Vu de Suisse - Santé: comment font donc les autres?
COMMENTAIRES
Intéressante comparaison entre plusieurs systèmes vu par la Suisse. Il ressort que les USA ont le pire système et de loin – et le Royaume uni le pires en Europe; Il est PRIMORDIAL de s'en rappeler quand on compare les modèles économiques ou les taux de prélèvement sans parler des service rendus grâce à ces prélèvements.
L'idéologie dominante frappe aussi les suisses, les « patients » ne sont pas des patients, mais des consommateurs. Comme si tout même la santé ne pouvait se concevoir qu'à travers le filtre marchant.
Nos « très chers » économistes « experts » en Suisse comme en France trouvent pourtant que le modèle américain d'assurance privées avec médecins affiliés est un bon modèle (HMO en anglais). Ce modèle en place depuis longtemps amène pourtant 15% de la population américaine à ne pas être couverte, et une dépense 50% plus élevée par habitant aux USA par rapport à l'europe en proportion du PIB. Décidément, ces experts refusent toujours de voir la réalité de leur cher modèle tout marchand.
Dans les pays à forte concurrence, les coûts de santé sont les plus élevés – y compris les coûts administratifs pour les assurances privées – démontrant ainsi que la concurrence dans le domaine de la santé fait monter les prix et non l'inverse.
Santé: comment font donc les autres?
http://www.letemps.ch/template/tempsFort.asp?page=3&contenuPage=&article=201591&quickbar=• Est-on mieux soigné en Suède? En Autriche? Aux
Etats-Unis? Ou peut-être en Suisse?
• Le débat sur
la caisse unique vire à une comparaison, souvent simpliste,
entre systèmes de santé.
• Pour y voir plus
clair, voyage guidé dans huit systèmes de santé,
du tout libéral au plus social.
Sylvie Arsever et François Modoux - Vendredi 2 mars 2007
Voudriez-vous être soigné
en Autriche? Etes-vous prêt à payer plus de primes pour
éviter d'avoir à contempler le trou de la Sécu?
Le débat sur la caisse unique s'internationalise.
Mené
à coups de modèles repoussoirs – le tout libéral
américain, avec ses cohortes de sans-soins, contre le tout
étatique britannique et ses listes d'attente sans fin –, il
est souvent caricatural. Il masque surtout un point commun important.
Même s'ils divergent sur le principe comme sur les
applications, tous les systèmes sont en mouvement, à la
recherche de la réforme qui leur conférera plus
d'efficacité. Et la plupart, comme en Suisse, peinent à
effectuer mieux que de légères corrections de cap.
Le
Temps a choisi de se pencher sur huit systèmes de santé
sélectionnés pour leurs différentes approches.
Du plus socialisé, la Suède, au plus libéral,
les Etats-Unis, de la mise en concurrence de caisses multiples en
Allemagne et aux Pays-Bas à des assurances uniques,
entièrement intégrées – en Grande-Bretagne –
ou décentralisées – en France et en Autriche. Le but
de l'exercice n'étant pas de déboucher sur la
comparaison définitive entre planification et concurrence,
solidarité et responsabilité. Mais
de faire
connaissance avec plusieurs manières de combiner les unes et
les autres dans des cocktails qui tiennent compte à chaque
fois des circonstances, de la culture politique et de l'histoire de
chaque pays.
Comment se payer une santé?
Dans tous
les pays concernés hormis les Etats-Unis, l'assurance maladie
sociale est obligatoire pour une partie au moins de la population.
L'Allemagne permet aux personnes disposant d'un revenu annuel
supérieur à 46800 euros d'opter pour une assurance
privée. En pratique, seule une minorité fait usage de
cette possibilité et 90% des habitants émargent à
l'assurance obligatoire.
En France, c'est par le bas qu'on
peut sortir du système: près de cinq millions de
personnes en situation précaire n'émargent pas à
la Sécu mais se voient garantir l'accès aux soins. Aux
Etats-Unis, 68% de la population ont une assurance privée. Les
autres bénéficient des systèmes publics Medicaid
et Medicare ou sont sans couverture aucune (15%).
Toujours à
l'exception des Etats-Unis, les contributions dépendent
partout du revenu. En généralisant l'obligation de
s'assurer à partir du début de 2006, les Pays-Bas ont
introduit un système mixte - prime par tête et
prélèvement en pour cent du revenu - qui exempte les
moins de 18 ans de tout payement. Le système de santé
est financé par l'impôt en Grande Bretagne et
partiellement en Suède, par des cotisations proportionnelles
au salaire et prélevées à la source en France et
par des cotisations paritaires en Allemagne et en Autriche. Ce mode
de cotisation exempte les enfants de toute charge.
