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L'Europe sera-t-elle jamais sociale ?

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Si on regardait l'europe sociale telle qu'elle est : modèles sociaux différents, niveaux economiques différents, objectifs différents.

Avec de telles divergences, l'europe sociale est difficile, voir impossible à mettre en oeuvre alors que de son coté l'europe economique continue, met les systèmes sociaux sous pression et les fait regresser lentement mais surement.

L'élargissement du traité de Nice en 2000 marque probablement la mort de l'Europe social - le problème n'est PAS le législatif, le problème est la divergence d'opinion croissante avec le nombre de pays.

L'Europe sera-t-elle jamais sociale ?

http://www.alternatives-internationales.fr/index.php?lg=fr&id_article=37725

Le référendum irlandais sur le Traité de Lisbonne vient de le rappeler : ce qui bloque la construction d'une « Europe plus sociale », se sont les désaccords entre les Européens eux-mêmes. La gestion du social reste profondément ancrée dans les espaces nationaux, et aucun Etat n'est prêt à abandonner ses prérogatives en la matière.

L'Europe n'est pas suffisamment sociale. Le résultat négatif des référendums français et néerlandais sur le traité constitutionnel européen a transformé le malaise diffus à ce sujet en crise aiguë. Une réorientation sociale de la construction européenne serait en théorie urgente. Pourtant, au-delà des slogans, il y a peu de chances qu'on avance significativement sur cette voie. Et pas seulement du fait de la domination des idées libérales dans les cercles bruxellois. Les causes qui font que l'Europe peine à devenir une Europe du social sont plus profondes. Dans l'immédiat, l'urgence est plutôt d'agir pour éviter que les autres politiques européennes continuent de miner les politiques sociales nationales.

L'Europe est sans conteste la zone la plus "sociale" à l'échelle mondiale. Et elle le reste malgré ses difficultés actuelles. C'est en effet en Europe que la négociation collective, la représentation des salariés et la protection de leurs droits sont les mieux assurées. Là aussi où les malades, les chômeurs et les retraités sont le mieux couverts par des mécanismes de protection sociale de grande ampleur. Là, enfin, où le plus de services sont rendus à la population selon une logique de service public échappant aux règles de la concurrence pure, pour fournir des prestations similaires aux riches et aux pauvres, aux ruraux et aux urbains...

L'introuvable modèle social européen

Pour autant, il n'existe pas véritablement un "modèle social européen". Les arrangements institutionnels qui structurent le social se sont construits depuis le début du XIXe siècle dans le cadre des différents Etats-nations. Et les modalités retenues sont étroitement liées aux luttes et aux crises que chacun des pays européens a traversées. Même si, observés de loin, les résultats globaux peuvent paraître similaires, les systèmes restent, dans le détail, très différents.

Par exemple, l'Allemagne, le Danemark ou la Suède ne disposent toujours pas de salaire minimum car, dans ces pays, les questions salariales relèvent exclusivement de la négociation entre syndicats et patronat. De même, dans neuf pays européens, les salariés sont représentés en tant que tels dans les conseils d'administration ou les conseils de surveillance des entreprises. A parité même en Allemagne avec les représentants des actionnaires. Pourtant, une telle idée apparaît encore aujourd'hui comme révolutionnaire non seulement au Royaume-Uni, mais aussi en France ou en Italie. Quant aux mécanismes de la protection sociale, leurs modes de financement diffèrent encore nettement entre des pays comme le Danemark, qui ignorent presque la notion de cotisation sociale assise sur les salaires, car la protection sociale est financée par l'impôt, et des pays comme la France ou l'Allemagne, où son financement et les droits qui y sont associés restent encore étroitement liés à l'emploi et au salaire.

L'impossible abandon de souveraineté

Des évolutions convergentes se produisent cependant: la protection sociale évolue partout vers des systèmes de plus en plus universels, c'est-à-dire de moins en moins liés à l'emploi et financés de plus en plus souvent par l'impôt. L'Allemagne envisage de se doter d'un salaire minimum. Les réformes des retraites et de l'assurance maladie réalisées dans les différents pays s'inspirent désormais des mêmes principes (pour le meilleur et pour le pire). La "flex-sécurité" danoise (voir page 28) semble promise à un bel avenir sur tout le continent. Pour autant, on reste très loin encore de pouvoir songer à la mise en place d'une assurance maladie ou d'une retraite européenne, comme cela existe aux Etats-Unis depuis les années 30 et le New Deal de Roosevelt.

