Revue de presse - Savoie

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Les fonds d'investissement sur la sellette, par Frédéric Lemaître

COMMENTAIRES

Ajoutons dans les effets des fonds de pension la demande de rentabilité de 15% sur capital investi.
Concrètement, une entreprise saine qui fait 6% et serevend à un fond qui demande 15% est "restructurée", delocalisée pour faire 15%

Autre pratique, une entreprise comme Lu est rachetée par Kraft food 5 milliards d'euros; Dans de nombreux cas, les 5 milliards d'euros sont mis dans sa comptabilité, (charge à rembourser). L'entreprise acquise paye l'emprunt de l'acquereur. C'est le capitalisme à l'envers puisqu'il n'y a plus besoin d'apporter les capitaux mais simplement le montage: emprunt d'un coté, remboursement par l'acquis de l'autre. IL est facile après de dire que la société acquise est en difficulté, fait des pertes, puisque les frais financiers nouveaux viennent d'ajouter à la situation de départ

Pour les locaux, sur Chambery, il serait interessant de savoir comment l'achat de Vetrotex à Saint Gobain par Corning est financé.

Les fonds d'investissement sur la sellette, par Frédéric Lemaître

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-930410,0.html

Pour une belle fête, c'était une belle fête. Peut-être même la plus onéreuse que New York ait jamais connue. Les 1 500 invités triés sur le volet peuvent en témoigner. Tout comme le chanteur Rod Stewart, payé 1 million de dollars pour sa prestation d'une heure. Le 13 février, pour célébrer ses 60 ans, Stephen Schwarzman n'avait pas lésiné sur les moyens. Il est vrai que rien qu'en 2006 sa rémunération s'est élevée à 398 millions de dollars et que sa fortune est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Celui que le magazine Fortune a sacré "nouveau roi de Wall Street" n'est ni un héritier chanceux ni un inventeur de génie. Simplement le patron du fonds d'investissement Blackstone. Son métier ? Convaincre des investisseurs (fonds de pension, caisses de retraite, riches particuliers...) et des banquiers de lui prêter de l'argent, investir celui-ci dans des entreprises dont les dirigeants, intéressés aux résultats, peuvent accroître les performances, revendre leur participation quelques années plus tard et rembourser les créanciers en empochant une partie des bénéfices. Rien de bien sorcier.

Apparus il y a une vingtaine d'années, ces fonds bénéficient aujourd'hui d'une puissance sans pareil. Le constructeur automobile américain Chrysler, les français Pagesjaunes, Afflelou, TDF, Arena, Europcar... des milliers d'entreprises sont aujourd'hui la propriété d'un des 700 fonds tels que Blackstone, KKR, TPG, Cerberus, Carlyle ou les français Wendel et Eurazeo... En Grande-Bretagne, 20 % des salariés du secteur privé travailleraient pour une entreprise appartenant à un fonds. En 2006, ils auraient levé plus de 430 milliards de dollars, dont environ 85 milliards en Europe. Et comme ils empruntent entre quatre et cinq fois ce montant auprès des banques - ce sont les fameux LBO, des opérations dites à effets de levier -, leur puissance financière leur permet d'acquérir à peu près ce que bon leur semble.

Tant que leur activité restait marginale ou qu'ils ne rachetaient que des petites sociétés non cotées, ces financiers ont pu mener leurs lucratives opérations en toute discrétion. Aujourd'hui, leur puissance est telle qu'elle inquiète les syndicalistes et des responsables politiques, y compris aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Le premier reproche qui leur est adressé est d'être court-termistes. Ils ne rachèteraient les entreprises que pour les pressurer, notamment en licenciant, puis s'en sépareraient à bon compte dès que le sale boulot a été fait. Ce reproche ne semble pas fondé. Du moins pour l'instant. Certes, les fonds cherchent à accroître la rentabilité des entreprises dans lesquelles ils investissent. Contrairement aux fonds de pension traditionnels, ils s'impliquent dans la gestion et n'hésitent pas à changer le management si nécessaire. Leur objectif : pouvoir revendre l'entreprise cinq ans plus tard au moins deux fois plus cher. Cela peut passer par des suppressions d'emplois, mais, globalement, les entreprises sous LBO ne semblent pas en supprimer davantage que les autres. Selon leur porte-parole, l'Association française des investisseurs en capital, les 4 852 entreprises françaises sous LBO en 2004 et 2005 ont vu leurs effectifs croître d'au moins 4 %.

