Revue de presse - Savoie

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VERIFICATION. Débats sur la Loi d’Orientation des mobilités, 13 Juin, Lyon-Turin

Le Lyon-Turin est un projet dont le coût, s’il se réalisait, serait supérieur à 26 milliards d’euros, selon la Direction du Trésor citée par la Cour des Comptes, financé par l’argent public de la France, de l’Italie et de l’Europe. Un tel projet ne peut être engagé sur des affirmations erronées ou des contrevérités flagrantes. Des déclarations faites durant le débat doivent d’être corrigées.

Durant le débat sur la Loi d’Orientation des mobilités, 3e séance, Jeudi 13 Juin concernant le Lyon-Turin des déclarations de Madame la Ministre chargée des transports Elisabeth Borne et Madame la Députée Emilie Bonnivard ou encore de Madame Bérangère ABBA rapporteure doivent d’être corrigées.

La vidéo de la séance analysée est disponible sur ce lien : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7805119_5d02a25e998e7

1-La pente de la ligne ferroviaire existante entre la France et l’Italie serait de 6% :
Madame la Députée Emilie Bonnivard déclare à partir de la 44e minute : « c’est une infrastructure qui a un % de pente de plus de 6 %, donc vous ne pouvez pas mécaniquement, techniquement avoir du transport de fret à ce type d’altitude avec un tel niveau de pente »
Mme la Ministre Elisabeth Borne à partir de la 47emn: : "…avec des pentes de 6 % … on pourrait se dire c’est pas grave…"

Les documents démontrent que c’est FAUX : la pente maximale est de 3% sur une longueur de 1200 mètres.
Sources : GIR Maralpin 26/06/1997 ou Rapport Conseil Général des Ponts et Chaussées 1998 Ingénieur général Christian Brossier), page 56

 2- La projet complet ne coûterait que 17 milliards dont seulement 25% à la charge de la France
Madame la Députée Emilie Bonnivard à partir de la 44e mn : « l’infrastructure globale ne coûte pas 26 milliards, la totalité de l’infrastructure revue à jour et phasée, c’est 17 milliards avec une part française qui est de 25% et une part européenne à plus de 50% de financement de la totalité de l’infrastructure »

Les documents démontrent que c’est FAUX :
Les documents d’enquête publique sur lesquels se fondent la déclaration d’utilité publique chiffre le projet à 24 milliards d'euros (valeur 2009) ce qui confirment l’évaluation de la Direction du Trésor de 26,1 milliards d’euros citée par la Cour des Comptes page 4 du référé
Sources : Dossier RFF enquête publique accès français Lyon-Turin (notice C) / Référé de la Cour des Comptes du 1er août 2012 à Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre, sur le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/RF_64174_Projet_liaison_ferroviaire_Lyon-Turin.pdf

3- Les nouveaux Tunnels auraient permis à la Suisse et l’Autriche d’avoir 70 % de fret sur le rail
Madame la Députée Emilie Bonnivard à partir de la 44emn: « quand vous prenez la Suisse, l’Italie et Autriche, grâce aux nouvelles infrastructures et aux 3 nouveaux tunnels en 15 ans, …et bien la part, elle est à 70 % [sur le rail] »

Les documents démontrent que c’est FAUX :
La part du fret ferroviaire entre la Suisse et l’Italie est effectivement d’environ 70% mais elle l’était déjà en 2000 sur les lignes ferroviaires existantes identiques à notre voie ferrée franco-italienne passant par le tunnel de Mont-Cenis. 
Sur les 3 tunnels mentionnés, le Loetschberg est un tunnel interne à la Suisse entre la région de Berne et le Valais; pour continuer vers l'Italie la ligne utilise le tunnel du Simplon ouvert en 1901, utilisé notamment par BLS cargo filiale à 45 % de la SNCF. Le tunnel de base du Brenner ne sera ouvert que dans 9 ans, le tunnel de base du Saint Gothard n'est entré en exploitation qu'à la fin 2016, année où la part de fret ferroviaire a été de 71% en passant par deux tunnels historiques (Simplon et Gothard).

Sources : Office Fédéral des Transports Suisse Rapport sur le transfert du trafic de novembre 2017
https://www.parlament.ch/centers/documents/fr/verlagerungsbericht-2017-f.pdf

On note que les politiques françaises depuis de longues années ont conduit à des pertes de parts de marché pour le ferroviaire, malgré un fret en baisse depuis 1998 alors que sur des infrastructures de même caractéristiques que la ligne Lyon-Turin existante (pente, altitude) et avant l’ouverture de nouveaux tunnels, la Suisse et l’Autriche ont augmenté la part du fret ferroviaire.

4- Les trains en provenance de Calais seraient coupés
Mme la Ministre Elisabeth Borne, déclare à la 46e mn : « il y a une autoroute ferroviaire entre Calais et Turin lancée l’an dernier, on ne peut pas faire passer l’autoroute ferroviaire sans couper les trains, parce que, comme l’a dit Mme la députée, avec des pentes de 6 % … on pourrait se dire c’est pas grave on met 2 loco qui tirent et 3 qui poussent … ça complique l’exploitation »

Le quai de chargement à Calais comprend 10 positions de chargement sur 5 wagons Modalhor. Pour charger 24 PL, le train avance plusieurs fois.
Les quais à Aiton utilisant les mêmes wagons en une fois sur les mêmes wagons modalohr. La ligne existante permet de faire des trains avec 13 wagons chargés chacun de 2 remorques, sans motrice de pousse.

