''Les agriculteurs sont piégés dans une spirale qui relève de la responsabilité collective''
COMMENTAIRES
L'agro business avec le soutien de la FNSEA, sont totalement contre ce raisonnement. Ils ont besoin d'exploitations industrielles pour du grand volume alimentant des usinesLes politiques et les médias font passer ce bon sens paysan comme des dangereux gauchistes irréalistes, et au contraire valorisent le "libre" echange pour aider les pays émergeant comme l'afrique - ce qui est totalement faux, car ça ne fait que aider les exploitations industrielles en détruisant l'agriculture locale.
La PAC était dans cet esprit - nécessaire après guerre pour nourrir le continent dévasté; on n'est plus là, il faut passer à autre chose, c'est tout l'enjeu de la PAC - la FNSEA risque de lutter contre cette évolution
''Les agriculteurs sont piégés dans une spirale qui relève de la responsabilité collective''
http://www.actu-environnement.com/ae/news/pierre-rabhi-agroecologie-agriculture-securite-alimentaire-11425.php4#xtor=EPR-1Pierre Rabhi, à travers sa fondation éponyme présente au Maroc, au Burkina Faso, au Mali mais aussi en Europe, essaime l'agroécologie à travers le monde. L'auteur de "Vers la sobriété heureuse" livre à Actu-Environnement sa vision de l'agriculture et de la société.
Actu-Environnement.com : La Commission européenne vient de présenter ses propositions pour la PAC post 2013. Qu'en pensez vous ?
Pierre Rabhi :
Je suis tellement habitué à des proclamations, à de l'eau tiède, alors
qu'il y a tant d'engagements fermes à prendre que j'ai perdu l'écoute de
ces choses-là. Je reste dans ma radicalité ! L'humanité a fait un choix
dangereux : concentrer l'argent, la productivité dans certaines mains, à
travers des macrostructures. C'est une véritable catastrophe, ce
système ruine tout. Il faut revenir à des exploitations à taille
humaine, passer du macro à la multiplication du micro.
AE : Vous parlez d'ailleurs ''d'agriculture industrielle''…
PR : Auparavant,
en Europe, des multitudes de fermes maillaient les territoires et les
approvisionnaient de manière autonome. Et puis ces fermes à taille
humaine ont été transformées en exploitations agricoles. Le paysan ruiné
est parti travailler à l'usine, dans les mines… Et puis la modernité a
frappé dans les pays du Sud. Il y avait de nombreux villages avec leurs
terres nourricières, leur bétail, leurs savoir-faire. Ils vivaient dans
une forme d'autonomie, ils répondaient à leurs besoins vitaux par
eux-mêmes. L'argent les a détourné de cette organisation traditionnelle.
Les cultures, coton, cacao, arachides, ont été tournées vers
l'exportation. Les paysans ont dû investir dans des intrants et se sont
retrouvés en concurrence déloyale avec les autres pays. Ce déséquilibre
des échanges a conduit les paysans à partir dans les villes chercher du
travail.
J'ai un énorme désaccord avec la modernité ! L'humanité est
en train de s'éradiquer elle-même en pillant la planète pour faire du
fric et du capital. Je ne me fais pas de soucis pour la planète, mais
pour l'humanité qui est devenue démente. Nous nous suicidons avec ce
système. C'est une question de responsabilité morale. Je ne pointe pas
du doigt les agriculteurs qui, s'ils ont une part de responsabilité,
sont piégés dans une spirale qui, elle, relève de la responsabilité
collective. Le consommateur a par exemple une part énorme à jouer dans
le changement, avec l'influence qu'il peut avoir sur le marché par ses
choix. Il devrait être un modérateur. Aujourd'hui, le consommateur est
responsable, soit par ignorance, soit par désintérêt.
AE : Vous prônez une autre agriculture, appelée l'agroécologie…
PR : Je
ne prône pas mais je pratique l'agroécologie depuis une cinquantaine
d'années. L'idée est simple : comment faire que nous, êtres humains,
puissions nous alimenter avec une terre qui soit respectée, entretenue,
améliorée de manière à lui donner un rôle pérenne. Il s'agit de se
placer dans le respect des fondements même de ce qui préside à la vie :
l'eau, la terre, l'air…
AE : L'agroécologie peut-elle nourrir l'humanité ?
PR : Bien
sûr ! On nous oppose régulièrement cet argument. Pourtant, ce n'est pas
quand on aura saturé les sols nourriciers de pesticides et autres
produits chimiques que l'on pourra continuer à produire. L'agriculture
biologique implique également une réorganisation sociale. Il s'agit
d'impliquer le plus grand nombre dans un système alors que le système
actuel produit de plus en plus de chômage, avec les problèmes qui
s'ensuivent. C'est une question de choix : On peut produire une centaine
de tonnes de céréales avec force d'intrants et de mécanisation ou avec
une cinquantaine de paysans. L'objet de l'agriculture biologique est
aussi social : redonner un rôle au plus grand nombre.
AE : C'est ce que vous essayez de faire avec la fondation Pierre Rabhi, créée en 2010 ?
PR : Je
ne renonce pas et je ne baisse pas les bras ! J'essaie de servir ce
message magnifique de la vie. Nous avons déjà créé des structures de
formation, d'accueil, notamment à l'international. On concrétise les
choses, on les incarne afin de montrer qu'il est possible de faire
autrement et que la société civile innove, se questionne, agit. C'est un
formidable laboratoire où s'exercent des actions qui préparent le
futur. Je suis pour une insurrection des consciences, c'est-à-dire une
coalition des consciences qui veulent que les choses changent. L'urgence
est à la fois écologique et humaine. Dans le Sud, les pénuries, les
disettes ne cessent de croître. Nous sommes face à une insuffisance
alimentaire mais aussi à une nuisance alimentaire : les denrées sont de
mauvaise qualité. Les attentes sont de plus en plus grandes et avec la
fondation, nous aimerions être à la hauteur de ces attentes. Il s'agit
de mettre en route des processus sur l'agroécologie, la problématique de
la faim, la gestion de l'eau, la souveraineté des paysans… La fondation
a été créée une fois que nous avons éprouvé ces pratiques et démontré
objectivement que l'agriculture biologique est efficace. Je suis
impliqué depuis 1981 au Burkina Faso par exemple, et dans ces zones
semi-arides, nous avons réussi à accroître la productivité. Les
résultats sont encore plus flagrants dans ces zones difficiles. Il
s'agit désormais d'avoir les moyens matériels pour développer ces
pratiques.
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