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Le gaz : tensions, opportunités et nouveaux défis

COMMENTAIRES

La tension sur l'énergie monte et continuera à monter, comment dès lors :
- ne pas parler d'energie renouvelable et d'economie d'energie dans cet article, et lui preferrer le nucleaire en conclusion de l'article ?
- penser que les consommateurs peuvent avoir du poids face au producteur russe quand par ailleurs, on le traite toujours comme un adversaire ?
- penser qu'on dependra moins de la russie et en parallele prevoir qu'on achetera 60% du gaz en russie, cherchez l'erreur

Ceci est le reflet de la pensée unique stratégique : 1- le nucleaire est LA solution, 2- les russes sont nos adversaires à long terme.  est-ce vraiment aussi évident ?

Le gaz : tensions, opportunités et nouveaux défis

http://www.lesechos.fr/journal20080811/lec1_idees/4759879.htm

Il y a quelques années, beaucoup de professionnels, d'économistes et de dirigeants politiques internationaux étaient convaincus de l'efficacité du dialogue entre producteurs et consommateurs d'énergie, de la fluidité du fonctionnement des marchés et de l'évolution obligée vers un « mix énergétique » raisonnable. Lorsqu'à la refondation du Conseil économique de la défense, en mai 2003, nous prîmes l'initiative d'inscrire la problématique Energie et Sécurité au premier rang de nos thèmes, le sujet pouvait paraître novateur. Aujourd'hui, son qualificatif approprié serait « vivant », voire « préoccupant ». Les tensions géopolitiques se développent. Producteurs et consommateurs raisonnent ou agissent en fonction de leurs intérêts, intérêts économiques toujours, arrière-pensées politiques de puissance ou de reconnaissance souvent.

Dans un paysage évolutif, où les coûts des permis d'émission ou du stockage du CO2 vont grever l'économie du charbon et réduire l'intérêt du fioul pour le chauffage ou l'électricité, où l'énergie nucléaire demeure malgré son attrait un investissement de long terme destiné à des pays sûrs, le gaz apparaît comme une matière première de plus en plus attrayante, dont le prix est en passe d'être « décorrélé » de celui du pétrole et qui va cristalliser encore plus de rapports de force géopolitiques. Une politique de sécurité et une diplomatie réalistes pour la France et l'Europe doivent renouveler les fondements du dialogue entre pays producteurs et consommateurs de gaz, en intégrant les enjeux climatiques et les stratégies de puissance.

En forte croissance, logique dans les grands pays émergents, la demande d'énergie devrait au moins doubler dans le monde d'ici à 2050, peut-être tripler. A l'horizon de 2020, la demande de gaz va être multipliée par quatre en Chine, par deux en Inde et croître d'environ 30 % en moyenne en Europe et au Japon. L'essentiel de l'augmentation, même en Europe, servira à la production d'électricité. Moins polluante que le charbon et le pétrole, la production d'électricité à partir du gaz est en outre bien moins capitalistique que le nucléaire ou les renouvelables. Les échanges interzones progresseront plus vite que la production grâce au gaz naturel liquéfié (GNL) et les régions les plus consommatrices dépendront davantage des importations. En 2030, les deux tiers de la consommation européenne seront importés, dont plus de 60 % de Russie, avec de fortes disparités entre pays. Les producteurs seront de plus en plus sollicités par la demande asiatique. Déjà, la Russie diversifie ses clients vers l'Asie. Les Européens devraient s'en réjouir. Lorsque la Chine ou l'Inde substitue du gaz au charbon ou au fioul pour produire de l'électricité, cela contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En revanche, lorsqu'un pays européen comme l'Allemagne limite ou remplace son nucléaire par du gaz, la substitution fait débat sur le plan économique et environnemental.

L'accroissement de la demande de gaz et l'insuffisance probable d'investissements des producteurs, à la fois sur l'amont et sur les infrastructures de transport, risquent d'engendrer à la fois des tensions entre consommateurs et producteurs (telles les crises récentes entre Russie et ses voisins) et une concurrence avivée entre grands consommateurs (Europe, Etats-Unis et Asie). La production de gaz est concentrée dans quelques pays politiquement sensibles : Russie, Iran, Qatar, Algérie...

La recherche d'une sécurité d'approvisionnement pour l'Europe passe par la reconnaissance des intérêts des producteurs et par l'établissement de relations bilatérales entre consommateurs et producteurs. Les intérêts des grands consommateurs, en particulier l'Union européenne et les Etats-Unis, ne sont pas nécessairement convergents. Tandis que les Européens cherchent à moins dépendre de la Russie, celle-ci leur reproche un manque de visibilité de leur demande sur la longue durée et un protectionnisme sur leur marché domestique. L'intérêt mutuel des Européens et des Russes serait de converger sur des contrats à long terme, fondés sur un prix assez élevé pour intégrer le coût du CO2 et une rente de rareté applicable à une ressource non renouvelable. L'Europe n'a pas intérêt à suivre les Etats-Unis dans une tentative de « containment » de la Russie. Les tensions entre l'Union européenne et la Russie d'une part, entre l'Union et certains Etats membres comme l'Italie d'autre part, autour des tracés des gazoducs South Stream et Nabucco reflètent une autre divergence d'intérêts. L'attitude raisonnable pour l'Europe est de ne pas entraver les relations bilatérales entre chacun des pays européens et la Russie et d'inciter, autant que faire se peut, les pays européens à réduire leur dépendance gazière en recourant davantage au nucléaire. Sur ce point, il n'y a pas d'autre choix que de laisser à l'Allemagne le temps d'évoluer.

Faciliter l'accès des pays producteurs de gaz au nucléaire civil se comprend dans la perspective d'un partenariat de long terme, qui réserve la ressource la plus rare à l'exportation, pour favoriser le développement économique des pays producteurs. Pour autant, ces derniers doivent donner les garanties indispensables en matière de non-prolifération et de sûreté et de sécurité.

Quant à l'Iran, le discours du gouvernement en place est générateur d'une escalade conflictuelle mais une politique d'exclusion radicale de cet important détenteur de réserves de gaz pourrait s'avérer contre-productive pour l'Europe si se dessinait une hypothèse d'évolution du régime de Téhéran, à laquelle semble désormais croire l'administration américaine.

Dans un monde qui comptera 9 milliards d'habitants en 2050, la raréfaction des ressources fossiles et la contrainte climatique portent en germe des tensions géopolitiques qui dépassent le traditionnel dialogue entre producteurs et consommateurs. La prévention de ces tensions suppose la reconnaissance des puissances gazières du monde actuel et la recherche d'une allocation optimale des ressources naturelles et technologiques. Le droit de la Russie et des autres détenteurs majeurs de gaz de se développer en s'appuyant sur leurs richesses naturelles et sur une stratégie énergétique ambitieuse est compatible avec le droit des pays émergents (comme l'Inde et la Chine) d'accéder aux énergies les moins carbonées pour produire l'électricité, moteur du développement.

Quant à l'allocation optimale des ressources naturelles et technologiques, le bon sens conduit à substituer, chaque fois que c'est possible dans des conditions d'économie, de sûreté et de sécurité, le nucléaire au gaz pour produire de l'électricité, et d'abord en Europe. Une politique de sécurité et une diplomatie européennes actives doivent dépasser les postures défensives afin d'optimiser l'interdépendance.




11/08/2008
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