Les 5 trains hebdomadaires circulant en Juin 2019 venant de Calais comprennent 12 wagons; moins que la capacité maximale de la ligne; ils ne sont pas coupés. Vidéo à l’appui: http://lyonturin.eu/analyses/docs/calais%20orbassano%2024%20positions.MOV

Les faits contredisent les propos de Madame la Ministre qui ne peut pas apporter la preuve de ce qu'elle avance

5- Le Conseil d’Orientation des Infrastructures ne se serait pas prononcé sur le Lyon-Turin
La rapporteure de la Commission Mme Bérangère ABBA, déclare à la 51e mn, « le projet Lyon-Turin ne faisait pas parti des prérogatives et du rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures »

Le COI indique dans son rapport page 56 « Les projets financés par des sociétés de projet publiques ad hoc, à savoir le Grand Paris Express, le Charles de Gaulle-Express, le tunnel international Lyon-Turin et le CSNE ont été exclus des travaux du Conseil. Leurs financements ne sont donc pas inclus dans les scénarios présentés, mais le Conseil n’ignore pas qu’ils pèsent également en termes de dépenses publiques au sens du traité de Maastricht et de prélèvements obligatoires. »

Le COI donne un avis clair sur les accès jusqu’à St Jean de Maurienne, entrée prévue du Tunnel transfrontalier. Le COI note ainsi page 77 de son rapport concernant les accès du Lyon-Turin « les caractéristiques socio-économiques apparaissent à ce stade clairement défavorables »
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.02.01_rapport_coi.pdf

Les accès au Lyon-Turin n'apparaissent dans aucun des 3 scénarios du COI pour la simple raison que la programmation des investissements s'arrête en 2032 et que l'examen des accès a été reporté à après 2038 par le COI. En respectant la déclaration de la Ministre et le texte du projet de loi, il n'y a pas d'investissement prévu dans le scénario numéro 2.

A contrario, le COI a opté, comme toutes les administrations depuis 1998, pour l'utilisation de la ligne existante entre Dijon et St-Jean de Maurienne, qu'il recommande de moderniser pour un montant estimé à 700M€.

La déclaration de Madame la Rapporteure est donc contredite par la lecture du rapport du COI.

6- La sécurité du Tunnel interdirait aux trains de se suivre et de se croiser, la capacité ne serait que de 60 trains par jour
Mme la députée Emilie Bonnivard, déclare à partir de la 34e mn: « …dans cette infrastructure, les mesures de sécurité ne permettent pas à 2 trains de se croiser, à 2 trains de se suivre, la réalité de la capacité de ce tunnel par jour entre le transport de passagers et le transport de fret est de 60 trains… »

Cette déclaration est contredite par la déclaration de Thomas Allary, Directeur Régional de SNCF réseau qui écrit le 19 septembre 2018 dans un courrier à Jacques Gounon, que le croisement n'est interdit que pour les trains de marchandises dangereuses
Source : SNCF réseau, Direction Régionale Auvergne Rhone-Alpes, courrier du 19 septembre 2018

Par ailleurs, les propos de Madame Bonnivard sont également contredits par le dossier ayant servi à la déclaration d'enquête publique en 2012, indiquant une capacité de 120 trains de fret par jour
Source : document RFF de l'enquête publique de 2012 notice pièce C

Cette capacité de 120 trains de fret est cohérente avec les circulations observées sur la ligne historique du Gothard jusqu'à fin 2016 avant l'ouverture du tunnel de base et sur la ligne historique du Brenner en activité en attendant l’ouverture du Tunnel de base du Brenner prévue en 2028.

Le RÈGLEMENT (UE) No 1303/2014 DE LA COMMISSION du 18 novembre 2014 concernant la sécurité dans les tunnels ferro­viaires n’impose pas non plus l’interdiction de croisement ou de suivi des trains dans les tunnels ferroviaires en exploitation de plus de 10 km.
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32014R1303&from=FR

7- le projet ne coûterait que 17 milliards, dont 25 % pour la France
Mme la députée Emilie Bonnivard, déclare à partir de la minute 44 : « ... c’est 17 milliards avec une part française qui est de 25% et une part européenne à plus de 50% de financement de la totalité de l’infrastructure »

Selon l’accord ratifié du 30 Janvier 2012, article 16, la part de financement de la France sur le tunnel transfrontalier est de 42,1%, celle de l’Italie de 57,9 % hors financement européen. Chaque pays finance les infrastructures situés sur son territoire, avec l’aide éventuelle de l’UE.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029425907&categorieLien=id

Les chiffrages de financement de l'UE documentés dans le mandat 2014-2019 font état de la possibilité de financer à hauteur de 40% le seul tunnel transfrontalier jusqu’à hauteur du coût certifié de 8,6 milliards, soit 3,44 milliards d'euros. 
L'ensemble des financements des projets européens sont liés aux conditions de financement du Brexit et de la sortie de l'UE. Le budget 2020-2025 sera présenté par la nouvelle commission qui n'est pas nommée.

Dans ces conditions, Madame Bonnivard ne peut présenter un document administratif de l'UE attestant la contribution européenne au projet Lyon-Turin qu’elle avance.



23/10/2019
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