Dans la tête de la plupart des Européens, le social reste un domaine de compétence nationale: malgré les grands discours en faveur de l'Europe sociale, personne n'envisage sérieusement de transférer à l'échelon européen la souveraineté en matière de droit du travail, de protection sociale, etc. Les Etats les plus libéraux ne sont pas les seuls à être hostiles à toute européanisation plus substantielle du social. Les pays les plus sociaux, et notamment les pays scandinaves, sont au premier rang de ce combat: si les Suédois et les Danois refusent pour l'instant majoritairement de rejoindre l'euro, c'est parce qu'ils redoutent de mettre ainsi le doigt dans l'engrenage qui les amènerait tôt ou tard à abdiquer leur souveraineté en matière de social et à devoir s'adapter à une moyenne européenne qui, pour eux, signifierait un net recul.

 

Et ce n'est pas l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, nettement plus pauvres que les anciens membres de l'Europe à quinze, qui va les faire changer d'avis: une véritable Europe sociale impliquerait en effet des mécanismes de solidarité entre tous les Européens, ce qui supposerait la mise en commun de moyens à une échelle sans commune mesure avec le niveau actuel du budget européen, vingt fois inférieur au budget fédéral américain. Des avancées sont possibles (et nécessaires) en matière de social à l'échelle européenne pour définir des normes minimales plus exigeantes dans de nombreux domaines ou pour donner plus de pouvoirs aux comités d'entreprise européens. Mais, quelle que soit la majorité politique au niveau de l'Union, il reste peu probable qu'on assiste à l'émergence d'une véritable "Europe sociale" dans un horizon prévisible.

L'Europe doit surtout cesser d'être antisociale

Est-ce à dire qu'il faut renoncer à toute ambition sociale pour l'Europe ? Non. Mais ces ambitions passent plutôt par une inflexion des autres politiques européennes afin qu'elles cessent d'inciter à la remise en cause de politiques sociales qui resteront encore durablement nationales. Le projet de directive sur les services, dit "Bolkestein", est particulièrement emblématique de telles menaces: il prévoyait en effet, à l'origine, que les prestations de services rendues dans l'Union puissent être fournies sur la base dite du "principe du pays d'origine", c'est-à-dire selon les règles commerciales et sociales du pays où l'entreprise est immatriculée et non selon les règles en vigueur dans le pays où l'entreprise fournit ses services. De quoi accélérer encore la course au moins-disant social et réglementaire. Il serait essentiel aussi que l'Europe se dote d'une directive cadre sur les services publics, qui clarifie leur statut juridique et permette de contrebalancer le poids excessif actuellement du droit de la concurrence.

L'harmonisation fiscale est un autre levier central. En privant les Etats membres de précieuses recettes, la féroce concurrence fiscale qui s'exerce au sein de l'Union est un des facteurs déterminants de la crise des Etats-providence nationaux. Les Européens sont déjà parvenus l'an dernier à un accord sur la fiscalité de l'épargne: il prévoit, à terme, un taux d'imposition minimal de 35 % dans l'Union. Mais il faut encore régler la question de la fiscalité sur les bénéfices des entreprises. Elle fait l'objet d'une sévère bataille actuellement, avec notamment le commissaire européen irlandais, Charlie McCreevy, qui s'oppose à toute avancée en ce domaine.

C'est, enfin, la question du contexte macroéconomique général: les politiques sociales ne peuvent se développer, sans susciter de résistances majeures, qu'avec une croissance globale relativement soutenue. Or, aujourd'hui, tant la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne, uniquement centrée sur la lutte contre l'inflation, que les politiques budgétaires, encadrées trop rigidement par le pacte de stabilité et de croissance, tendent plutôt à brider la croissance dans l'Union. A cet égard, l'assouplissement du pacte de stabilité et de croissance intervenu en mars 2005 constitue indirectement une avancée significative vers une Europe plus sociale.




28/06/2008
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