Revue de presse - Savoie

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Lyon-Turin: fabrique du consentement avec l’aide de BVA payé par l’argent public

La société TELT a publié un sondage sur le projet TGV Lyon-Turin Site BVA : «nous sommes des experts du comportement» dans des secteurs dont Conseil - Communication Publique et Politique où BVA précise «La communication publique et politique consiste à construire le récit de l’ambition ou du projet d’un candidat/d’un élu .... » Alors: mesure d'opinion ou construction d'un récit?

La société TELT, chargée de la construction du tunnel transfrontalier de la nouvelle ligne à grande vitesse Lyon-Turin, a rendu public le 23 septembre un sondage réalisé par BVA et titré « Quelle perception du projet TGV Lyon-Turin ? Regards croisés des Français et des Italiens »

En page d’accueil de son site BVA indique « nous sommes des experts du comportement » avec plusieurs secteurs de compétence, dont "Conseil - Communication Publique et Politique", où on trouve « La communication publique et politique consiste à construire le récit de l’ambition ou du projet d’un candidat/d’un élu, d’un territoire, d’une institution. »

La société BVA est connue du grand public à travers ses enquêtes d’opinion qu'elle définit ainsi « Les enquêtes d’opinion permettent d’identifier, de mesurer, de comprendre et d’analyser ce que pensent les Français en tant que citoyens sur des sujets très variés .... »

Mesurer une opinion, c’est interroger des personnes d’un échantillon représentatif qui connaissent le sujet. C’est exprimé dans les articles 1 et 3 du Décret n°80-351 du 16 mai 1980 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion.
Article 1
Les opérations concourant à la réalisation, à la publication et à la diffusion de sondages d'opinion définis à l'article 1er de la loi susvisée du 19 juillet 1977 doivent être effectuées de manière à en assurer la qualité et l'objectivité
Article 3
Les questions posées ne doivent pas être de nature à induire en erreur les personnes interrogées ou à orienter les réponses.
Le choix des enquêteurs et les instructions données à ceux-ci ne doivent pas être de nature à fausser les résultats de l'enquête.

La réponse à la première question du sondage sur le projet TGV Lyon-Turin permet pourtant de constater que ce sondage ne correspond pas à cette définition. On trouve les résultats à cette question page 4 du sondage https://staticswww.bva-group.com/wp-content/uploads/2019/09/G65_Projet-Lyon-Turin_Rapport.pdf

À la question posée:
« AVEZ-VOUS DÉJÀ ENTENDU PARLER DU PROJET DE TUNNEL FERROVIAIRE ET DE NOUVELLE LIGNE À GRANDE VITESSE ENTRE LA FRANCE ET L’ITALIE DEVANT RELIER LYON À TURIN ? »
Le résultat est le suivant :
- Oui, et vous voyez bien de quoi il s’agit = 32 % en France
- Oui, mais vous ne voyez pas très bien de quoi il s’agit = 34 % en France
- Non, vous n’en avez pas entendu parler = 34 % en France

Ainsi, sur le territoire national, il n’y a qu’une minorité de 32% des personnes interrogées qui se déclarent à même de donner un avis pertinent, soit 320 personnes sur l’échantillon de 1000 personnes. 68% de l’échantillon, soit 680 personnes sur 1000, déclarent à l’inverse ne pas très bien ou ne pas connaître le sujet : à 34% « vous ne voyez pas très bien de quoi il s’agit » et à 34 % « vous n’en avez pas entendu parler »

Comment peut-on assurer la qualité et l’objectivité des opérations de sondage dans ces conditions. Le sondage: procède-t-il de la « construction d’un récit » selon les termes de BVA ou est-il la « mesure d’une opinion » ?

BVA a titré les résultats de la première question « Une bonne notoriété du projet en France, une connaissance assez précise en Rhône-Alpes ». Bonne notoriété d’après le dictionnaire « Qui est connu d'un très grand nombre de personnes et qui n'est pas contesté ».
Quand l’échantillon pour la France répond 34 % à la question ENTENDU PARLER : Oui mais vous ne voyez pas très bien de quoi il s’agit », on ne peut pas compter ces 34 % dans une bonne notoriété.
Avec seulement 32 % qui répondent « Oui, et vous
voyez bien de quoi il s’agit », la notoriété n’est donc pas « bonne ». Le titre présentant les résultats à la première question apparaît donc orienté pour ne pas dire trompeur.

