Des marchés publics sous haute protection européenne
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30 ans de naiveté depuis la fin de la préférence communautaire en 1983 commencent à se fissurer. Un début d'espoir.
Reste que la concurrence au sein de l'europe entre un roumain à 300 euros et un européen de l'ouest à 1500 reste en place - elle ne gêne pas les patrons du CAC 40 qui s'augmentent régulièrement, et elle leur permet de maintenir les salaires bas
Des marchés publics sous haute protection européenne
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2012/03/des-march%C3%A9s-publics-sous-haute-protection-europ%C3%A9enne.html
C’est la fin de l’innocence. La Commission admet enfin que tous les pays ne sont pas égaux dans le grand jeu de la mondialisation : « l’Union européenne doit cesser d’être naïve et se fixer pour objectifs l’équité et la réciprocité des échanges mondiaux », a lancé, aujourd’hui, Michel Barnier, le commissaire chargé du marché unique. La Commission a donc adopté, comme le lui avait demandé le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement du 23 octobre dernier, une proposition de directive qui permettra à l’Union de fermer ses marchés publics aux entreprises des pays tiers qui protègent les leurs de la concurrence européenne. C’est notamment le cas, a rappelé Michel Barnier, de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de la Russie. Ou encore du Japon qui interdit l’accès des entreprises européennes à son marché des transports publics… « Il s’agit d’une initiative remarquable de la Commission qui constitue un tournant historique dans la politique communautaire », a salué Pierre Lellouche, le secrétaire d’État français chargé du commerce extérieur.
La logique de la Commission est inverse de celle préconisée par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Villepinte, le 11 mars. Il ne s’agit pas de réserver les marchés publics européens en tout ou partis aux entreprises locales, mais d’obliger sous la menace les pays tiers à les ouvrir. L’enjeu est énorme : les marchés publics dans le monde représentent 1000 milliards d’euros par an, soit 19 % du PIB de l'UE, selon la Commission. Et la fermeture de certains marchés représente un manque à gagner de 12 milliards d’euros par an pour les entreprises européennes.
Curieusement, une telle possibilité de rétorsion existe depuis 1994 avec certains pays comme les États-Unis et le Japon : des restrictions ont été négociées et acceptées par l’OMC et elles auraient pu être imposées en cas d’ouverture asymétrique des marchés publics. Mais la Commission n’a jamais adopté les textes qui auraient permis de les mettre en œuvre… C’était le temps de la mondialisation heureuse, l’époque où personne n’imaginait que certains ne se laisseraient pas convaincre par les vertus d’une concurrence libre et parfaite, un passé lointain où l’émergence de nouvelles puissances n’était pas envisagée.
Pourtant, il a fallu que José Manuel Durao Barroso, le président de la Commission, bataille longuement aujourd’hui, appuyés par Michel Barnier et Karel de Gucht, le commissaire chargé du commerce international et libéral convaincu, contre le Finlandais Olli Rehn, la Britannique Catherine Ashton, la Néerlandaise Nellie Kroes, la Suédoise Cecilia Malmström et le Tchèque Stefan Füle qui ne voulaient pas entendre parler d’un texte autorisant des mesures de rétorsion. Il a fallu aussi compter avec les réserves de certains conservateurs, comme l’Allemand Günther Öttinger. Ces commissaires restent convaincus que les pays protectionnistes viendront naturellement à résipiscence sans qu’il soit besoin d’en passer par des mesures de réciprocités. Finalement, non seulement Barroso a réussi à emporter le morceau, mais il est parvenu à durcir le texte.
Selon le dispositif proposé par la Commission, les adjudicateurs publics pourront, pour les marchés de plus de 5 millions d’euros (au lieu de 10 dans le projet initial), exclure de l’appel d’offres les entreprises de pays n’ayant pas ouvert leurs marchés publics. Ensuite, en cas de discrimination répétée et grave à l’encontre de fournisseurs européens de la part de pays tiers, la Commission pourra fermer certains pans du marché européen à leurs entreprises ou leur imposer des pénalités financières. Enfin, les entreprises de pays tiers devront s’expliquer sur leurs prix s’ils sont anormalement bas afin de lutter contre la concurrence déloyale. Pour entrer en vigueur, cette proposition de directive devra encore être adoptée à la majorité qualifiée par le Conseil des ministres et par le Parlement européen. Les partisans d’une mondialisation sans entrave n’ont pas dit leur dernier mot.
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