L'injuste reforme fiscale de Nicolas Sarkozy
LES BONS COMPTES ET
LES BONS AMIS
J’ai reçu
de la part d’un lecteur des chroniques de L’AUTRE QUOTIDIEN un
texte de grande qualité (même s’il est parfois technique) qui démonte la
supercherie manifeste des annonces de diminution de la pression fiscale.
Malheureusement on sait bien que dans la société actuelle on peut dire
n’importe quoi sans grand risque d’être démenti puisque
l’apparence l’emporte sur la raison.
Je vais exceptionnellement
laisser la place aujourd’hui à cette démonstration qui détruit
l’opinion dominante car elle est le fruit d’une étude effectuée par
une personne honnête, objective et implacable dans la mise à mal des propos
sarkozistes. Je le remercie sincèrement de m’avoir beaucoup appris
et… probablement à vous aussi ! Voici son texte légèrement aménagé.
Dans Le Monde du 23 janvier 2007, Nicolas Sarkozy précise
ses ambitions fiscales pour
Rappelons d'abord que l'impôt sur le revenu est un impôt progressif et
" redistributif ", l'impôt solidaire par excellence : plus
vos revenus sont importants, plus vous payez, et donc plus vous contribuez à la
solidarité nationale. Dit autrement, une partie de ce que vous gagnez est
redistribué à l'ensemble des français via le financement des services publics
de la santé, de l'enseignement, de la police, de la justice, etc... car on ne
place pas dans un coffre-fort suisse les fonds collectés par les impôts.
Illustrons ce mécanisme avec un exemple simple (et des chiffres volontairement
simplifiés) : supposons que chaque Français reçoive de l'Etat 1000 € par
an via l'accès au services publics (scolarité des enfants, accès à l'hôpital,
sécurité...). Via l'impôt sur le revenu et son assiette progressive, un français
(appelons-le Jean) qui gagne 1000 € par mois paiera 500 € d'impôt
sur le revenu par an ; un autre (disons Béatrice) qui gagne 2000 €
mensuel paiera 1500 € d'impôt annuel (elle gagne le double de Jean mais
contribue au triple à la solidarité nationale, et c'est là tout l'intérêt de la
progressivité de l'impôt : la redistribution solidaire des ressources) et
enfin, Nicolas qui gagne 4000 € chaque mois paie quant à lui 5000 €
par an en impôt sur le revenu (même chose donc...).
et en net
(c'est-à-dire compte tenu que chacun reçoit en retour 1000 € via les
services publics), Jean reçoit de l'Etat 500 €, tandis que Béatrice ne
contribue réellement au fonctionnement de l'Etat pour 500 € et Jean pour
4000 € - mais il reste que Jean a un revenu net d'impôt de 11 500 €
(contre 12 000 avant redistribution), tandis que celui de Béatrice est de 22
500 e (contre 24 000 avant redistribution) et celui de Nicolas de 43 000
€ (contre 48 000 avant redistribution) ; chacun d'entre eux ayant par
ailleurs un accès égal aux services publics de l'Etat (du moins en théorie...).
Si l’on ajoute un exemple concret encore plus éclairant à Créon en 2006
un enfant fréquentant l’école maternelle a coûté à la commune 1 800
€ entièrement financé par la puissance publique soit une somme pour un
enfant infiniment supérieur à ce que leurs parents acquittent en impôts locaux.
Disons maintenant que la population française est répartie de la manière
suivante : pour 20 Français qui gagnent 1000 € par mois (et sont donc
dans le cas de Jean), 4 gagnent 2000 € (comme Béatrice) et 2 gagnent 4000
€ (comme (Nicolas). On remarquera que dans cet exemple très simplifié
l'Etat a des dépenses strictement équivalentes à ses recettes. Faisons alors
comme le préconise Mr Sarkozy et baissons l'impôt sur le revenu de tout ce
petit monde (c'est d'ailleurs peu ou prou la politique menée par les
gouvernements Raffarin-Sarkozy-Villepin depuis cinq ans).
Rendons donc à chacun 10% de ce qu'il paie en impôt sur le
revenu : Jean récupère 50 € de pouvoir d'achat, à comparer à son revenu
annuel net qui était de 11 500 € (donc une augmentation de moins de 0,5 %
de son pouvoir d'achat) ; Béatrice de son côté récupère 150 € (soit un
gain de 0,7% sur son pouvoir d'achat) ; quant à Nicolas, il gagne dans
l'opération 500 € : +1,15% de pouvoir d'achat en sus - et en valeur, dix
fois plus que Jean, lequel gagne
pourtant quatre fois moins... Terrible constat mathématique qui détruit un
effet d’annonce mais que le lecteur et encore plus le téléspectateur ne
fera jamais car personne ne prendra le temps de lui expliquer. Cette analyse
jamais effectuée démontre pourtant amplement que l’impact d’une
baisse d’imposition n’a absolument rien d’égalitaire. Au contraire
elle renforce l’inégalité existante !