Les questions suivantes du sondage n’ont qu’une apparence de neutralité; prenons la question page 11 concernant le soutien au projet. C’est une question fermée, et c’est la seule du sondage qui décrit le projet :
CE PROJET CONSISTE NOTAMMENT À BÂTIR UN NOUVEAU TUNNEL FERROVIAIRE ENTRE LA FRANCE ET L’ITALIE POUR RELIER LYON À TURIN EN DEUX HEURES ET DÉVELOPPER LE TRANSPORT DE MARCHANDISES PAR LE RAIL. CETTE NOUVELLE LIGNE SERA DONC UTILISÉE À LA FOIS POUR LE TRANSPORT DE VOYAGEURS ET DE MARCHANDISES. PERSONNELLEMENT, Y-ÊTES-VOUS…

La description est inexacte et trompeuse : en effet, d'après les enquêtes publiques de 2006 pour le tunnel transfrontalier et de 2012 pour les accès français au tunnel, le projet complet permet de gagner 1h28 et non pas 2h.
Le gain de 1h28 n’est acquis qu’en faisant le projet complet de 270km. Le tunnel transfrontalier seul de 57km dont est chargé TELT ne représente qu’un tiers du coût selon les documents de l’enquête publique de 2012 et ne fait gagner que 43 mn, toujours d’après les mêmes enquêtes publiques ; on est loin des 2 heures de la question.

Si on donne les avantages présentés favorablement, aucun coût, à 68% de personnes qui ne connaissent pas le sujet, pourquoi répondre non ? Il s’agit bien de la « construction d’un récit » et ce sondage permet à TELT de titrer « 93 % des français sont favorables »
Une réponse plus juste pourrait être : 93% DES FRANÇAIS SONT FAVORABLES AU PROJET SUR UN ÉCHANTILLON DE 1000 PERSONNES DONT 68% NE SAVENT PAS DE QUOI ELLES PARLENT.

Avec cet échantillon, que valent les réponses sur la nécessité du projet, sa contribution à l’unité de l’Europe, le réchauffement climatique, la pollution, le tourisme, l’emploi ; il est même surprenant d’avoir 64 % des français qui le trouvent trop coûteux ; sur quelle base? l’intuition, un chiffre entendu – mais lequel, celui de 8,6 milliards tunnel transfrontalier seul, de 2,2 milliards pour la part française ou celui de la ligne complète à 26 milliards ?

Pour une bonne « construction d’un récit » on trouve des questions comme
PERSONNELLEMENT, ÊTES-VOUS TOUT À FAIT D’ACCORD, PLUTÔT D’ACCORD, PLUTÔT PAS D’ACCORD, PAS DU TOUT D’ACCORD AVEC…? LE PROJET DE TUNNEL FERROVIAIRE ET DE NOUVELLE LIGNE À GRANDE VITESSE LYON-TURIN VA AMÉLIORER LA MOBILITÉ DES CITOYENS ET LES ÉCHANGES [EN FRANCE / EN ITALIE] ET EN EUROPE
Qui peut répondre qu’une nouvelle LGV ne va pas améliorer la mobilité ? Ne serait-ce pas vrai aussi de Lyon à Bordeaux, Montpellier à Biarritz ? Poitiers-Limoges à Paris ?
À quoi sert cette question à part créer un récit d’adhésion, à fabriquer le consentement ?

PERSONNELLEMENT, ÊTES-VOUS TOUT À FAIT D’ACCORD, PLUTÔT D’ACCORD, PLUTÔT PAS D’ACCORD, PAS DU TOUT D’ACCORD AVEC…? LE PROJET DE TUNNEL FERROVIAIRE ET DE NOUVELLE LIGNE À GRANDE VITESSE LYON-TURIN …
VA PERMETTRE DE REDUIRE LE TRAFIC DES CAMIONS DANS LES VALLÉES ALPINES
Quand on ne connaît pas le sujet à 68 %, quand on ne sait pas qu’il y a une ligne existante Lyon-Turin, où circule 6 fois moins de trains de fret en 2018 qu'en 2000 avant rénovation, qu'on peut déjà de mettre des centaines de milliers de Poids Lourds sur le train, à quoi sert cette question si ce n’est également créer un récit d’adhésion ? fabriquer le consentement ?

