Revue de presse - Savoie

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L'électorat du PS déstabilisé

L'électorat du PS déstabilisé

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-824014@51-628859,0.html

Après les ouvriers et les employés, est-ce au tour des classes moyennes de lâcher le premier parti de gauche ? Il ne s'agit pas d'une hypothèse d'école. Les sondeurs l'explorent. Les entourages des candidats à l'investiture du Parti socialiste la redoutent. Conscients qu'ils devront, pour remporter les élections de 2007, reconquérir un électorat populaire sans perdre le soutien des classes moyennes, ils ajustent, dans ce sens, leur stratégie électorale et leur offre politique.


L'UMP n'est pas confrontée au même casse-tête : "Le parti de Nicolas Sarkozy tient un discours très segmenté en fonction des groupes sociaux qu'il veut toucher. Il sait s'adresser aux élites à l'aise dans la mondialisation, séduire les anciennes classes moyennes à la manière d'un Silvio Berlusconi en Italie ou encore les ouvriers en développant une problématique sécuritaire", analyse le directeur de BVA Opinion, Jérôme Sainte-Marie.

Pour le PS, enclin à se considérer, selon M. Sainte-Marie, comme le grand parti du salariat, la problématique de l'alliance des classes populaires et des classes moyennes n'est pas neuve. Mais elle est devenue plus compliquée au fil des années.

"DÉCROCHAGE"

Sur l'Europe, d'abord. Entre le référendum sur Maastricht de 1992 et celui sur la Constitution européenne du 29 mai 2005, le camp du non a été rallié par les professions intermédiaires du public et du privé : instituteurs, enseignants, fonctionnaires des collectivités locales, agents de maîtrise et techniciens supérieurs de la banque ou des grandes entreprises privatisées ou privatisables.

Un deuxième signe a été donné lors du premier tour de l'élection présidentielle, le 21 avril 2002, lorsque les jeunes des classes populaires et moyennes ont, avec d'autres, fait défaut à Lionel Jospin et contribué, selon le sociologue Louis Chauvel, auteur des Classes moyennes à la dérive (Le Seuil, 108 pages, 10,5 €), à sa "relégation" au troisième rang. Depuis, les socialistes savent qu'ils ont perdu du terrain dans tous les groupes sociaux qui avaient contribué à l'élection de François Mitterrand et à l'arrivée au pouvoir de la gauche, le 10 mai 1981.

Vingt ans de ralentissement économique et salarial ont mis du temps à produire des effets politiques. Lors de l'élection présidentielle de 1988, cinq ans après le tournant de la rigueur de 1983, François Mitterrand était toujours le premier candidat des ouvriers et des employés. Brice Teinturier, directeur général de TNS Sofres, date "des années 1990 le décrochage du PS des catégories populaires", et voit dans cette évolution les effets des déceptions accumulées en matière des salaires, d'emploi puis d'insécurité. Au cours de cette décennie, la progression du chômage des cadres et des jeunes diplômés a nourri un sentiment de précarisation dans l'ensemble de la société. "Au moment du référendum sur le Traité constitutionnel européen, les classes moyennes se sentaient à leur tour menacées par la mondialisation", résume Jérôme Sainte-Marie. Et le PS s'est trouvé exposé au risque de voir se rétrécir encore sa base électorale.

UN DISCOURS SUR LES VALEURS ?

Jean-Marie Le Guen, député PS de Paris proche de Dominique Strauss-Kahn, partage cette analyse : "La précarisation et l'appauvrissement, qui pesaient, dans les années 1980, sur la seule classe ouvrière, se sont diffusées, depuis, dans le reste de la société et chez les trentenaires", explique-t-il. D'où la nécessité, pour les strauss-kahniens, de transformer profondément le modèle social français et l'accent qu'ils mettent sur la lutte contre l'ensemble des inégalités (sociales, professionnelles, générationnelles, territoriales, etc.). Dans le domaine de l'éducation par exemple, les partisans de Dominique Strauss-Kahn veulent "mettre le paquet aux deux extrémités" du système : augmenter les aides sociales à la petite enfance pour prévenir le plus tôt possible les mécanismes d'exclusion, porter l'effort sur l'enseignement supérieur pour lutter contre le déclassement des jeunes diplômés.

Pour Stéphane Israël, qui coordonne le travail des experts de Laurent Fabius, "c'est en réaffirmant le clivage gauche-droite et par des propositions sur ces trois marqueurs identitaires que sont le pouvoir d'achat, le logement et l'école que nous pourrons créer une dynamique entre ces deux France. Ce n'est sûrement pas avec un discours sur les valeurs", poursuit M. Israël, qui voit là "un des sujets de différend" des fabiusiens avec Ségolène Royal.

"Aujourd'hui, estime M. Sainte-Marie, le PS n'a pas le choix. La droite est fondamentalement plus forte sur les valeurs d'ordre et d'autorité. C'est sur le terrain social qu'il doit avancer." En revanche, pour Brice Teinturier, les bons scores de Ségolène Royal - dont tous les instituts de sondage soulignent la percée sur les questions de société - s'expliquent par "sa capacité, supérieure à celles d'autres candidats" à fédérer les catégories populaires avec cette partie des classes moyennes que la peur du déclassement a rendue sensible aux discours, tenus par la droite, sur la sécurité et sur le "refus de l'assistanat". Une performance obtenue au prix d'un certain flou programmatique que les débats internes entre les trois candidats pourraient permettre de lever.

Claire Guélaud



16/10/2006
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