En revanche, il est clair que les fonds ont contribué au primat donné, ces dernières années, au capital sur le travail. Pour ce faire, les gérants ont trouvé un moyen radical : transformer les directions en actionnaires en obligeant le management des entreprises qu'ils rachètent à investir un à deux ans de salaire dans la société et en l'associant financièrement aux performances. Résultat : des cadres supérieurs, déjà très bien payés, deviennent capitalistes et peuvent se retrouver à la tête d'une fortune de plusieurs dizaines de millions d'euros en un temps record.

Ils ne sont pas les seuls dans ce cas : comme le montre l'exubérance de Stephen Schwarzman, les gérants perçoivent des sommes qui, en raison des montants en jeu, deviennent "grotesques", selon la formule du milliardaire Warren Buffet : ils touchent environ 1 % à 2,5 % de l'argent qui leur est confié et 20 % des plus-values lors de la vente. Pour couronner le tout, ces génies de la finance ont trouvé la parade pour payer très peu d'impôts sur ces revenus taxés comme des dividendes - "moins qu'une femme de ménage", selon un responsable de la City.

RECETTE MIRACLE ?

Faire fortune avec l'argent des uns et le travail des autres : les gérants de fonds auraient-ils trouvé la recette miracle ? Rien n'est moins sûr. Plusieurs menaces se profilent. Que les taux d'intérêt remontent ou que les finances des entreprises se tendent au point de ne pas pouvoir supporter d'endettement supplémentaire, et la belle mécanique risque de s'enrayer. Par ailleurs, les sommes en jeu sont telles - on compte à ce jour une dizaine de transactions supérieures à vingt-cinq milliards de dollars - que les fonds eux-mêmes ne peuvent plus se permettre d'être non cotés. Eux qui expliquaient que ne pas être en Bourse leur permettait de ne pas imposer de contraintes trimestrielles aux entreprises qu'ils rachetaient vont devoir trouver d'autres arguments. L'introduction de Blackstone à la Bourse de Wall Street, le 22 juin, bouleverse les règles de la profession. M. Schwarzman et son équipe vont être soumis à davantage de transparence sur leurs rémunérations, leur mode de fonctionnement jusqu'ici discrétionnaire et vont devoir rendre des comptes trimestriels à leurs actionnaires : autant de phénomènes dont on mesure mal les effets mais qui modifieront les pratiques de ce fonds.

Richissimes, passant peu à peu de la rubrique "finances" des journaux à la rubrique "people", les gestionnaires de fonds commencent à être saisis d'une véritable hybris. Ainsi, entre Blackstone et KKR, c'est à celui qui lèvera le plus d'argent et réalisera la plus grosse opération. Pour le moment, le jeu fascine, mais il y aura nécessairement des dérapages. Des entreprises payées trop cher ou qui seront moins rentables que prévu. Déjà, les banques hésitent à leur prêter autant d'argent qu'auparavant.

Au faîte de leur gloire, les fonds sont sur la défensive. D'où leur plaidoyer en faveur de l'emploi qu'ils génèrent. D'où une nouvelle politique associant un plus grand nombre de salariés aux résultats des entreprises qu'ils rachètent. Cela ne suffira sans doute pas. A Washington et à Londres, les parlementaires envisagent d'augmenter sérieusement la taxation des plus-values réalisées par les fonds. En exhibant sa fortune, M. Schwarzman ne s'est pas fait que des amis. Pour les fonds, le temps de la fête semble bel et bien fini.

Frédéric Lemaître



05/07/2007
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