Revue de presse - Savoie

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L'inflation, porte de sortie de la crise

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Les USA ont une dette en dollar - dette publique de l'état équivalente à celle de la France (60%) et dette privée encore plus importante (140%). Il "suffit" aux USA de laisser filer le dollar et l'inflation pour dévaluer leur dette. La mécanique est en place même si elle n'est pas formellement enclenchée : deficit annuel gigantesque, taux d'intérêt nul.
Les chinois et les Japonais qui detiennent plus de la moitié de la dette n'apprécieraient pas la manoeuvre mais n'y pourraient pas grand chose
Au passage le dollar perdrait sa domination comme devise d'échange mondiale et les USA ne pourraient plus emprunter sans limite - c'est mieux pour tout le monde.
L'Europe et la zone euro se retrouveraient également victimes, incapables d'exporter avec un euro trop fort et un refus de l'inflation.
Voilà comment les USA, responsables de la crise, pourraient exporter ses conséquences sur les autres - tout en perdant leur hégémonie économique au passage et pour la dernière fois ne pas payer leur dette.

L'inflation, porte de sortie de la crise

http://www.lesechos.fr/journal20090114/lec1_idees/4818341.htm

Après la déflation en 2009, l'inflation serait-elle la voie de sortie du marasme ? La crise actuelle est une crise de la dette. Aux Etats-Unis, l'énorme dette des ménages et des banques est en partie transférée à l'État, via divers renflouements d'institutions financières et garanties de crédit. Les plans de relance budgétaire vont propulser les déficits publics à des niveaux jamais atteints en temps de paix (11 % du PIB en 2009). La dette publique américaine, 60 % du PIB avant la crise, pourrait bien se monter à 80 % voire à 100 % du PIB à la sortie de la crise, sans compter le reste de dettes immobilières privées.

Une solution serait de rembourser ces dettes rubis sur l'ongle. La prochaine génération américaine réduirait sa consommation pour rembourser ses dettes privées, payerait davantage d'impôts pour la dette publique, sur fond de croissance et d'inflation faibles : un scénario à la japonaise. Quand on se rappelle le rejet viscéral de l'impôt par les Américains (le pays a été formé en 1773-1776 sur une révolte fiscale, la fameuse Boston Tea Party), quand on sait que le Sénat a refusé de signer le protocole de Kyoto en 2000 au motif qu'il entraverait le niveau de vie des Américains, on voit mal ce scénario accepté par les Etats-Unis.

Une autre solution serait le défaut sur les dettes américaines. Pas une répudiation formelle, mais l'érosion de la dette par l'inflation. Les Etats-Unis mènent deux guerres de front (Afghanistan et Irak), tout en baissant les impôts : du jamais-vu. Quelqu'un doit payer. Comme à la fin de la guerre du Vietnam, de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre de Sécession, une inflation significative réduira la dette publique héritée de la guerre et elle permettra de réduire les gigantesques dettes privées issues de la bulle du crédit. « Impossible de relancer l'inflation, regardez le Japon », dit-on. Dans un article publié récemment par l'« American Economic Review », « Great Expectations and the End of the Depression », un jeune brillant économiste de la Fed de New York, Gauti Eggertsson, apporte un éclairage intéressant. Il montre que la fin de la Dépression en 1933-1934 fut enclenchée par un fort déplacement des anticipations de la déflation vers l'inflation. Le moment crucial fut quand Roosevelt annonça la fin de l'étalon-or et la dévaluation du dollar, enleva l'indépendance de la Fed, relança la création monétaire pour permettre une reflation de l'économie, présida à un déficit public de 9 % du PIB dès 1934 (la dette publique augmenta de 25 % à 42 % du PIB en quatre ans !). Dès avril 1933, Roosevelt parla de la nécessité de relancer l'inflation pour ramener les prix à leur niveau d'avant-crise.

Or c'est ce que les Etats-Unis font de nouveau. Le Trésor laisse entendre qu'il laissera tomber le dollar. Et la Fed a multiplié son bilan (i.e. ses achats de titres financiers) par trois depuis un an ! L'histoire retiendra peut-être comme le point de retournement de la crise le 16 décembre 2008, jour où la Fed annonça à la fois des taux d'intérêt à zéro - pour une longue durée - et la volonté délibérée de « soutenir à un niveau élevé la taille du bilan de la Fed en achetant de plus en plus de dette publique, de dette des agences et de dette hypothécaire ». La banque centrale expliquait ainsi qu'elle était prête à monétiser les deux problèmes actuels : la dette publique et la dette immobilière. Il est illusoire de croire qu'elle demandera un jour à être remboursée de ces créances. Ajouté au plan de relance d'Obama, tous les ingrédients sont là pour une sortie de crise par l'inflation. Une inflation de l'ordre de 10 % à 15 % sur cinq ans permettrait de réduire la dette américaine de 40 % à 50 %. Peu enviable ? Certes, mais pour les Américains ce sera préférable au scénario japonais. Ce seront les créanciers étrangers (Asiatiques surtout) qui paieront l'addition. Pour paraphraser Clemenceau : « la Chine paiera ».

Au Royaume-Uni, avec le même type de dettes, un scénario analogue de dévaluation de la livre et d'inflation est probable. Mais que fera la Banque centrale européenne dans la zone euro ? La monétisation de la dette publique lui est interdite par le traité et on peut compter sur les Allemands pour s'opposer à la relance par l'inflation. Mais est-ce si sûr, alors que les dettes publiques et privées auront fortement explosé et que l'alternative sera un scénario à la japonaise ? Ici, l'histoire reste à construire.

Jacques Delpla est membre du Conseil d'analyse économique



14/01/2009
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