Les élites musulmanes britanniques mettent en cause la diplomatie de M. Blair
LE MONDE | 14.08.06 | 13h32
Marqué par la formation très36 organisations musulmanes britanniques ont publié vendredi 11 août dans plusieurs quotidiens londoniens, une pétition pour nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni. "Qu'on le veuille ou non, ce sentiment d'injustice provoqué par la politique extérieure de [la Grande-Bretagne] joue en faveur des extrémistes", affirme le député travailliste d'origine pakistanaise Sadiq Khan. Sa pétition en faveur d'une nouvelle diplomatie britannique a trouvé un écho certain auprès de nombreux musulmans. particulière que reçoit tout juriste anglais, le député travailliste Sadiq Khan croit plus aux vertus du compromis qu'à la confrontation. Elu de Tooting (sud de Londres), il a pourtant signé l'appel, publié vendredi 11 août dans plusieurs quotidiens londoniens, de 36 organisations musulmanes britanniques pour une nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni.
Motivée au départ par le refus de Tony Blair d'appeler à un cessez-le-feu immédiat au Liban et par son alignement sur les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan, la pétition a trouvé un écho certain auprès de nombreux musulmans, surtout chez les jeunes, sceptiques quant à la réalité de cette tentative d'attentat. Alors que 23 personnes sont toujours en garde à vue, une partie de l'opinion reste prudente à la lumière des bavures passées de la lutte contre le terrorisme.
Selon John Reid, il s'agit d'"une initiative dangereuse". S'il n'a pas l'habitude mâcher ses mots, le ministre de l'intérieur est abasourdi par ce document. Parmi les signataires figure, en effet, le Muslim Council of Britain, qui rassemble plus de 400 associations. Créée par le gouvernement travailliste à son arrivée au pouvoir, en 1997, cette organisation est devenue son interlocuteur musulman privilégié.
"Tony Blair refuse d'accepter que sa politique étrangère soit un facteur important dans les motivations des extrémistes. Certaines de ses actions ont contribué à mettre en danger notre sécurité en aggravant la menace terroriste", insiste Inayat Bunglawala, secrétaire adjoint du Conseil musulman. Pour sa part, Khurdish Ahmed, président de l'une de ses composantes, le British Muslim Forum - organisation modérée représentant plus de 300 mosquées -, estime que, " pour éliminer le message de haine, nous devons l'isoler de son principal support : la diplomatie de Blair".
C'est la légitimité même de toute la stratégie de rapprochement avec la communauté musulmane, poursuivie par le pouvoir après les attentats du 7 juillet 2005 à Londres, qui est en cause. Les chefs de file de cette fronde - trois députés et trois lords musulmans - sont membres de la Muslim Task Force, commission chargée par M. Blair de trouver des solutions à la tentation radicale islamiste des jeunes.
EXASPÉRATION CROISSANTE
Remis en novembre, le rapport des sept groupes de travail a fait 74 recommandations, parmi lesquelles l'introduction de cours sur la civilisation islamique dans les programmes scolaires, l'amélioration de la formation des imams, l'émancipation des filles, la rénovation des ghettos urbains. A ce jour, cette initiative n'a débouché que sur une seule action concrète : l'organisation de réunions entre les jeunes et des responsables du Foreign Office pour leur faire comprendre que la politique extérieure est le domaine d'un gouvernement élu.
En revanche, le premier ministre a refusé l'une des principales revendications, à savoir l'ouverture d'une enquête publique sur les motifs des attentats des 7 et 21 juillet 2005 à Londres. Les critiques reprochent également aux pouvoirs publics de ne pas avoir débloqué les fonds promis pour mettre en place un réseau d'organisations de soutien des jeunes à problèmes. "Cette task force n'a été qu'un exercice de relations publiques qui n'a fait qu'accroître la frustration de mes coreligionnaires", se plaint Sadiq Khan, qui a fait partie du sous-comité sur la police.
Alarmés par l'exaspération qu'ils sentent monter chez leurs fidèles, par la déliquescence du modèle communautaire britannique et la montée de l'extrême droite, les responsables musulmans s'efforcent d'accroître leur visibilité dans la politique, les centres de recherche et les médias.
Le lancement du Muslim Public Affairs Committee, chargé de répondre aux attaques de la presse, atteste cette détermination. Mais la force d'un lobby dépend de ses moyens financiers, humains et de son poids électoral. Dans ce royaume à la fois largement de culture protestante et largement "déchristianisé", l'islam n'a ni vrai chef, ni réelle organisation représentative sur le modèle de l'Eglise anglicane ou du Consistoire israélite.
Dans leur grande majorité, les 1,6 million de musulmans appartiennent aux groupes les plus défavorisés de la société. Ce qui réduit également leur efficacité. "Parler de communauté est un leurre. Les intérêts des musulmans britanniques, originaires de soixante pays différents, sont balkanisés, à l'échelle de leur pays d'origine. Comment former d'efficaces coalitions entre Algériens, Pakistanais, Bosniaques ou Somaliens ?", s'interroge la journaliste laïque Yasmine Alibhaï-Brown.
Il sera difficile à Tony Blair de ne pas tenir compte de la révolte d'élites musulmanes qu'il s'est efforcé de courtiser.
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