Revue de presse - Savoie

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Etienne Mougeotte et le déni de réalité


Etienne Mougeotte et le déni de réalité

Il y a quelques jours, le politologue américain Francis Fukuyama, commentant pour Le Monde la politique irakienne de George W. Bush, évoquait «l’incapacité à reconnaître la réalité» du président américain en la matière. Il semble que, chez nous aussi, certains leaders soient atteints du même mal étrange. C’est en tout cas l’impression très nette qu’a donnée Etienne Mougeotte, le vice-président de TF1, lors d’un entretien accordé à Europe 1, mercredi 17 janvier, au cours duquel il s’est employé à nier toute accointance de sa chaîne avec la droite politicienne - au mépris des faits les plus élémentaires.

Interrogé par Jean-Marc Morandini sur les accusations de François Bayrou, président de l’UDF, sur la partialité de TF1 au profit du président de l’UMP Nicolas Sarkozy, Etienne Mougeotte n’a pas hésité à démentir toute proximité entre le propriétaire de TF1, le groupe Bouygues, et le ministre de l’Intérieur. « Bien sûr... (François Bayrou) a dit que M. Lagardère, M. Bouygues, M. Dassault étaient proches de Nicolas Sarkozy... Mais, enfin, c’est une affirmation qui n’a pas de fondement et que, personnellement, moi, je dénie tout à fait ! », s’est-il ainsi exclamé à la radio.

Même s’il a atteint l’âge honorable de 67 ans, nul ne pourrait croire qu’Etienne Mougeotte a fait preuve de défaillance mémorielle ou de manque de lucidité. Ces liens sont tout à fait réels et établis. L’enquête du collectif de journalistes Victor Noir, consacrée à Nicolas Sarkozy, « Le destin de Brutus », les a bien mis en lumière. Le proche conseiller de Sarkozy, Brice Hortefeux, y confirme l’amitié de Nicolas Sarkozy pour Martin Bouygues, PDG du groupe Bouygues, et explique la nature de leur relation : « ce qui les unit, c’est le goût d’entreprendre. Comme Nicolas, Martin Bouygues a dû lutter, résister », dit-il aux auteurs. Un « observateur » cité plus loin dans le livre ajoute que pour Bouygues, « Sarkozy est un dieu, une espèce de maître à penser ». Rien que ça... Pas étonnant que, pour 85% des Français, TF1 ait l’image d’une chaîne droitière, si on en croit le dernier baromètre de Télérama « Les Français et la télévision »... Quant à Arnaud Lagardère, patron du groupe Lagardère, c’est de son propre père Jean-Luc, décédé en 2003, qu’il a hérité cette amitié avec le candidat UMP. Il n’a d’ailleurs pas hésité à présenter ce dernier, lors d’un séminaire du groupe à Deauville en 2005, comme « quelque chose comme mon grand frère ». Ces affirmations, à ce jour, n’ont jamais été démenties ni par Martin Bouygues, ni par Nicolas Sarkozy...

« Est-ce que TF1 roule pour Sarko ? », a insisté Morandini sur Europe 1, essuyant une nouvelle réprobation de son interlocuteur. « La seule réponse, c’est le travail que font les journalistes, c’est l’honnêteté des journalistes de TF1. Et l’honnêteté des journalistes de TF1, leur impartialité, elle est absolue ! », lui a répondu, très indirectement, Etienne Mougeotte. Il est facile de se cacher derrière l’honnêteté professionnelle des journalistes de TF1. Elle est probablement réelle pour la plupart d’entre eux, ceux de la majorité invisible. Pourtant, on peut par contre s’interroger sur l’impartialité de la minorité visible et dirigeante de TF1, celle qui influe sur le contenu de l’information.

Comment ne pas se poser des questions sur l’indépendance de TF1 quand son directeur de l’information, Robert Namias, a été nommé président du Conseil national de la sécurité routière par le gouvernement Raffarin, conseil dans lequel siège une certaine Bernadette Chirac, dont la conseillère en communication n’est autre que...la propre femme de Robert Namias, Anne Barrère ?

Comment ne pas s’interroger sur l’objectivité de la chaîne quand on sait que Jean-Claude Narcy, directeur adjoint de l’information, a assuré le media training de la nouvelle porte-parole de l’UMP, Rachida Dati, après avoir rendu ce service à l’ancien ministre de l’Agriculture, Hervé Gaymard, au moment de sa démission ?

Comment ne pas douter de l’impartialité de TF1 quand le même Gaymard nomme Jean-Marc Sylvestre, chroniqueur économique phare de la chaîne, à la tête de la commission d’orientation du futur projet de loi de la modernisation agricole ?

Comment ne pas se demander si la chaîne ne se compromet pas vis-à-vis du pouvoir quand sa présentatrice vedette, Claire Chazal, ne fait pas mystère de son amitié de longue date avec le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres ?

Enfin, comment ne pas remettre en cause l’objectivité d’une chaîne qui confie la production de ses émissions politiques de la campagne électorale 2007 à A Prime, la société de Dominique Ambiel, ancien conseiller en communication de Jean-Pierre Raffarin ?

Autant de questions auxquelles M. Mougeotte n’a pas eu à répondre lors de cet entretien. Il aurait pu y faire face en faisant la longue liste des connivences qui existent entre les responsables des chaînes concurrentes et le pouvoir. Et pourtant, aucune autre chaîne du paysage audiovisuel français ne se permet de montrer autant ses propres compromissions. C’est sans doute l’avantage réservé à un média dont la puissance de frappe n’a pas d’équivalent dans le paysage audiovisuel européen.




02/02/2007
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