INJUSTICE FISCALE
Mais regardons maintenant cette "opération
Sarkozy" d'un autre point de vue : selon ses propres termes, 2600 €
sont ainsi "rendus aux français" en pouvoir d'achat. Sur ces 2600
€, 1000 € vont aux deux Français qui gagnent déjà… 4000
€ par mois, 600 € vont aux quatre français qui gagnent 2000 €
par mois et encore 1000 € sont répartis entre les…vingt Français
qui eux gagnent seulement 1000 € par mois. Dit autrement, le cadeau
fiscal de Mr Sarkozy profite autant à 10% des français les plus riches qu'à 75%
des contribuables français les plus pauvres. On peut sans doute avoir une autre
conception de la justice fiscale !
On aura par ailleurs remarqué que cet exemple a mis de côté tous les Français
qui en réalité gagnent suffisamment peu pour ne pas payer l'impôt sur le revenu
(48 % des personnes en mesure de l’acquitter) et qui de fait ne
profiteraient pas du tout du "cadeau" de Mr Sarkozy. De même qu'on
n'a pas ici évoqué le cas des très riches... qui échappe déjà en grande partie par les déductions
légales combinées.
Le second problème est maintenant que notre Etat dont les
dépenses étaient équilibrées (c’est une théorie) se retrouve avec 2600
€ de moins dans ses caisses… et peut donc obligatoirement rendre
moins de services, moins redistribuer. Mais Nicolas Sarkozy nous dit qu'il a la
solution : ce pouvoir d'achat qu'il redistribue de cette manière socialement
douteuse ira à la consommation, donc rapportera à l'Etat en TVA. Remarquons
d'abord que l'hypothèse est pour le moins très discutable : dès lors que ce
pouvoir d'achat est distribué pour moitié sur des catégories sociales
suffisamment aisées pour avoir déjà eu la possibilité de constituer une
épargne, et qui donc a les moyens de consommer à hauteur non seulement de ses
besoins, mais également de beaucoup de ses désirs, on peut facilement
comprendre qu'une bonne partie de ce pouvoir d'achat supplémentaire viendrait
en réalité tout simplement grossir une épargne déjà constituée.
LE COMPTE N'Y EST PAS !
Mais admettons, admettons que tout ce pouvoir d'achat soit
consommé et rapporte à l'Etat 19,6% de TVA. Ce serait alors seulement tout
juste… 20% de la somme investie par la diminution qui serait récupéré par
l'Etat. Le compte n'y est pas du tout et il faudra donc également diminuer les
dépenses (dépenses pour l'école, pour la santé, pour la justice, pour la
sécurité...) si l’on ne veut pas creuser un déficit déjà beaucoup trop
lourd. Et ainsi, ce ne sont plus 1000 € qui pourront être redistribués à
chaque Français via leurs services publics, mais plus que 920 , soit une perte
de 80 € pour chacun ! Les gens qui auront déjà perdu subiront une double
peine ans la mesure où se sont les plus petits revenus qui
" consomment " les services publics. Les autres ont recours
au... privé puisqu'ils en ont les moyens!Faisons donc finalement les comptes de la supercherie, du miroir aux
alouettes électorales. Jean gagnerait… 50 € annuel sur sa feuille
d'impôt, qu'il consomme et sur lesquels donc il paye 20% en TVA, soit 10
€, et on arrive donc un gain net annuel de 40 € auquel il faut ajouter
le fait qu’il ira manifester ensuite contres les suppressions de postes
dans les écoles, les hôpitaux, les autres services publics car il ne recevra
plus de l'Etat que… 920 €. Au total, ce brave Jean, alors
qu’on lui vend une réduction de sa charge fiscale, n’aura
absolument rien gagné et se retrouve donc perdant de 40 € ! Il aura
donc de fait été politiquement abusé de manière indolore car il ne fare jamais
ce calcul !
Béatrice qui doit gagner 150 € annuels sur sa feuille d'impôt, moins 30
€ reversés en TVA, aura finalement un gain net annuel de 120 €. Et
au total (en tenant compte des sommes que l'Etat ne peut plus lui
redistribuer), un gain réel de seulement 40 € . Il sera victime
d’une illusion absolue !
Nicolas, pour sa part, gagne 500 € d'impôt sur le revenu, reverse,
s’il est un bon citoyen et s’il consomme tout ce dont il bénéficie,
100 € en TVA (à moins bien sûr qu'il ne choisisse d'épargner, mais
bon...), et fait donc un gain net annuel de 400 €, lesquels lui permettront
facilement de financer les 80 € que l'Etat ne consacre plus à sa santé ni
à sa sécurité, et il lui reste même plus de 300 € pour payer un soutien
scolaire privé à ses enfants (l'enseignement public étant défaillant faute de
moyens suffisants), ou un accouchement dans une clinique privée pour sa femme
(l'hôpital public n'ayant plus les moyens de fonctionner efficacement), à moins
plutôt qu'il ne choisisse de les placer dans une caisse de retraite privée...
UNE ESCROQUERIE FLAGRANTE
Mais on a oublié dans cette démonstration de préciser que
la TVA est un impôt proportionnel, donc totalement non progressif et non
distributif, contrairement à l'impôt sur le revenu, et voilà donc une injustice
sociale supplémentaire que de vouloir rendre d'un côté de l'impôt sur le revenu
et prélever de l'autre par
En conclusion, il faut évidemment remercier Nicolas Sarkozy de remettre au
cœur du débat politique ces évidences qui font que prétendre que droite et
gauche seraient des notions dépassées est une vaste duperie. Il y a pour les
Français un véritable choix à faire - et il ne s'agit pas seulement de
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