Quel que
soit le financement, les dépenses de santé croissent -
question de niveau de revenu et de démographie. Les pays qui
planifient fortement l'offre - comme la Grande-Bretagne, l'Autriche
et la Suède - parviennent en général mieux à
contenir cette croissance, quitte à générer des
situations de pénurie engendrant des durées d'attente
insupportables même pour des soins présentant un certain
caractère d'urgence. C'est ce qui s'est produit notamment pour
le système de santé britannique sous l'effet des
réformes imposées par Margaret Thatcher. En 1997, au
moment de l'accession de Tony Blair au pouvoir, les dépenses
de santé britanniques étaient de 6,8% du PIB, un record
européen.
Là où une liberté plus grande est laissée à l'offre privée, comme en France, en Allemagne et en Suisse, les dépenses sont plus importantes et croissent plus vite, le record toute catégorie étant détenu par les Etats-Unis avec 15,3% du PIB. L'existence de déficits - en France et en Autriche, notamment - n'est pas directement liée au niveau des coûts mais à la différence entre ces derniers et l'effort jugé politiquement judicieux ou acceptable à un moment donné.
Quel choix pour le consommateur?
Le
principal - celui de son médecin - est en principe garanti
partout, de même en général que celui de
l'hôpital. Mais ce choix s'opère souvent sur un marché
limité: médecins et hôpitaux conventionnés
en Autriche et en Allemagne, médecins et hôpitaux agréés
par une autorité régionale en Suède et en
Grande-Bretagne ou choisis par une caisse aux Pays-Bas. En France et
en Allemagne, en outre, les assurés doivent passer par un
généraliste pour avoir accès à une
consultation de spécialiste.
Si les Hollandais peuvent
choisir leur assureur, ils sont seuls dans leur cas avec les
Allemands, les Suisses, et deux tiers des Américains au
bénéfice d'une assurance privée. Les assureurs,
dans ces pays, peuvent pratiquer des primes différentes. Sauf
aux Etats-Unis, ils sont toutefois obligés de fournir les
mêmes prestations de base. La concurrence entre eux s'exerce
sur l'efficacité administrative et les prix en Suisse et en
Allemagne ainsi que sur la qualité - ou le prix - des
prestations fournies aux Pays-Bas et aux Etats-Unis.
Ailleurs,
l'affiliation est la même pour tous, ou dépend de la
branche économique et/ou du domicile. L'existence d'une
concurrence n'a pas d'effet démontrable sur les frais
administratifs. Ces derniers sont de 6,5% en Allemagne (le niveau
suisse), de 4,1% en France et de 3% en Autriche. Les assurances
privées affichent des coûts administratifs nettement
plus importants: 25% aux Etats-Unis, 20,7% en Suisse.
Dans
tous les pays connaissant un système d'assurance sociale, les
assurés ont en outre la possibilité de conclure des
assurances privées complémentaires. Ces dernières
sont à géométrie - et à prix - très
variable et assurent l'accès soit à des prestations,
soit à des choix supplémentaires. Elles touchent entre
86% des assurés en France et 2,5% en Suède - signe que,
malgré des files d'attente parfois importantes, le système
de santé très socialisé de ce dernier pays ne
fait pas trop de mécontents.
Alors, contents?
Le domaine
de la qualité est certainement celui où les
comparaisons sont les plus hasardeuses. Les chiffres relatifs à
l'espérance de vie et à la mortalité périnatale,
utilisés par l'OCDE, sont de relativement peu d'utilité
pour départager des pays de niveau très proche - à
l'exception une fois de plus des Etats-Unis, qui font
particulièrement mal sur les deux tableaux.
Une autre
stratégie consiste à comparer les files d'attente,
considérées comme de bons indicateurs de l'efficacité
d'un système de santé. C'est ce que fait une étude
publiée en 2004 sous l'égide de l'OCDE(*). Les
opérations considérées - pose d'une prothèse
de la hanche ou du genou, opération de la cataracte,
hystérectomie ou prostatectomie peuvent être
programmées. Le patient sera soulagé une fois
l'opération réalisée, mais ni le
dysfonctionnement constaté ni la souffrance consécutive
ne justifient une intervention de première urgence. L'étude
considère une dizaine d'actes chirurgicaux non urgents. Les
renseignements en provenance des différents pays sont jugés
raisonnablement comparables.
