Macroéconomie: un diagnostic erroné
Macroéconomie: un diagnostic erroné
Par Philippe MARTIN
QUOTIDIEN : lundi 28 mai 2007
Philippe Martin est professeur à Paris-I.
Pour Nicolas Sarkozy et son gouvernement, cela ressemble un peu
à de la baraka économique. La croissance est repartie en Europe et même
s'accélère dans un contexte où la croissance mondiale bat régulièrement des
records. Dans la zone euro, elle atteint 3,1 % au premier trimestre 2007 en
rythme annuel, et l'OCDE vient de revoir à la hausse sa prévision de croissance
de 2,2 % à 2,7 % pour
Nicolas Sarkozy a implicitement répondu la semaine dernière en
annonçant «réfléchir
à un véritable choc économique et fiscal, pour que la France parte à la
conquête de ce point de croissance qui lui manque». Eric
Woerth, le nouveau ministre du Budget et des Comptes publics, a renchéri avec
un «choc
de relance fiscale» grâce à une «pause dans la
baisse des déficits». Quel euphémisme ! Si l'on
comprend bien, le diagnostic macroéconomique est donc que le décalage avec le
reste de l'Europe vient d'un déficit de demande qu'il s'agit de combler par une
relance budgétaire. Etrange posture keynésienne à contretemps qui isole la
France dans sa stratégie macroéconomique. Tout montre pourtant que la France
paie aujourd'hui les années de retard prises sur les autres pays européens en
matière de réformes structurelles. Le taux élevé d'utilisation des capacités de
production des entreprises françaises est un signe que le problème n'est pas
vraiment du côté des carnets de commande. Il est donc étonnant de voir resurgir
une telle analyse abandonnée dans le reste de l'Europe.
Dans le passé récent, ceux qui croyaient que la faiblesse de la
demande rendait la croissance fragile ont été les plus véhéments à dénoncer
l'augmentation de la TVA en Allemagne, celle des taux d'intérêt par la Banque
centrale européenne et l'appréciation de l'euro face au dollar. Selon leur
logique, la croissance aurait dû s'effondrer après la hausse de la TVA la plus
importante de l'histoire allemande. Nicolas Sarkozy avait ainsi critiqué cette
hausse car elle allait, pensait-il, plomber la croissance européenne en faisant
chuter la consommation des ménages et
La stratégie de relance budgétaire (sous la forme de baisses
d'impôt et d'une déduction fiscale des emprunts immobiliers) annoncée par
Nicolas Sarkozy est donc basée sur un diagnostic macroéconomique difficilement
justifiable. Erreur de diagnostic macroéconomique mais aussi sur le plan
budgétaire et sur le plan politique. Ce gouvernement s'apprête à faire la même
erreur que les gouvernements précédents (Jospin en particulier) qui ont connu
une embellie de la croissance : ne pas mettre cet argent de côté pour l'heure
où la demande sera réellement déficiente et nécessitera un coup de pouce du
gouvernement. C'est aussi une erreur politique, car, lorsqu'on met en place des
réformes ressenties comme des sacrifices par certaines catégories sociales, il
est plus prudent de ne pas faire de cadeaux aux plus favorisés.
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