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La Bourse trahit les entreprises, par Jean-Bernard Schmidt

COMMENTAIRES
le début de l'article est indiscutable : la bourse appauvrit les entreprises et ne sert plus l'économie
la suite est tout à fait disctuable - l'auteur pense qu'on peut corriger le système, en demandant aux acteurs d'etre "raisonnable"; on peut aussi penser que le système a atteint ses limites et doit etre entièrement revu.
Tant que les actionnaires auront le pouvoir de décision, une possibliité de ponctionner toujours plus, il sera plus interessant d'avoir un portefeuille d'action que de travailler ou d'entreprendre

La Bourse trahit les entreprises, par Jean-Bernard Schmidt

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-945864,0.html

La Bourse sert-elle notre économie ? Plusieurs faits conduisent à en douter. Les entreprises cotées sur Euronext Paris ont levé en 2006 un total de 37,5 milliards d'euros. Les entreprises du seul CAC 40 (un sous-ensemble d'Euronext) ont rendu à leurs actionnaires 39 milliards d'euros, soit un déficit de 1,5 milliard d'euros.

Situation similaire en 2005 et 2004 : il faut remonter à 2003 pour voir les capitaux levés (31,6 milliards d'euros) excéder les dividendes et rachats d'actions (22 milliards d'euros). Les entreprises ne sont plus financées, au contraire, elles s'appauvrissent. Deuxième fait : une étude du cabinet Ernst & Young sur l'évolution du Nasdaq montre une désaffection des investisseurs pour la technologie : la valorisation moyenne de l'entreprise de technologie au moment de son entrée en Bourse sur la période 2001-2006 est 39 % de ce qu'elle était sur la période 1992-1997 (période bien antérieure aux sommets de 1999-2000).

Le Nasdaq, Bourse américaine spécialisée qui a financé tous les géants américains de la technologie, d'Intel à Microsoft, de Cisco à Oracle, ne fonctionne plus : les introductions en Bourse ne récompensent plus le risque pris. Pourtant, l'économie est prospère, les capitaux sont abondants. Troisième fait : la durée moyenne de détention d'actions par les fonds mutuels américains est tombée à dix mois en 2005, un record historique.

Le point commun entre ces trois faits ? Tout simplement que l'investissement à long terme ne paie plus. Avec quelques pourcentages du capital, les hedge funds (fonds spéculatifs) manipulent les cours, imposent leur loi : fusions, acquisitions, démantèlements, distributions rapides des actifs par des super-dividendes et des rachats d'actions. Une grande partie des fonds de LBO sont dans la même logique : rachats d'entreprises par sortie de Bourse ou dans le domaine privé par endettement massif, restructurations rapides, distributions des actifs, réductions des coûts pour une amélioration rapide des résultats, reventes à d'autres fonds de LBO.

Niveau de risque de ces opérations ? Quasiment nul, puisqu'il s'agit de ne s'emparer que d'entreprises déjà bénéficiaires, le seul risque étant celui que l'on se crée soi-même, à savoir le montant de la dette dont on va charger l'entreprise. Gains importants, liquidité rapide, risque réduit : dans ces conditions, pourquoi investir à long terme ?

Clairement, nous sommes dans une déviation du système : on ne peut indéfiniment gagner de l'argent vite et sans risque. Le système se corrigera de lui-même, comme il l'a fait dans le passé. La question est de savoir quand, et à quel prix pour notre économie. Car le prix payé est déjà lourd. Nous n'aurons la société de l'innovation et de la technologie réclamée par tous que si l'investissement à long terme est réhabilité. Nous ne fabriquerons les champions technologiques porteurs des emplois de demain que s'il y a une Bourse capable de prendre le relais des investisseurs qui ont pris le risque de la création. Nous ne verrons nos PME performantes, nos "gazelles" si chères à nos gouvernants, conquérir les marchés d'exportation que si elles trouvent le relais de la Bourse.

De même nos meilleures entreprises familiales continueront d'être l'objet des convoitises des fonds de LBO si les transmissions de capital ne peuvent pas se faire harmonieusement en Bourse. Car la Bourse est la seule à offrir les ingrédients d'une vraie croissance économique fondée sur l'intérêt à long terme : l'apport de capitaux nouveaux, la liquidité pour les actionnaires anciens, la possibilité de recruter les meilleurs managers, et, par-dessus tout, l'indépendance.

Que faire pour que la Bourse retrouve son rôle moteur de l'économie ? Alerter nos institutionnels (compagnies d'assurances, fonds de pension, fonds mutuels) sur la nécessité de réserver dans leurs placements une part largement supérieure à l'investissement à long terme. Aujourd'hui ce sont eux qui financent les hedge funds et les fonds de LBO, ce sont eux aussi qui ne s'expriment pas aux assemblées générales et laissent le champ libre à l'agressivité des hedge funds. Ils transforment en court terme les ressources à long terme dont ils sont dotés.

Que faire d'autre ? Agir sur la fiscalité. On peut utilement penser à promouvoir l'investissement à long terme, en particulier lors des introductions en Bourse, par une fiscalité incitative au niveau des particuliers et des véhicules collectifs. C'est le but, par exemple, de la loi concernant la réaffectation de l'impôt sur la fortune vers les PME ou du projet de JEC (jeune entreprise cotée).

Mais la vraie mesure fiscale à prendre est de taxer les hedge funds et les fonds de LBO. A quel titre peut-on justifier aujourd'hui une exonération d'imposition sur les plus-values et que les intérêts de la dette d'acquisition soient fiscalement déductibles, tout cela conduisant à une surprime de rentabilité qui fausse la concurrence ? En établissant une imposition normale, on fait un acte d'équité en même temps que l'on rétablit les conditions d'un arbitrage sain entre le court terme et le long terme, on réhabilite le long terme.

Car ne nous y trompons pas : nous affaiblissons nos meilleures entreprises au moment même où il faut les renforcer, face à une concurrence qui au Japon, en Corée, en Chine, en Inde, développe des stratégies à long terme d'une efficacité et d'une ambition redoutables.




22/08/2007
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