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Mythe et réalité du projet socialiste

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voici une vision de la presse liberale sur le programme socialiste, lisons la pour mieux nous préparer à contrer ces arguments qui viendront pendant la campagne


Mythe et réalité du projet socialiste


A quoi sert le projet du Parti socialiste ? Adopté samedi lors d'une convention nationale, ce texte de trente-deux pages intitulé « Réussir ensemble le changement » devrait logiquement servir de bible au candidat socialiste à l'élection présidentielle de 2007. Il mérite, à ce titre, toute l'attention des électeurs. A moins qu'il ne s'agisse que d'un leurre, d'un tigre de papier. Le doute est permis, car ce manifeste, qui est pourtant le fruit d'une synthèse entre toutes les sensibilités du parti, ne joue pas son rôle de fédérateur. Jamais dans son histoire le parti ne s'est trouvé avec un nombre aussi important de candidats à la candidature présidentielle : outre Ségolène Royal, Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn et Jack Lang, qui ont ouvertement déclaré leur ambition, il faut compter avec Arnaud Montebourg et Martine Aubry, qui n'excluent rien, François Hollande, qui attend son heure, et Lionel Jospin, qui campe dans la posture subliminale du recours. Vue de l'extérieur, cette inflation de candidats à la candidature paraît assez affolante pour un parti qui a été éliminé du second tour de l'élection présidentielle de 2002 ! Mais c'est précisément ceci qui explique cela : les candidats au trône sont tellement persuadés que les électeurs de gauche, taraudés par le remords, iront voter pour le PS dès le premier tour de la présidentielle 2007 qu'ils s'estiment tous en droit de tenter leur chance. Et tant pis si la sélection finale, prévue pour la fin novembre, risque de prendre des allures de match de catch. Face à Ségolène Royal, qui continue de caracoler en tête des sondages, les hommes du parti n'ont pas encore dit leur dernier mot.

Seconde incongruité : le projet a beau avoir été adopté à un score soviétique (93 % des votants), tous ne s'y retrouvent pas de la même façon. Lionel Jospin, qui en 2002 avait eu le malheur de déclarer que son projet n'était « pas socialiste », a une fois de plus préféré jouer les outsiders en publiant dans « Le Monde », trois jours avant l'adoption du texte des socialistes, une longue tribune qu'il a déclinée en quatre sous-chapitres : « Le travail », « La République », « Le prestige de la France », « Le progrès et l'avenir ». La feuille de route qu'il propose n'est certes pas antagoniste au projet, mais elle lui est en quelque sorte parallèle. Voilà qui ne simplifie pas les choses.

Ségolène Royal n'est pas en reste. La candidate favorite à la candidature répète à qui veut l'entendre que le projet du PS « sera celui de tout candidat à l'élection présidentielle », mais le marqueur fort qui a assuré sa récente popularité - « l'ordre juste » - ne constitue pas du tout la colonne vertébrale du projet, qui est davantage axé sur le « développement solidaire ». D'ailleurs, nombre de ses camarades lui reprochent de commettre une grave faute stratégique en allant flirter sur les terres de la droite ou en distribuant quelques bons points à Tony Blair, au lieu de rester centrée sur la bonne vieille gauche. Jack Lang ne se désolidarise pas du projet, mais, quand on le pousse un peu, l'ancien ministre confie que le texte ressemble davantage à un catalogue de propositions qu'à un vrai projet et que le tout manque singulièrement de souffle. Quant à Dominique Strauss-Kahn, il a annoncé avant même l'adoption du texte qu'il se réservait le droit de faire le tri : pas question pour lui d'abroger « d'un trait de plume » la loi Fillon, de renationaliser EDF ou de transférer les cotisations patronales sur la valeur ajoutée. Il l'a précisé dans une récente interview aux « Echos » (1) en demandant, en outre, à ses camarades de bien vouloir être rigoureux dans le chiffrage de leurs propositions : l'inflation est souvent mauvaise conseillère pour une gauche qui prétend gouverner dans la durée.

En réalité, les deux seuls vrais aficionadosdu manifeste socialiste sont Laurent Fabius et François Hollande, mais pour des raisons qui ne sont pas exactement les mêmes. Le premier veut y lire le triomphe de sa ligne : le SMIC à 1.500 euros, le bouclier logement, la renationalisation d'EDF, la couverture professionnelle universelle seraient la quintessence d'un projet politique « authentiquement » de gauche, capable de porter la seule stratégie gagnante pour le candidat socialiste : celle du rassemblement à gauche le plus large possible. Inutile de préciser que Laurent Fabius se voit très bien dans le rôle de ce candidat de rassemblement. François Hollande, lui, voit dans le projet l'expression de l'unité du parti, la bible de laquelle nul ne doit dévier : « Ce projet nous engage tous. C'est beaucoup plus qu'un socle, beaucoup plus qu'un cadre, c'est un contrat pour le changement », s'est-il exclamé avec fougue samedi. Derrière cette ode, il y a évidemment un calcul politique. Si en novembre la compétition entre les différents candidats tournait à la foire d'empoigne, le réflexe unitaire pourrait propulser sur le devant de la scène celui qui incarne le mieux l'unité du parti... Autrement dit, le premier secrétaire, François Hollande.

Le problème, c'est qu'une synthèse n'est par nature jamais claire. C'est une sorte de copié-collé de propositions, reliées entre elles par un texte dénué d'aspérités puisqu'il ne doit heurter personne. Pour savoir ce qu'est vraiment le « hollandisme », il faut donc aller chercher en dehors du parti et se référer à un livre (2) que François Hollande a publié parallèlement au projet. Ses deux credo, « partager le pouvoir » et « réformer dans la durée », sont résolument d'inspiration sociale-démocrate, ce qui n'a rien d'étonnant pour ce disciple de Jacques Delors. Ce qui l'est plus, en revanche, c'est que le personnage le plus emblématique du parti soit obligé d'aller préciser sa pensée hors du parti.

Cela renvoie à la question de départ : à quoi sert le projet ? En réalité, les militants eux-mêmes paraissent se poser la question. Beaucoup, ces derniers temps, ont afflué vers le parti pour peser sur l'élection de 2007 : en quelques mois, le PS est, selon ces responsables, passé de 130.000 adhérents à 220.000, ce qui est un jolie progression. Pourtant, un militant sur deux seulement a eu envie de participer au vote. Les autres se sont abstenus, préférant se réserver pour la grande bataille, la seule en réalité qui compte : la désignation du candidat. Car c'est à chaque élection présidentielle le même scénario : le parti a beau passer des mois à élaborer un projet, le texte de référence est celui du candidat. Il ne faut donc pas prendre au pied de la lettre le « réussir ensemble » du PS, mais l'utiliser pour ce qu'il est : une indication de ce qu'est le socialisme français à un instant T. Et, là, la réponse ne fait aucun doute : il reste très spécifique et difficilement soluble dans la social-démocratie européenne, et encore moins dans le social-libéralisme britannique : la victoire du « non » au référendum européen a contribué à bloquer le curseur sur une vision de la société française à la fois antilibérale et très étatique. Au PS, le salut passe par une inflation de dépenses que le futur candidat, quelle que soit sa sensibilité, aura intérêt à réduire s'il veut éviter le mur.

FRANÇOISE FRESSOZ est éditorialiste aux « Echos ». ffressoz@lesechos.fr http://blogs.lesechos.fr/fressoz

(1) 27 juin 2006.(2) « Devoirs de vérité », Stock.


07/07/2006
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