Revue de presse - Savoie

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La machine à éjecter les chômeurs tourne à plein régime. Jan 06

Article du Canard Enchaîné – Mercredi 4 Janvier 2006

La machine à éjecter les chômeurs tourne à plein régime.

La nouvelle baisse des chiffres du chômage pour le mois de novembre, annoncée à la veille des vœux présidentiels, a encore provoqué une rafale de cocoricos. « Nous avons marqué des points face au chômage, a martelé Jacques Chirac. Depuis huit mois, mois après mois, le chômage baisse ». Et c'est évidemment, pour lui, « la preuve » que l'action du gouvernement porte ses fruits. Ce résultat laisse pantois nombre d'économistes, y compris ceux qui ne passent pas pour des opposants farouches. Marc Touati, gourou de Natexis, s'interroge ainsi dans le dernier bulletin de conjoncture de sa banque sur ce mystère : comment le gouvernement s'y prend-il pour annoncer 150 000 chômeurs de moins en un an quand on ne dénombre que 50 000 emplois créés ?

De fait, plus que son « action », c'est l'inversion de la pyramide des âges (plus de départs à la retraite et moins d'arrivées sur le marché du travail) décrite à plusieurs reprises par « Le Canard » qui explique en partie ce mystère. Un fantastique coup de bol pour Villepin. Si bien que le gouvernement pourrait presque se tourner les pouces en regardant le chômage baisser. Mais, consciencieusement, Villepin et Borloo et leur ministre de l'emploi, Gérard Larcher, ont accéléré le mouvement par ce que l'Insee vient de baptiser pudiquement le « traitement administratif » du chômage. Poliment, les statisticiens officiels reprochent au gouvernement de manier la machine à radier avec un peu trop d'empressement.

Deux chiffres résument assez bien l'efficacité de la méthode utilisée par Villepin comme par tous ses prédécesseurs : de juin (c'est-à-dire dès son installation à Matignon) à novembre, le nombre de chômeurs a chuté de 119 000 dans les statistiques officielles. Dans le même temps, les radiations des listes de l'ANPE faisaient un bond de 109 000 par rapport à la même période l'année précédente.

Dans beaucoup de cas, les radiations sont le fruit du soupçon : tout chômeur est considéré comme un tricheur potentiel. D'où une chasse aux « fraudeurs » qui a été furieusement encouragée par le décret du 22 décembre autorisant les fonctionnaires chargés du contrôle au Ministère de l'Emploi (et non les contrôleurs de l'ANPE et des ASSEDIC, comme « Le Canard » l'a écrit la semaine dernière) à se procurer le dossier fiscal des demandeurs d'emploi suspects. 

Dans ce joyeux climat, les employés de l'ANPE sont priés de faire du chiffre. Ainsi, mardi 13 décembre, dans une agence du IXe arrondissement de Paris, les chômeurs convoqués pour un « entretien individuel » destiné à faire le point sur leur situation se sont retrouvés entassés à 57 dans une salle de 30 places. En fait, il s'agissait de les « préparer » (sic) à un stage de valorisation personnelle (comment rédiger un CV, soigner son apparence, etc…) qui devait commencer dès le lendemain matin en banlieue.  Même scénario, le même jour, dans le XIXe arrondissement. Mais avec cette petite différence : la centaine de sans-emploi présents était convoquée pour une opération de « remobilisation » par un cabinet privé. Ces mécontents ont illico occupé l'agence locale pour l'emploi, ce qui a conduit l'une des ses responsables à se déplacer pour les calmer. Et gare à ceux qui tournent les talons en constatant que le face-à-face prévu avec un agent attentif vire au meeting : ils sont aussitôt menacés d'être radiés.

Curieusement, l'ANPE trouve les moyens de financer ces stages bidons qui, au dire des syndicats, n'ont guère d'autre résultat que d'enrichir des officines spécialisées. En revanche, pour les formations vraiment qualifiantes, les fonds manquent. De nombreux sans-emploi se voient ainsi refuser un stage au motif qu'il n'oriente pas, aux yeux de l'ANPE, vers un secteur « porteur ». Exemple cocasse, par les temps qui courent : un chômeur qui sollicitait une prolongation de ses indemnités afin de terminer sa formation de prof de collège dans un IUFM (Institut Universitaire de formation des maîtres) s'est fait couper les vivres en novembre par son ANPE. Motif : « formation  non prioritaire ». Chirac a pourtant affirmé dans ses vœux, que l'école « c'est la clé de tout ». C'était pour faire bien ? 



10/01/2006
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