MAM dans le marigot tunisien
Editorial de Thomas Legrand sur France inter
Le voyage de Michèle Alliot-Marie dans l’avion privé
d’un homme d’affaires tunisien... Comment commenter cette affaire sans
avoir l’air donneur de leçon? Parce que de quoi s’agit-il? De la base.
Il y a des choses qui ne se font pas, des choses qui se font:
- Par exemple, vous êtes dans un bus, une personne âgée entre, vous lui proposez votre place. Ça se fait.
- Vous êtes ministre, vous êtes en vacances privées dans une dictature, un ami riche industriel du pays vous propose de vous transporter dans son avion gratuitement, eh bien vous refusez, ça se fait pas, enfin normalement!
Rien que de rappeler cette évidence montre le niveau de
déconnexion de certains responsables. Cette affaire révèle, s’il en
était besoin, le degré d’inconscience, à cent lieues de la réalité,
d’hommes et de femmes politiques trop longtemps habitués à cumuler
emplois, fonctions et à entretenir leurs réseaux d’influences. Ils sont
maintenus comme hors-sol, habitués à ne jamais rien payer.
Le problème n’est même plus de savoir si Aziz Miled, l’industriel tunisien, est un proche de Ben Ali, ni si la répression avait commencé à l’époque du voyage.
Le problème, c’est simplement d’accepter ou non qu’un homme
d’affaires vous transporte gratuitement dans son avion privé quand vous
êtes un couple de ministres de la République française en vacances. Un
ministre en vacances devrait comprendre tout seul qu’il doit tout
payer, exactement comme n’importe quel Français. (Il n’y a d’ailleurs
que quand ils sont en vacances que les ministres paient quoi que ce
soit!)
La moindre des choses, c’est de refuser toutes les offres de
fortunés personnages qui gravitent toujours autour des gens de pouvoir.
En juin dernier, le président de la République a d’ailleurs rappelé que
les ministres doivent payer leurs vacances.
On pourrait même sans être taxé d’ayatollah de la déontologie du
pouvoir, se demander si le président lui-même et son épouse –qui ont
passé leur vacances de Noël dans un palais appartenant au roi du Maroc– ne seraient pas mieux inspirés de choisir des destinations plus simples et moins compromettantes.
Par exemple: peut-on sérieusement demander la libération du colonel Kaddour Terhzaz,
ce Franco-marocain de 74 ans, emprisonné injustement au Maroc –ou de
toute autre victime du pouvoir marocain– si on se fait prêter un palais
pour Noël?
Autre question: Michèle Alliot-Marie se défend-elle bien? Non et
d’ailleurs maintenant, cela devient très difficile. La ministre
accumule les petits oublis, les petits mensonges.
«La dernière fois que j’ai vu l’ancien président [Ben Ali], en tête-à-tête, c’était en 2006», dit-elle dans le Parisien.
Faux! La ministre l’a rencontré en entretien le 30 novembre dernier à Tripoli, ce qui est d’ailleurs tout à fait normal, mais n’est même plus assumé.
Preuve que dans cette tourmente, certains dirigeants n’arrivent plus à faire le tri de ce qui se fait et ce qui ne se fait pas.
Nicolas Sarkozy s’est fait élire sur la rupture, aussi en matière
de gouvernance, sur la «république irréprochable». On oublie souvent la
fin de cette phrase d’avril 2007:
«Je veux changer la pratique de la République: plus de simplicité, plus de proximité.»
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