozy, et à son dernier livre, «Ensemble», supposé réconcilier «la France du non» avec «la France du oui». Or, s'irrite le journaliste, de réconciliation il n'en est pas question. «Bien plus, le candidat reste fidèle à lui-même lorsqu'il dépeint la France en blanc et noir, en zélée et paresseuse... Et dans tous les cas, il y a une France qui se lève tôt et une autre qui profite de l'assistance sociale.» L'idée du Ministère de l'immigration et de l'identité nationale, c'est «une rupture calculée de toutes les règles, cela rappelle Vichy et la rhétorique anti-dreyfusarde, lorsque l'on accusait ses adversaires de menées anti-françaises».
Le patriotisme de gauche, par ses accents conservateurs, plaît davantage à der Spiegel. Cette semaine, l'hebdomadaire de Hambourg, qui «en pince» manifestement pour la candidate socialiste, s'est attaché à retracer la trajectoire de cette «candidate du cœur», comme il n'hésite pas à titrer le reportage. Et c'est l'abbé Chevrier, 93 ans, ancien curé de Chamagne, où Marie-Ségolène a passé une partie de son enfance, qui sert de fil conducteur. «A 12 ans, dit-il, elle controversait déjà sur la Bible.» Et si aujourd'hui elle ne va plus à l'église, l'abbé Chevrier en est certain, «elle n'a pas oublié ce que nous lui avons donné à emporter sur le chemin». Pour DerSpiegel, il est évident que «le ségolénisme est une nouvelle évolution moralo-intellectuelle à la française qui repose sur un fil conducteur conservateur... Patriotisme de gauche, avec un fond sentimental, et le refrain sur l'égalité pas aussi agressif que chez Sarkozy, qui divise bel et bien la France». D'ailleurs, relève l'hebdomadaire, «Royal ne parle pas de combat électoral mais de «mission» qu'elle remplit en moderne Jeanne d'Arc».
Si la révolution n'est pas à gauche, c'est qu'elle est au centre, selon le Tagesspiegel de Berlin. «Presque personne n'avait pris en compte le candidat libéral François Bayrou, bien enraciné, un peu «brave homme»... Mais la popularité inattendue et croissante de cet ancien enseignant et ministre de l'Education s'explique par l'attrait qu'il exerce sur beaucoup de Français modérés. Ceux-ci apprécient que, contrairement à Sarkozy ou Royal, Bayrou renonce consciemment à se vendre comme une star de la politique. Le Tagesspiegel, qui a suivi Ségolène Royal et François Bayrou en campagne, relève que depuis l'arrivée au pouvoir de Mitterrand en 1981, gauche et droite sont en perpétuel duel en France «et le message de Bayrou est simple: les Français en ont marre de n'avoir toujours à choisir qu'entre gauche et droite».
La Frankfurter Allgemeine, elle, s'en est allée dîner avec le diable, ou du moins déjeuner avec Jean-Marie Le Pen, qui s'est révélé être un hôte agréable, dans sa ville natale de La Trinité-sur-Mer. Quelques badauds, pas de contre-manifestants, la rencontre a commencé un peu tristement au monument aux morts, sur lequel figure le nom du père de Jean-Marie Le Pen. Son discours est très travaillé, lissé. Certes, il s'en prend «à l'incapacité des partis de gouvernement», parle de la nation, de la patrie, de l'immigration et des changements démographiques. Mais «le ton est si correct durant de longs moments, comme s'il voulait devenir fonctionnaire», ironise la journaliste qui raconte qu'au cours du repas, Jean-Marie Le Pen entretient ses hôtes de ses souvenirs d'enfance, sur le mode du grand-père à ses petits-enfants.
Der Spiegel. Grand hebdomadaire d'enquêtes, lancé en 1947, agressivement indépendant, à l'origine de plusieurs scandales politiques. 1 076 000 ex.
Der Tagesspiegel, 34000 ex., quotidien de Berlin, tendance centriste et libérale.
Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le grand quotidien conservateur et libéral allemand, qui est un outil de référence dans les milieux d'affaires et intellectuels. Tirage: 377000 exemplaires.
Süddeutsche Zeitung. Le journal intellectuel du libéralisme de gauche allemand, autre quotidien de référence. Tirage: 430000 exemplaires
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