Revue de presse - Savoie

Revue de presse - Savoie

Le crépuscule du dollar, par Robert Fisk

COMMENTAIRES

C'est dans les médias alternatives qu'on trouve les tendances étouffées par les médias de masse et les pouvoirs qui sont remis en cause.L'économie se rééquilibrant au niveau mondial, il est impossible que l'hégémonie financières reste en occident - à la fois pour la monnaie de réserve dominante $ et pour les places financières.

Comme toute tendance de fond, on le verra bien une fois qu'il est engagé.

Le crépuscule du dollar, par Robert Fisk

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2828
http://www.independent.co.uk/news/business/news/the-demise-of-the-dollar-1798175.html

Le grand reporter Robert Fisk, correspondant de The Independent au Moyen Orient depuis de nombreuses années, fait état de réunions « secrètes » rassemblant les pays du Golfe, les BRIC, le Japon - mais aussi la France, selon lui - afin de définir un nouveau système de facturation pétrolière abandonnant le dollar comme monnaie de référence. Publié hier, cet article a provoqué une certaine nervosité sur les marchés des changes et de l’or, bien que de nombreuses informations reprises ici soient déjà du domaine public. Si la date limite prévue pour la mise en œuvre de cette nouvelle règle du jeu pétrolière est encore éloignée de neuf ans - autant dire une éternité pour les marchés spéculatifs - ces informations viennent cependant renforcer un sentiment général largement partagé. Le mouvement de dédollarisation, que tous les pays frappés par la crise financière « Made in USA » considèrent désormais comme une protection indispensable, est bel et bien engagé. Et les USA vont voir se déliter peu à peu l’ « exorbitant privilège » qui leur permettait de régler leurs déficits sans autre contrepartie que du papier vert.

Par Robert Fisk, The Independent, 6 octobre 2009

Les pays Arabes du Golfe Persique planifient - avec la Chine, la Russie, le Japon et la France - de mettre fin à la facturation du pétrole en dollars, et vont utiliser à la place un panier de monnaies, dont le yen japonais et le yuan chinois, l’euro, l’or et la nouvelle devise commune que doivent adopter les nations appartenant au Conseil de Coopération du Golfe, incluant l’Arabie Saoudite, Abu Dhabi, le Koweït et le Qatar. C’est là un tournant majeur sur le plan financier pour le Moyen Orient.

Des réunions secrètes ont déjà eu lieu, auxquelles participaient les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales de Russie, de Chine, du Japon et du Brésil, afin d’élaborer ce projet qui aura pour conséquence que le cours du pétrole ne sera plus exprimé en dollars.

Ces plans, confirmés à The Independent par des sources des milieux bancaires du Golfe et de Hong Kong, pourraient expliquer la hausse soudaine du cours de l’or, mais ils annoncent également une transformation en profondeur sur le marché du dollar dans les neuf ans à venir.

Les Américains, qui savent que des réunions ont eu lieu - bien qu’ils n’aient pas encore appris les détails - vont sûrement lutter contre ces manoeuvres internationales auxquelles participent des alliés jusque-là fidèles comme le Japon et les pays Arabes du Golfe. Parallèlement à ces rencontres, Sun Bigan, l’ancien envoyé spécial chinois au Moyen-Orient, a mis en garde contre le risque d’aggraver les différends entre la Chine et les Etats-Unis dans leur lutte d’influence pour le pétrole du Moyen-Orient. Les « querelles bilatérales et les affrontements sont inévitables », a-t-il déclaré à la Asia and Africa Review. « Nous ne pouvons pas relâcher notre vigilance sur [l’apparition d’une] hostilité au Moyen-Orient au sujet des intérêts énergétiques et de la sécurité. »

Cela sonne comme une dangereuse prédiction d’une guerre économique à venir opposant les USA et la Chine pour le pétrole du Moyen-Orient - qui une fois encore transformerait les conflits régionaux en une bataille pour la suprématie entre grandes puissances. La Chine utilise progressivement plus de pétrole que les États-Unis parce que sa croissance est moins économe en énergie. La devise de transition pouvant être utilisée durant cet abandon du dollar, selon des sources bancaires chinoises, pourrait être l’or. Une indication des montants énormes impliqués est fournie par le total des réserves détenues par Abou Dhabi, l’Arabie saoudite, le Koweït et le Qatar, estimées à 2 100 milliards de dollars.

