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L'Europe face à la crise : quitte ou double



L'Europe face à la crise : quitte ou double

http://www.alternatives-economiques.fr/l-europe-face-a-la-crise---quitte-ou-double_fr_art_633_49547.html

La crise de l'euro n'a pas surpris ceux qui, dès sa création, avaient souligné les limites d'une monnaie unique, adoptée par des Etats qui demeuraient jaloux de leur souveraineté au point de refuser toute solidarité entre eux, au-delà d'un très faible budget commun. C'est un fait : l'euro a reçu en partage toutes les ambiguïtés de la construction européenne.

Les bons esprits, notamment aux Etats-Unis, n'ont pas manqué d'expliquer que cela ne marcherait jamais. Mais l'euro a tout de même fini par voir le jour. Parce que les Etats européens, pour égoïstes qu'ils soient, partageaient aussi la conviction qu'il leur fallait adopter une monnaie commune pour ne plus subir, dans leurs rapports mutuels, les contrecoups de l'instabilité du dollar.

Les mêmes bons ­esprits nous expliquent aujourd'hui doctement que la zone euro n'a pas d'autre choix que de disparaître ou de se transformer en une vraie zone monétaire optimale. C'est-à-dire un espace doté d'un budget commun assurant une solidarité organique entre territoires, où les facteurs de production (capital et travail) circulent librement, afin de corriger les déséquilibres entre régions.

Restons lucides ! Ce n'est pas demain la veille que l'Union aura un budget équivalent au budget fédéral des Etats-Unis. Quant à la mobilité des facteurs, elle est acquise pour le capital, mais demeure réduite pour le travail, pour des raisons culturelles évidentes.  Ce qui a permis de concilier la libre circulation des personnes et le maintien d'importants écarts de revenus entre régions de l'Union, des écarts qui ne s'atténueront que progressivement.

Il faut donc faire avec. La fédération d'Etats-nations qu'est l'Union ne va pas se transformer en Etat fédéral dans les prochains mois, ni dans les prochaines années. L'euro est-il condamné pour autant ? Non, si les gouvernements acceptent une meilleure coordination et une plus grande solidarité. Cette dernière doit s'affirmer bien plus fortement, et pas seulement en temps de crise.  Concrètement : il faut développer le budget européen. Cet objectif est loin d'être acquis : aucun budget n'a jamais été développé uniquement pour des raisons d'efficacité macroéconomique.  Il faudrait donc que les gouvernements décident de transférer au niveau communautaire le financement de certaines dépenses : grandes infrastructures, recherche, voire une partie des dépenses de défense. La contrainte environnementale justifierait également un développement du budget européen.

Quant à la coordination, son objectif devrait d'abord être de répartir les rôles entre ceux qui doivent s'ajuster et ceux qui peuvent soutenir la reprise, dans l'intérêt de tous. Là encore, ce n'est pas gagné : la coordination, sous la pression des marchés, prend aujourd'hui la forme d'une surveillance asymétrique, où les plus puissants dictent leur loi aux autres et leur imposent une rigueur drastique, sans qu'eux-mêmes assument leurs  responsabilités. Si cette logique perdure et si la crise et ses conséquences sociales s'aggravent, la monnaie unique pourrait bien finir par disparaître. Parce que les peuples et leurs gouvernements considéreront avec raison que le coût de l'euro l'emporte sur ses bénéfices.




28/05/2010
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