Monaco, Jersey, Liechtenstein : les divisions entre Européens gênent la lutte contre les paradis fiscaux
COMMENTAIRES
pensez-vous que les membres des gouvernements dont beaucoup de leurs amis beneficient de ces paradis arrivent un jour unanimement à se mettre d'accord sur la fin des paradis fiscaux?
et que le luxembourg qui est aussi un paradis fiscal vote son auto-destruction financière?
La fraude fiscale et l'argent sale ont de beaux jours devant eux.
L'europe avec ou sans traité n'a aucune volonté politique commune pour
aller vers plus de controle fiscal ou maitriser un peu le pouvoir
financier.
Monaco, Jersey, Liechtenstein : les divisions entre Européens gênent la lutte contre les paradis fiscaux
http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/02/26/monaco-jersey-liechtenstein-les-divisions-entre-europeens-genent-la-lutte-contre-les-paradis-fiscaux_1015794_3214.html#ens_id=1011635Les boîtes aux lettres s'agitent dans les paradis fiscaux. Depuis que l'Allemagne a révélé, le 15 février, que près d'un millier de ses contribuables avaient détourné 5 milliards d'euros au fisc, ces dernières années, en plaçant leur argent dans la minuscule principauté du Liechtenstein, la dizaine de petits Etats similaires qui subsistent en Europe s'alarment des menaces de rétorsion.
Après le chef du gouvernement du Liechtenstein, Otmar Hasler, le 20 février, c'est au tour du prince Albert de Monaco, mercredi 27 février, de se rendre en visite officielle en Allemagne. Objectif : calmer la chancelière Angela Merkel, qui ne cesse d'en appeler à la communauté internationale pour supprimer les régimes dérogatoires des havres fiscaux.
Du haut de leurs dizaines de kilomètres carrés, la principauté du Liechtenstein, celle de Monaco, d'Andorre, Gibraltar ou encore les îles anglo-normandes paraissent a priori démunies face au concert des puissances européennes et de l'OCDE. La douceur de leurs régimes d'impôts et l'étanchéité de leur secret bancaire pourraient-elles être mises à mal par ces manoeuvres coalisées ?
"Les rayer juridiquement de la carte du monde ne prendrait pas plus d'une ligne", commentent Christian Chavagneux et Ronen Palan (Les Paradis fiscaux, La Découverte, 2007). Il "suffirait, notent-ils, que les marchés financiers importants inscrivent dans leur loi que toute transaction en provenance ou à destination de ces territoires est illégale." Mais l'histoire a ses méandres et ces pays "confettis", en 2008, sont en mesure de défendre comme il se doit les régimes qui ont fait leur prospérité.
Dans la vallée alpine, longue de 24 km, du Liechtenstein, coincée entre la Suisse et l'Autriche, le revenu par habitant est ainsi deux fois plus élevé qu'en France. Sur les 2 km2 de rives méditerranéennes de Monaco, à la frontière franco-italienne, le taux de chômage ne dépasse pas les 3 %. Andorre, vallée encaissée des Pyrénées entre les frontières française et espagnole, est riche de 3 000 commerces pour 70 000 habitants. Quant à Jersey et Guernesey, îles lilliputiennes au large du Cotentin, elles sont assez prospères pour ne pas avoir à prélever de TVA.
Sans ressources ni industrie, souvent isolés, ces territoires moribonds ont choisi de se développer en adoptant un régime fiscal attractif. Le Liechtenstein, Jersey, Guernesey, Gibraltar s'en sont dotés dès les années 1930. Législation qu'ils renforcent dans les années 1940 en imitant le secret bancaire suisse, dont la violation est devenue pénalement répréhensible en 1934. Andorre et la République de San Marin, enclavée dans le massif des Appenins, en Italie, rejoignent le club dans les années 1970. La libération des mouvements de capitaux en Europe, réalisée en 1992, et la sophistication de la finance mondiale permettent aux fonds de circuler sans avoir recours aux traditionnelles valises de billets et renforcent l'engouement pour ces paradis fiscaux.
Le mouvement de contestation à l'encontre de ces lieux ne s'organise que depuis les années 2000. Via la création de listes noires, diligentée par l'OCDE ou le Groupe d'action financière (Gafi) et de multiples rapports, comme ceux des députés socialistes français Vincent Peillon et Arnaud Montebourg en 2002. "La traque à l'évasion fiscale s'accentue à cause du vieillissement de la population mais aussi car la mondialisation impose aux Etats d'augmenter leurs dépenses publiques pour être plus compétitifs dans l'éducation, les nouvelles technologies", explique Christian Chavagneux. Traque qui s'intensifie avec la volonté de limiter le blanchiment de l'argent de la drogue ou du terrorisme. Mais pour l'heure, en vain ou presque.
Les paradis fiscaux européens, tout comme ceux de la zone Caraïbes (Bahamas, Iles vierges...), sont au coeur de la finance internationale. La moitié des transactions bancaires mondiales passent par ces Etats. L'Union européenne (UE) n'est pas toujours bien placée pour les attaquer de front. Après des années de négociation, elle a été incapable de lever le secret bancaire chez elle. Une directive européenne de 2005 a seulement organisé une taxation des fonds déposés par des non-résidents en Europe. Résultat, le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche, mais aussi Chypre, Malte et le Royaume-Uni sont, à bien des égards, des paradis fiscaux et bancaires, même s'ils sont jugés plus respectables, car ils ont souscrit à des conventions. Comment, dans ces conditions, exiger plus de transparence des "confettis", qui ont pris les services de grands cabinets de conseils internationaux pour coordonner leurs actions ?
Résultat, les accords se font à petits pas, par des accords bilatéraux, chacun gérant ses relations avec ses dépendances. Le Royaume-Uni a négocié avec les îles anglo-normandes un principe d'échange d'informations entre administrations fiscales. Mais cet accord ne concerne pas un entrepreneur avisé qui aurait par exemple créé une société-écran au Bahamas entre ses mouvements à la City et son compte en banque à Jersey...
Le général de Gaulle a réglé le cas de Monaco dans les années 1960, en obtenant que les Français ne puissent y être résidents fiscaux. Depuis, la France traque peu Monaco ou Andorre, jugés peu "attractifs". "La France a empêché que Monaco devienne le paradis fiscal des Français, pourquoi s'opposeraient-elle à ce que la principauté soit le paradis fiscal des Belges ou des Allemands ?", persifle Jean-Yves Mercier, avocat associé au CMS Bureau Francis Lefebvre. La France se concentre sur les autres places et devrait signer en 2008 des accords avec la Suisse et le Qatar. Aujourd'hui, les avis sont donc partagés sur le ton agressif de l'Allemagne vis-à-vis des paradis fiscaux. "Intox" pour les uns, "virage" pour les optimistes. Les capitaux seraient en train de prendre la route de Hongkong et de Singapour.
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