Les pays ne déclarant pas
de liste d'attente (ce qui ne signifie pas qu'ils n'en connaissent
pas de façon ponctuelle) ont un profil assez semblable: ils
dépensent davantage en soins (en moyenne+ 32%) que le groupe
des pays avec liste d'attente. Ils ont aussi une capacité
médicale supérieure, mesurée en nombre de
spécialistes (66% de plus que dans le deuxième groupe)
et en lits de soins aigus (21% de plus). Enfin, ils sont régis
par des systèmes de financement fondés sur l'activité
pour les hôpitaux et la rémunération à
l'acte des médecins. Figurent dans ce groupe la France,
l'Allemagne, l'Autriche ainsi que la Suisse et les Etats-Unis.
A l'inverse, les pays déclarant
des listes d'attente, comme le Royaume-Uni, la Finlande, la Suède
et dans une moindre mesure les Pays-Bas, ont, en moyenne, des
systèmes de santé moins coûteux, avec une
capacité d'intervention médicale plus réduite,
un financement essentiellement public avec des enveloppes budgétaires
contraignantes et des médecins salariés.
Les
disparités sont parfois spectaculaires. Pour certains
protocoles, les délais d'attente atteignent en moyenne de six
à neuf mois en Grande-Bretagne, contre de 0 à 15 jours
au maximum en Allemagne, en France ou en Suisse.
Inspiré
par le médecin suédois Johan Hjertqvist, le site Health
Consumer Powerhouse(**) publie un classement annuel. Les critères
retenus sont le remboursement des soins dentaires, les droits des
patients, les temps d'attente, les délais de mise sur le
marché des nouveaux médicaments et les statistiques de
mortalité pour quelques pathologies répandues. Pour
2006, la France vient en tête, devant les Pays-Bas, l'Allemagne
et la Suède. La Suisse est cinquième, ce qui met dans
le peloton de tête trois pays où la santé est
chère - la Suisse, l'Allemagne et la France - et deux pays où
son coût reste raisonnable, la Suède et la Hollande.
L'Autriche vient au huitième rang et la Grande-Bretagne au
quinzième, les Etats-Unis ne sont pas inclus dans la
comparaison.
Health Consumer Powerhouse publie également un indice de résultat pondéré en fonction du PIB. Là, c'est la Slovénie qui vient en tête du classement, suivie par l'Estonie et la Hongrie. La Suède est cinquième, immédiatement suivie par la France et les Pays-Bas. La Suisse est quinzième.
Comment faire mieux?
Qu'ils
soient socialisés ou libéraux, chers ou raisonnables,
généralement appréciés ou critiqués,
tous les systèmes de santé ont un point commun: ils se
réforment. La hausse des coûts, sensible partout, y est
pour quelque chose, de même sans doute que la remise en
question généralisée de l'Etat social.
Point
commun de ces efforts: la responsabilisation. Celle des assurés,
d'abord, peut passer par deux stratégies pas forcément
antagonistes: une augmentation de leur quote-part dans le financement
des coûts et de meilleurs instruments pour agir sur le système
- droits et transparence accrus, dédommagements pour les
fautes médicales.
La gratuité des soins,
principe qui est notamment au cœur du système britannique,
comporte un effet pervers important que les économistes
appellent le «hasard moral»: on consomme plus volontiers
et plus abondamment d'un bien qui ne coûte rien. Pour contenir
cet effet, les patients sont toujours plus sollicités pour
financer une partie des soins de leur poche.
Presque partout,
ces derniers paient une quote-part fixe de la première
consultation, ou de l'ensemble du traitement sur quelques mois, et il
est rare que les médicaments soient entièrement
remboursés. En France, une réforme récente a
modelé le taux de remboursement des médicaments selon
leur efficacité, mais elle peut être contournée
par des assurances complémentaires très répandues.
Ce recours à ce qu'on appelle parfois les tickets modérateurs
a gagné jusqu'à la Suède, et seule la
Grande-Bretagne s'en tient au principe de la gratuité absolue.
En 2004, la part des coûts de la santé payés
directement par les patients était de 11% en Allemagne et de
30% en Suisse, l'Autriche, la Suède et les Pays-Bas se situant
entre les deux, autour de 20%.