Le déclin de la puissance économique américaine résultant de la récession mondiale actuelle a été implicitement reconnu par le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick. « L’un des héritages de cette crise pourrait être la prise de conscience que les relations de pouvoir économique ont changé », a-t-il déclaré à Istanbul, avant la tenue cette semaine des réunions du FMI et la Banque Mondiale. Mais c’est l’extraordinaire nouvelle puissance financière de la Chine - alliée au ressentiment des pays producteurs et consommateurs de pétrole contre la puissance d’intervention de l’Amérique dans le système financier international - qui a motivé ces dernières discussions impliquant les Etats du Golfe.

Le Brésil a manifesté son intérêt pour participer à ces règlements de pétrole hors dollar, ainsi que l’Inde. De fait, la Chine semble être la plus enthousiaste parmi toutes les puissances financières impliquées, notamment en raison de ses énormes échanges avec le Moyen-Orient.

La Chine importe 60 pour cent de son pétrole, dont une majeure partie en provenance du Moyen-Orient et de la Russie. Les Chinois ont des concessions de production pétrolière en Irak - qui sont bloquées par les États-Unis jusqu’à cette année - et depuis 2008 ont signé un accord de 8 milliards de dollars avec l’Iran pour développer les capacités de raffinage et les ressources gazières. La Chine a également conclu des accords pétroliers au Soudan (où elle s’est substituée à des intérêts américains) et a négocié des concessions pétrolières avec la Libye, où tous les contrats de ce type prennent la forme de coentreprises (joint-ventures).

En outre, les exportations chinoises vers la région représentent désormais pas moins de 10 pour cent du total des importations des pays du Moyen-Orient. Elles concernent un large éventail de produits, allant des voitures aux systèmes d’armes, l’alimentation, les vêtements, et même des poupées. Confirmant la puissance financière croissante de la Chine, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a demandé hier à Pékin de laisser le yuan s’apprécier par rapport à un dollar dont le cours est à la baisse - ce qui par voie de conséquence desserrerait la dépendance de la Chine envers la politique monétaire américaine - afin d’aider à rééquilibrer l’économie mondiale et d’alléger la pression à la hausse sur l’euro.

Depuis les accords de Bretton Woods - qui furent signés après la Seconde Guerre mondiale et avaient défini l’architecture du système international financier moderne - les partenaires commerciaux de l’Amérique ont dû faire face aux conséquences de la prééminence de Washington et plus récemment à l’hégémonie acquise par le dollar, qui sert de principale monnaie de réserve mondiale.

Les Chinois pensent que les Américains ont persuadé la Grande-Bretagne de rester en dehors de l’euro afin d’éviter un mouvement plus précoce de désaffection par rapport au dollar. Des sources chinoises du secteur bancaire indiquent que les discussions sont allées trop loin pour être désormais bloquées. « Les russes finiront par introduire le rouble dans ce panier de devises », nous a déclaré un important courtier de Hong Kong. « Les Britanniques sont coincés entre les deux, et ils entreront dans la zone euro. Ils n’ont pas le choix car il ne leur sera pas possible d’utiliser le dollar américain. »

Nos sources chinoises dans la finance estiment que le président Barack Obama est trop mobilisé par le redressement de l’économie américaine pour pouvoir se préoccuper des conséquences considérables qu’aura l’abandon du dollar dans neuf ans. La date limite pour la transition entre les devises a été fixée à 2018.

Les États-Unis ont brièvement abordé cette question au sommet du G20 à Pittsburgh. Le gouverneur de la Banque Centrale de Chine et d’autres officiels ont manifesté à voix haute leurs inquiétudes sur le dollar depuis des années. Leur problème est qu’une grande partie de leur richesse nationale est conservée sous forme d’avoirs libellés en dollars.

« Ces plans vont changer la face des transactions financières internationales », déclare un banquier chinois. « L’Amérique et la Grande-Bretagne doivent être très inquiètes. Vous comprendrez à quel point ils sont préoccupés en entendant le tonnerre de dénégations que cette information va provoquer. »

L’Iran a annoncé le mois dernier que ses réserves de devises étrangères seraient désormais conservées en euros plutôt qu’en dollars. A coup sûr, les banquiers se souviennent de ce qui est arrivé au dernier pays producteur de pétrole du Moyen-Orient qui ait décidé de vendre son pétrole en euros plutôt qu’en dollars. Quelques mois après que Saddam Hussein eut claironné sa décision, les Américains et les Britanniques ont envahi l’Irak.


Publication originale The Independent, traduction Contre Info


16/10/2009
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 81 autres membres