Revue de presse - Savoie

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Le retour de Marx

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Il faut relire Marx, au moins pour le diagnostic si on n'aime pas les solutions telles qu'elles ont été mises en place au 20eme siècle. A noter que Berkeley n'est pas le temple du libéralisme, c'est encore un avis minoritaire aux USA.
Pour simplifier, la concurrence libre et non faussée de l'OMC et de la commission européenne, c'est la loi du plus fort dans le domaine économique - et donc les plus forts prennent le gros du gateau et laissent les miettes aux plus faibles. C'est exactement ce qui se passe depuis 1970 avec une forte diminution de la part relative des revenus pour les 50% les moins riches.
Le problème n'est pas le pouvoir d'achat, mais la repartition des richesses.

Le retour de Marx

http://www.lesechos.fr/journal20080204/lec1_idees/4681514.htm

Il y a cent cinquante ans, Karl Marx prédisait que le capitalisme moderne serait incapable de produire une répartition acceptable des revenus. La richesse allait augmenter, disait-il, mais en ne bénéficiant qu'à une minorité. La masse des misérables irait grossissant. Cette situation provoquerait révoltes et révolutions, aboutissant à un nouveau système, plus juste, plus efficace et plus égalitaire. Depuis, la plupart des économistes ont gagné leur vie à expliquer pourquoi Marx s'était trompé. Certes, à ses débuts, la révolution industrielle est toujours associée à une montée rapide des inégalités. L'agressivité et l'esprit d'entreprise sont récompensés et les prix du marché flambent, dictés par la rareté de quelques compétences clefs.

Mais cette situation n'est en principe que transitoire. Une société agraire figée sur le plan technologique est condamnée à être très inégalitaire. Par force ou fraude, la classe dominante s'approprie les terres et abaisse le niveau de vie des paysans en dessous du minimum vital via les loyers de ces terres. Pour la majorité des économistes, une société industrielle a un fonctionnement différent. D'abord, les principales ressources ne sont pas en quantité limitée comme la terre, mais peuvent évoluer en quantité et qualité : la qualification des techniciens et des ingénieurs, l'énergie et l'expérience des entrepreneurs, les machines et les constructions. Des prix élevés pour des ressources rares ne conduisent pas à des transferts de richesse à somme nulle ou négative, mais à des gains en termes d'augmentation du nombre de techniciens et d'ingénieurs, ainsi que du nombre de machines et de constructions.

Deuxièmement, la démocratie fait contrepoids au marché. Le gouvernement éduque et investit, ce qui augmente l'offre et limite les revenus des travailleurs qualifiés, ainsi que la rentabilité du capital physique. Elle finance la sécurité sociale par des prélèvements sur les plus riches. L'économiste Simon Kuznets pensait que les inégalités s'accroissent dans un premier temps avec l'industrialisation, avant de diminuer.

Mais la génération précédente a perdu confiance dans la courbe de Kuznets. Les gouvernements sociaux-démocrates ont été sur la défensive. Ils n'ont pas su convaincre les électeurs de financer un élargissement massif de l'enseignement supérieur. La scolarisation au niveau secondaire et supérieur des jeunes Américains blancs peut approcher les 100 %, mais cette génération pourrait en fin de compte ne pas recevoir davantage d'éducation que celle qui l'a précédée. Et les gains de plus en plus élevés d'une minorité n'ont pas stimulé suffisamment la concurrence sur le marché pour favoriser une distribution des revenus moins inégalitaire.

De plus en plus, les voix des piliers de l'establishment rejoignent celles des critiques les plus sévères. Ainsi, Martin Wolf, l'éditorialiste du « Financial Times », a récemment dénoncé les très grandes banques car elles ont un « talent extraordinaire pour privatiser les gains et socialiser les pertes... et se draper d'une juste colère si le gouvernement ne vient pas immédiatement à leur aide lorsqu'elles sont confrontées à des difficultés (bien méritées) : (...) Les conflits d'intérêts dans les grandes institutions financières sont bien plus difficiles à gérer que dans tout autre secteur. » Il craint que le système financier « ne détruise quelque chose de bien plus important encore, à savoir la légitimité politique de l'économie de marché elle-même ».

Pour Wolf, la solution consisterait à attribuer l'essentiel de leur rémunération aux dirigeants des banques une fois qu'ils auront accompli leur travail, par des versements périodiques sur une décennie. Actionnaires et investisseurs sauraient ainsi si les conseils donnés et les investissements réalisés répondaient vraiment à une logique de long terme plus tôt. Mais cette proposition est insuffisante, car le problème ne se limite pas à la haute finance. Les marchés échouent à favoriser l'émergence de concurrents et à exercer des pressions à la baisse sur les fortunes captées par la présente génération de princes du business.

J. BRADFORD DELONG est professeur à l'université de Californie (Berkeley)



04/02/2008
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