La limite de l'exercice est toutefois
vite atteinte: lorsqu'on lui demande un effort trop important pour sa
bourse, le consommateur a tendance à rogner sur les dépenses
de prévention et/ou d'intervention précoce et à
ne consulter que lorsque les symptômes ont atteint le degré
où ils sont assurés de coûter le plus cher
possible. C'est un des effets pervers mis en avant par certains des
franchises à option en Suisse.
Si certains pays
tentent de dissuader les assurés de trop consommer, d'autres
ont l'ambition de rendre cette consommation plus efficiente. La
Suède, ainsi, a mis sur pied un ambitieux plan de santé
publique, à l'œuvre depuis 2003. La prévention est
développée, les droits des patients ont été
accrus et ces derniers sont encouragés à aller chercher
en dehors de leur région d'habitation les soins qu'ils ne
trouvent pas assez vite sur place. En Grande-Bretagne, une
information détaillée sur l'offre a été
développée.
Les primes par tête sont
également considérées par certains économistes
comme un moyen de responsabilisation des assurés. Pour le
moment, toutefois, l'idée passe mal: des propositions en ce
sens n'ont pas percé en Autriche ni en Allemagne et, pour
parvenir à l'imposer partiellement, les Pays-Bas ont dû
profiter d'une réforme de fond, comparable à celle
vécue en Suisse avec l'adoption de la LAMal.
La
responsabilisation peut aussi viser d'autres acteurs. Avec Margaret
Thatcher, la Grande-Bretagne a misé sur les médecins.
Ces derniers pouvaient assumer la fonction d'acheteurs de soins: ils
se sont vu doter d'un budget dans le cadre duquel ils devaient
cantonner leurs prescriptions et hospitalisations. Le gouvernement de
Tony Blair a modifié le système en associant d'autres
prestataires de soins dans la structure d'achat. Moins drastique, le
système du gatekeeper - un médecin généraliste
qui peut seul donner l'accès aux raisons des soins - repose
sur la même idée. Il est notamment pratiqué en
France et en Allemagne.
Mais l'idée la plus
prometteuse aux yeux des économistes vient des Etats-Unis,
où les caisses privées passent avec les employeurs des
contrats donnant accès à un groupe limité de
réseaux ou de prestataires de soins. C'est la solution choisie
par les Pays-Bas et explorée plus prudemment par l'Allemagne.
Le développement des réseaux de soins, avec
lesquels les caisses peuvent passer des contrats leur permettant de
faire des offres plus concurrentielles à leurs clients, est un
élément central. Aux Pays-Bas, les assureurs peuvent
également choisir parmi les médecins, ce n'est pas le
cas en Allemagne. Dans les deux pays, ils sont tenus de fournir au
minimum un panier de prestations de base.
Pour qu'un tel
système fonctionne, il faut que la concurrence entre caisses
s'exerce effectivement dans l'achat de soins et non dans la poursuite
des assurés les moins dépensiers. C'est pourquoi tant
l'Allemagne que les Pays-Bas ont entrepris de perfectionner leur
système de compensation des risques.
Entre-temps, les
Etats-Unis ont fait un pas de plus vers la responsabilisation des
assurés. Ces derniers peuvent désormais opter pour une
épargne santé, défiscalisée, à
laquelle contribue l'employeur. Le capital ainsi constitué
peut être utilisé à des soins quels qu'ils soient
- chirurgie esthétique ou ablation d'une tumeur - ou conservé.
Mais, quand il est épuisé, le droit aux soins l'est
aussi.
A côté des réformes de structures,
des efforts importants sont consentis pour abaisser le niveau des
différents postes du budget santé. La réduction
de l'offre hospitalière est à l'ordre du jour partout
depuis une dizaine d'années, et ce n'est pas fini. Cela se
fait essentiellement par la planification - Suède, Autriche
notamment. Le gouvernement de Tony Blair a ouvert en partie le marché
hospitalier à la concurrence privée.
Un autre champ d'action très exploré est celui des
médicaments. Accords avec les pharmas, décisions de ne
rembourser que le prix le plus bas dans chaque spécialité
ou que les génériques, quotes-parts moins importantes
pour ces derniers ont été explorés un peu
partout ces derniers temps, avec des résultats en général
d'autant plus sensibles que la pression exercée sur
l'industrie pharmaceutique est décidée.
*Luigi
Siciliani, Jeremy Hurst: «Cause de la disparité des
délais d'attente en chirurgie non urgente dans les pays de
l'OCDE», dans «Revue économique de l'OCDE»,
No 38, 2004/1.
**www.healthpowerhouse.com
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