Question Page 20
PERSONNELLEMENT, ÊTES-VOUS TOUT À FAIT D’ACCORD, PLUTÔT D’ACCORD, PLUTÔT PAS D’ACCORD, PAS DU TOUT D’ACCORD AVEC…? LE PROJET DE TUNNEL FERROVIAIRE ET DE NOUVELLE LIGNE À GRANDE VITESSE LYON-TURIN … EST UN PROJET TROP COÛTEUX
Réponse sur l’échantillon France: 17% Tout à fait d’accord, 47% Plutôt d’accord, 32% Plutôt pas d’accord, 4% Pas du tout d’accord, 0% Ne se prononce pas
Cette question ne donne pas d’information contrairement à la première question. Les informations de coût figurent dans l’enquête publique de 2012, ou en se référant à la Direction du Trésor qui chiffre le projet complet à 26 milliards euros en 2012.

Si les chiffres officiels étaient mentionnés, quelles seraient la réponse à cette question et quel serait l’impact sur les réponses aux autres questions ?

Que dire de la question
VOUS PERSONNELLEMENT ÊTES-VOUS TOUT À FAIT FAVORABLE, PLUTÔT FAVORABLE, PLUTÔT OPPOSÉ, TOUT À FAIT OPPOSÉ AU DÉVELOPPEMENT DU TRANSPORT DE MARCHANDISES PAR LE TRAIN PLUTÔT QUE PAR LA ROUTE EN EUROPE…
même les opposants au projet répondent oui.

Si BVA n’était pas dans la création d’un récit pour son client TELT qui a payé le sondage avec de l’argent public (combien a-t-il coûté ?), que seraient le processus et les bonnes questions ?
Il faudrait
1- chercher un échantillon connaissant le projet
2- poser des questions avec les enjeux, les bénéfices et les coûts, ou donner les informations sur le projet au préalable ; par exemple

Sur le soutien au projet
POUR 26 MILLIARDS D’EUROS, CE PROJET CONSISTE À FAIRE UNE NOUVELLE LIGNE FERROVIAIRE DE 270 KM ENTRE LA FRANCE ET L’ITALIE POUR RÉDUIRE LE TEMPS DE PARCOURS DE 1H30 ET AUGMENTER LES CAPACITES DE TRANSPORT DE MARCHANDISES PAR LE RAIL. CETTE NOUVELLE LIGNE SERA DONC UTILISÉE À LA FOIS POUR LE TRANSPORT DE VOYAGEURS ET DE MARCHANDISES. PERSONNELLEMENT, Y-ÊTES-VOUS…

Ce sondage BVA peut être vu comme un exemple de contribution à la fabrique du consentement et il est fait avec l’argent public, TELT avec le soutien du comité pour La Transalpine, pratiquent à l’échelle du projet Lyon-Turin le média blitz d’Edward Bernays écrasant dans les médias les avis divergents, faisant oublier l’opposition unanime de la haute administration d’état.
M Stéphane Guggino Délégué Général du comité pour La Transalpine a un diplôme du CELSA en communication publique et politique ; M Jacques Gounon président est un argument d’autorité en tant que PDG de Getlink (ex Eurotunnel).
La Transalpine, lobby officiel répertorié à la HATVP ne publie pas ses comptes. Pour ne pas le faire, alors que cette association reçoit bien plus de 153 000 euros d’argent public qui est le seuil légal pour les publier, La Transalpine joue sur les mots dans ce qu’on peut considérer comme un abus de droit en déclarant que ce sont des « cotisations » versées par de l’argent public, et non des « subventions » d’argent public.

Dans son article 14, la DDHC de 1789, préambule de la constitution de 58 indique « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »

Les activités de lobbying sont incompatibles avec la transparence, encore plus quand c'est avec l’argent public.



23/10/2019
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